Au Mali, la consommation du thé se traduit notamment par la constitution de groupes de thé, nommés grins, qui rassemblent des gens de même classe d’âge dans l’espace public et dans la rue. D’autres aussi le font dans la famille, dans les cérémonies de mariages, de baptêmes et même lors des funérailles. Dans nos us et coutumes, le thé est un élément essentiel de l’hospitalité. Mais le mode de consommation de cette boisson tant prisée laisse à désirer et suscite un débat en cette période de pandémie de Covid19. Des amateurs de thé tout comme des spécialistes, que nous avons approchés, se prononcent sur le sujet.
Le thé, partie intégrante de l’alimentation des Maliens, est considéré aujourd’hui par certains comme un antalgique, par d’autres comme un stimulant voire un défatiguant. « Je prends du thé chaque matin avant de vaquer à mes occupations et avant même de prendre le petit déjeuner. Ma femme fait du thé et le met dans le thermos que j’amène au bureau. Cela me permet de tenir toute la journée. Sans cela, je ne suis pas en forme toute la journée. Le thé me donne de la vitalité et de l’enthousiasme. D’habitude, je ne partage pas de verre avec d’autres amateurs, j’amène le mien au grin parce que bien avant le coronavirus, il y a d’autres maladies qui se transmettent par la salive », explique un fonctionnaire.
« Le thé n’est pas de mes préférences, mais je le prends quand je suis au « grin » ou quand je reçois des visiteurs. Sincèrement, je m’en méfie maintenant », dit un étudiant.
« Le manque de thé me donne de fortes migraines et me tétanise. Je prends du thé plusieurs fois par jour. C’est après mon mariage que j’ai commencé à prendre du thé. Je le faisais pour mon mari et le fait de le goûter m’a fait prendre du plaisir. Maintenant, l’élève a dépassé le maître. Je continue de partager mon verre parce que je ne crois pas à cette maladie », nous confie une amatrice.
« Nos théières sont sur le feu toute la journée dans notre atelier. Certaines de nos clientes exigent de leur donner du thé. Moi personnellement, je peux passer toute la journée en train de prendre du thé parce que ça me permet de rester éveillé, surtout à l’approche des fêtes de ramadan et de tabaski. Ici, on continue de prendre le thé avec les mêmes verres qu’on se passe, malgré qu’on soit conscient de la situation. Mais nous sommes en Afrique, ce n’est pas facile que chacun ait son propre verre », indique un tailleur.
Pour en savoir plus sur les dangers encourus par ce mode de consommation où le même verre peut passer entre plusieurs mains et plusieurs bouches sans être lavé à chaque fois, nous nous sommes renseignés auprès des spécialistes.
Selon Dr Salia Dembélé, médecin communautaire, médecin de famille (MC/MF), le thé est une plante d’origine chinoise qui a différentes couleurs. « Le thé peut être vert, rouge et noir, mais c’est le vert qui est consommé plus au Mali et c’est ce qui bon pour la santé. Le thé contient de la caféine et du magnésium. Il permet de réduire le cholestérol, c’est-à-dire la graisse inutile qui se trouve dans le corps. Le thé hydrate les cellules de l’organisme, lutte contre le vieillissement des cellules et prévient la carie dentaire. Le thé est également bon pour la vision à cause d’une substance qui renforce les cellules de la rétine et le cristallin qui interviennent beaucoup dans la vision. Cette substance lutte aussi contre le vieillissement de l’œil », indique le spécialiste.
Malgré les bienfaits de cette plante, sa consommation abusive peut avoir des conséquences néfastes sur la santé, signale Dr Salya Dembélé. « L’excès de toute chose est nuisible. Vu que sa principale composante est la caféine, quand on abuse, ça peut avoir des répercussions sur la santé, comme les maux de tête, les maux d’estomac, des nervosités. Ça peut aussi entraîner des troubles d’endormissement, c’est-à-dire troubler le sommeil. Quand on prend trop de thé, ça limite l’absorption du fer dans le corps et la personne est exposée à une carence de fer qui peut entraîner une anémie », laisse-t-il entendre.
Scientifiquement, tout le monde peut prendre le thé : enfants, adolescents, jeunes, adultes, vieux, hommes comme femmes, mais avec modération.
Concernant la préparation du thé vert de Chine, dans la plupart des cas, il est bouilli à 100°, avant d’être distillé, moussé et servi chaud. Cette action, répétée trois fois est appelée « les trois normaux ». Aux dires de Dr Salia Dembélé, médecin communautaire, médecin de famille, « la plupart des diététiciens sont unanimes pour l’infusion car c’est la meilleure façon pour conserver les différentes vertus, substances et bienfaits qui se trouvent dans cette boisson et cela de 2 à 5 minutes seulement. L’idéal, aussi, est de le prendre une ou deux heures avant ou après le repas. Sinon, ce que nous faisons ici n’est pas recommandé », poursuit-il, avant d’ajouter que « la consommation du thé n’est pas interdite chez la femme enceinte, mais qu’elle le fasse avec modération car le thé contient de la caféine. Le thé peut diminuer le système cardio-vasculaire. Ça peut amener des battements de cœur plus rapides chez le bébé ».
Le thé importé de Chine est reconstitué par de nombreux opérateurs économiques maliens qui créent leurs propres marques. Et Dieu seul sait si l’on peut déterminer le nombre exact de marques de thé en circulation car il y en a à foison et on en crée tout le temps. Il faut donc croire que c’est un créneau qui rapporte gros pour faire courir tous ces investisseurs vers l’importation du thé au Mali.
Malgré la prolifération des marques, on trouve essentiellement trois qualités de ce thé vert sur le marché, selon les vendeurs. Il s’agit des gros grains, petits grains et la 4011 qui est la plus appréciée des amateurs. Il y a aussi le thé Kala produit dans la région de Sikasso qui est moins fort.
Parlant de la consommation du thé en cette période de Covid19, on note que malgré les mesures barrières de la pandémie, les amateurs continuent de prendre le thé dans le même verre, sans le rincer. Ce qui n’est pas du tout recommandé en cette période de pandémie selon le spécialiste car c’est un mode de contamination directe. « Les gens transmettent le verre des mains des uns des autres et le verre peut contenir la salive d’une personne contaminée, le contact est direct », conclut-il.
Maintenant, avec cette pandémie de coronavirus, il faut que chacun ait son verre pour la prise du thé si on ne peut pas se passer de la prise de thé en groupe, pour le moment. Marie DEMBELE