affaire de diffamation sur Africable : Khadidiatou N’Diaye et coaccusés  déclarés non coupables

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Poursuivie pour diffamation par la Société minière de Loulou  (Somilo) à la suite des révélations faites dans l’émission « Femmes capables » de  Africable télévision, Khadidiatou N’Diaye a comparu à la barre du tribunal de la commune VI le jeudi 2 février 2023 avec ses coauteurs, à savoir le Directeur général d’Africable, Ismaël Sidibé, pour l’incrimination de la boîte et Djénèbou Mariko, la présentatrice de ladite émission incriminée. L’affaire a été délibérée hier jeudi 9 février 2023 et ils tous été déclarés non coupables.

a salle d’audience était pleine à craquer les jeudis 2 et 9 février 2023, par une foule constituée majoritairement d’organisations de défense des droits de l’Homme. Elles étaient là pour apporter leur soutien à la présumée victime et à ses coaccusés.

A l’ouverture du procès le jeudi 2 février 2023, à 9h30 minutes exactes, le conseil des avocats de la défense a souligné la nullité de la procédure à cause de certaines irrégularités. Dans les argumentaires, ils ont soutenu qu’il y a violation de l’article 62 de la loi 046 du 7 juillet 2000 portant régime de la presse et délit de presse, qui stipule que « le délai entre la citation et la comparution sera de 20 jours ». Cette demande a été rejetée par le président du tribunal, donnant lieu au débat de fond.

Sidibé de la télévision incriminée a été le premier à comparaitre. Dans ses déclarations, on retient que l’émission appartient au présentateur et à la chaîne de télévision en termes de droit d’auteur. C’est pourquoi, la présentatrice de l’émission  »Femmes Capables », Djénèbou Mariko, a mis l’élément sur sa page facebook.

Le conseil de la partie civile lui a demandé si ladite émission est directe ou en différé. Différé, repond-il. Les avocats lui ont ainsi demandé pourquoi n’avoir pas pris le temps de vérifier les déclarations de l’accusée après enregistrement avant la diffusion ? Sidibé a souligné qu’en 6 années, de telles situations ne s’étaient jamais présentées. ‘‘Les choses se sont toujours bien passées depuis la création de l’émission jusqu’à aujourd’hui ».

Me Nadia lui a demandé l’objectif de l’émission. Il a indiqué que c’est pour promouvoir les femmes en termes de droits, des activités génératrices de revenus pour leur épanouissement et autonomisation. L’avocate a souligné que les déclarations de Mme Khadidiatou N’Diaye n’ont rien à voir avec cet objectif. Ainsi, elle a demandé au représentant de la chaîne incriminée s’il était à l’aise d’être à la barre. Sidibé lui a répondu que personne n’est à l’aise d’être à la barre, à moins que ce ne soit votre travail.

Maître Nadia lui a demandé si le thème n’est pas connu avant le passage des invités ? Si, si, a-t-il répondu. Est-ce que vous vous donniez le moyen de vérifier le contenu de chaque émission ? Sidibé a répondu qu’il ne peut pas vérifier la véracité des dires des invités de chaque émission.

Maître Khalifa Habib Koné de la partie civile a posé la question à Sidibé de savoir si l’image de la société n’a pas été salie par les déclarations de Khadidiatou N’Diaye. Il n’a pas voulu répondre à cette question. Il lui a ensuite demandé si l’émission n’a pas dévié de son objectif ? Il a répondu : Non ! La partie civile lui a demandé s’il n’avait pas appris que l’ORTM a refusé de diffuser l’élément sur la même affaire ? Il a répondu par la négative.

Quant au conseil de la défense, il a demandé à Sidibé les rapports de la télévision avec la société minière. Il a fait savoir que le lendemain même de la diffusion de l’émission, ils ont diffusé un élément de la Somilo. C’est pour dire qu’ils entretiennent de bonnes relations. Il a ajouté qu’il ne connaissait pas Khadidiatou N’Diaye avant le scandale.

Pour sa part, Djénèbou Mariko, la présentatrice rendue complice, a expliqué que le concept de son émission, c’est de donner la parole aux femmes capables afin de s’exprimer sur un domaine particulier dans lequel elles ont une expertise.

 »C’est ainsi que je suis rentrée en contact avec Mme Bouaré Bintou Founè Samaké pour parler du harcèlement sexuel en milieu de travail et elle m’a mis en contact avec Khadidiatou N’Diaye pour faire un témoignage. Africable étant une chaîne libre, on donne la possibilité à tout le monde de s’exprimer parce qu’il y a la liberté d’expression. En 22 ans d’existence de la chaîne et en 6 ans de mon émission, la télé n’a jamais été confrontée à de cas pareils. Lorsque Khadidiatou s’est prononcée, je lui ai demandé si elle avait la preuve de ce qu’elle avance et elle m’a montré des documents, mais je ne suis ni une juge, ni une avocate pour savoir s’ils étaient authentiques ou pas », a relaté Djénèbou Mariko, la présentatrice de l’émission « Femmes capables ».

Une avocate de la partie civile lui a demandé si parler de harcèlement sexuel entre dans le cadre de la promotion de la femme ? Elle a répondu par l’affirmative, parce que c’est permettre à une victime qui a accepté de témoigner à visage découvert, de lancer un cri de cœur, après que toutes les portes de recours lui soient fermées.

A la barre, l’accusée principale Khadidiatou N’Diaye est revenue sur les faits avec preuves à l’appui, attestant ainsi de la véracité des révélations qu’elle a faites sur le plateau d’Africable Télévision. Il s’agissait des vocaux entre elle et ses chefs qu’elle accuse et d’autres documents complémentaires. La partie civile a demandé le rejet de ces vocaux et documents pour non authenticité et l’irrégularité de ces preuves. Ils ont souligné que celles-ci devaient être présentées 10 jours avant le procès.

Après une forte opposition des conseils de la partie civile et de la défense, le président a décidé de les prendre. Pendant 3h de temps, les questions ont plu par-ci par-là pour l’accusée principale. Selon les avocats de Somilo, les preuves avancées par l’accusée n’attestent en rien qu’elle a été victime de harcèlement sexuel. En tant que l’un des avocats de la défense, Me Kassoum Boubacar Tapo, dira que ces preuves qui ont été présentées devant le Tribunal sont bel et bien des preuves tangibles, étant donné que c’est lui qui les a fournies. Ainsi, il a insisté sur le renvoi de l’affaire pour le débat de fond.

 »Ne serait-ce que pour permettre au tribunal d’apprécier la recevabilité de ces preuves-là. J’ai l’impression qu’on est pressé d’en finir avec ce procès. Depuis ce matin, on a évoqué les questions de nullité de procédure, qui ont été balayées d’un revers de main, sans prendre le temps d’y réfléchir sérieusement, et maintenant qu’on est sur le fond, les preuves qui sont versées méritent qu’on prenne un peu de recul pour les apprécier sérieusement », a-t-il confié lors d’une suspension de séance.

Après 9 longues heures de débats, Maître Nadia Biouélé, l’une des avocats en charge de la défense de Somilo S.A a indiqué dans son intervention qu’en tant que défenseure des droits de l’Homme et en particulier, ceux de la femme, de faire attention à ne pas rentrer dans les jeux de manipulation et d’instrumentalisation.

Notons que cette avocate est la présidente d’une fondation qui se bat contre les violences basées sur le genre en plaidant notamment pour l’adoption d’une loi réprimant lesdites pratiques. Exerçant son métier d’avocat, elle est contre une victime de VBG.

S’agissant du parquet, il a dégagé les responsabilités d’Africable Télévision et de la présentatrice et a requis de retenir l’accusée Khadidiatou N’Diaye dans les liens de l’accusation.

Après tous ces échanges, le président du Tribunal avait renvoyé le délibéré au 9 février. Et il a été délibéré que Khadidiatou N’Diaye n’a rien à voir avec les chefs d’accusation, à savoir la diffamation ainsi que la chaîne Africable et sa présentatrice.

 ‘‘Le tribunal a déclaré les prévenus non coupables et les a relaxés des fins de la poursuite. En clair, le tribunal estime qu’il n’y a pas eu de diffamation. Cependant, ne crions pas victoire trop vite parce qu’il s’agit là d’une décision de première instance qui est susceptible d’appel. Donc, nous allons attendre la réaction des parties civiles si elles décideront de faire appel ou pas. En tout cas, tant que le délai d’appel n’est pas passé, la décision n’est pas tout à fait définitive, mais c’est déjà une première victoire parce que notre cliente Khadidiatou N’Diaye a fait l’objet d’une déferlante de vagues contre elle. D’abord par un licenciement abusif qu’elle dénonce et à présent, on l’attrait devant un tribunal correctionnel pour diffamation. Aujourd’hui, nous considérons que le tribunal a fait justice en la déclarant non coupable », a déclaré Maître Kassoum Boubacar Tapo

S’agissant de la chaîne Africable, la défense indique qu’elle est une télévision sérieuse et n’est pas marquée politiquement.  »Africable n’avait aucun intérêt à diffamer une société avec laquelle elle avait les meilleurs rapports », a-t-il signalé.

Dans l’ensemble, le conseil de la défense se satisfait, mais tout en restant vigilant ; ils promettent de porter leurs robes jusqu’à ce que la vérité soit faite entièrement et que justice lui soit faite.

Mme Bouaré Bintou Founè Samaké se réjouit de cette première victoire et pense que le Mali kura est en marche.  »Ce sont les verdicts de ce genre qui prouvent que la justice est en train de faire son travail, car nos opposants ne parlent que de l’argent et ils manigancent des choses qui n’ont rien à voir avec la justice. C’est cette brave dame qui a eu le courage de le dénoncer et ils ont parlé de diffamation.

Je crois que le tribunal a compris le fond du dossier et a dit le droit. Cela prouve que nous devons croire en nos juges et croire en la justice malienne. Sinon la partie civile avait juré de l’emprisonner, mais la justice a fait son travail. Nous remercions tous nos avocats qui ont bien voulu nous défendre sans rien prendre en échange, mais parce qu’ils savaient que nous disons vrai. Ce sont les larmes de toutes les femmes maliennes qui ont été essuyées aujourd’hui, car celui-ci est un cas parmi tant d’autres », a martelé la présidente de Wildaf.

L’ancienne ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille ajoute qu’elles resteront disponibles pour toutes négociations à l’amiable.

                              Marie Dembélé

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