Que sont-ils devenus ? Soumaïla Coulibaly : La tour de contrôle des Aiglons du Mali au Mondial junior 89

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Soumaïla Coulibaly fait partie de ces Aiglons qui ont révolutionné le football des catégories de jeunes au Mali après l’élimination de leurs aînés par les Eléphanteaux à Abidjan en 1983. Sa  différence avec les autres joueurs ? Il a été sélectionné pour la première fois étant à l’AS Firhoun, une équipe communale. Cela prouvait ses qualités de défenseur rigoureux, très dur sur l’adversaire. Toutes choses qui ont conduit les entraîneurs des Aigles et des Aiglons, respectivement Kidian Diallo et feu Idrissa Touré dit Nany, à le sélectionner quasiment le même jour. En un mot : Soumaïla était un stoppeur dont la prestance tapait à l’œil. Sociétaire de l’AS Firhoun de la Commune III, il s’est imposé dans l’axe central des Aiglons par sa rigueur et son sérieux. Joueur très calme, l’enfant de Dravéla est notre héros de la semaine dans la rubrique « Que sont-ils devenus ? »

Le poste de défenseur central est celui où les profils sont les moins variés. En résumé, pour jouer derrière dans l’axe, il faut être puissant, fort dans les duels et pouvoir prendre le dessus sur son adversaire. Sinon après, ça devient compliqué. Soumaïla Coulibaly répondait parfaitement et sans complaisance à tous ces critères.

Il fut un axial qui se caractérisait par sa capacité à perturber ou idéalement à empêcher le jeu d’attaque de l’équipe adverse. Il usait du tacle pour prendre le ballon dans les pieds de son adversaire, de son jeu de tête pour empêcher les centres et les passes longues des milieux vers les attaquants et plus généralement de son agressivité pour stopper l’adversaire.

Sa solidité et sa rigueur physique et d’autres qualités requises pour un bon défenseur central constituaient pour lui des atouts pour stabiliser le bastion défensif de l’AS Firhoun de la Commune III et des Aiglons du Mali.

Les Soumaïla Coulibaly, Oumar Diarra dit Eder, Yacouba Sy, Aly Diop, Ibrahim Maïga dit Parisien, Moussa Fofana dit Herbin, Amadou Koné dit Champion, Modibo Dembélé dit Gigla, Falikè Diarra, Ibrahim Diarra dit Batié, Moussa Doumbia, Baba Eusebio Kéita… ont écrit à la fin des années 1980, les plus belles pages de l’histoire de l’équipe de la Commune III, l’AS Firhoun, avec comme entraîneur Diawoye Kouyaté.

Diawoye Kouyaté passait dans les familles de ses joueurs pour les encourager à être réguliers aux séances d’entraînement. Résultat : grâce à cette pédagogie, l’équipe communale a joué les premiers rôles dans l’élite du football malien, avec à son actif une Coupe UNJM (1985), une 3e place en championnat national (derrière le Djoliba et le Stade malien) aux termes d’un Carré d’as âprement disputé, une demi-finale de Coupe du Mali en 1989 (défaite face à l’AS Réal, 2-3 après 120 minutes de jeu), une Coupe INPS la même année face au Stade, but de Yacouba Sy.

Selon certains anciens joueurs, leur motivation et constance s’expliquaient par l’amour du football, le courage de leur entraîneur, mais surtout le désir d’évoluer plus tard dans un grand club. Mais, à la grande surprise de tous, après quelques années de succès, l’AS Firhoun dégringolera et se retrouvera dans les profondeurs de la 2e division. Depuis, elle ne parvient pas à émerger. C’est bien dommage !

Pourquoi et comment cette équipe qui suscitait tant d’espoir a chuté ? Voici le témoignage de Soumaïla Coulibaly, l’un des cadres de cette vaillante équipe. « La chute de l’AS Firhoun de la Commune III est consécutive à celle du régime de Moussa Traoré en 1991 parce que l’équipe était soutenue par des hommes politiques de l’UDPM, notamment Djibril Diallo. Il était pour nous un soutien indéfectible et de tout moment. Malheureusement, après les événements de mars 1991, les choses ont changé, l’équipe a manqué de dirigeants capables de supporter ses charges financières. Cela a créé la démotivation, et l’AS Firhoun s’est retrouvée en deuxième division, avec comme conséquence le départ de ses ténors vers les grands clubs, qui en ont bien profité ».

Convoqué le même jour chez les juniors et les seniors

C’est du FC Etoile de Dravéla que Soumaïla Coulibaly a intégré l’AS Firhoun de la Commune III en 1983, par le canal d’un grand-frère. Celui-ci lui conseilla de quitter les rues parce que ses qualités devaient le conduire plus loin mais aussi en raison du fait que les grands clubs étaient saturés par des effectifs confirmés. Et le temps lui a donné raison.

L’équipe communale avait en son temps la chance d’avoir un effectif bien étoffé, qui ne demandait pas beaucoup comme retombées, mais plutôt préoccupé par la montée en première division. Soumaïla Coulibaly était l’un des maillons important du club, quand il accédait à l’élite au début de la saison 1986-1987. Et c’est partir de ce moment que l’équipe a commencé à se transcender, prouver que sa présence en première division n’était pas un fait du hasard.

Tous ses matches étaient pris au sérieux. Le destin de notre héros du jour s’est joué un samedi au stade Mamadou Konaté, lors d’une rencontre de l’AS Firhoun contre le Stade malien en 1988.

Les Seydou Diarra dit Platini, Boubacar Sanogo et Mamady Cissé dit Tostao étaient au sommet de leur art, et pouvaient déstabiliser n’importe quelle défense. Mais ce jour Soumaïla Coulibaly a été l’artisan majeur de la victoire. Pas parce qu’il a marqué le but de la victoire, mais ses prestations en défense ont contribué à asseoir la suprématie de son équipe ce jour.

A la fin du match, pendant qu’il souffrait de douleurs musculaires, prix des efforts pendant le match, Kidian Diallo chargea son entraîneur Diawoye Kouyaté de l’informer de sa sélection en équipe nationale. Mieux, il l’invita à rejoindre l’internat au lycée de Badalabougou où les Aigles préparaient un tournoi international au Gabon. Aux termes de deux semaines de mise au vert, la compétition fut annulée et les joueurs furent momentanément libérés. C’était la désolation pour Soumaïla Coulibaly qui venait de rater l’occasion de porter le maillot national et de voyager par avion pour la première fois.

Faut-il rappeler que le coach des Aiglons, feu Idrissa Touré dit Nany, l’avait convoqué le même jour que Kidian Diallo. Mais Soumaïla a préféré les Aigles. A peine arrivé à la maison que l’infatigable Diawoye gara sa moto Vespa devant leur porte pour lui apporter la bonne nouvelle, Nany a demandé au teigneux défenseur de l’AS Firhoun de la Commune III de reprendre les entrainements pour le reste des éliminatoires de la Can des juniors. Voilà comment  l’enfant de Dravéla a pris le terrain en marche pour jouer la finale-retour de la Can contre le Nigeria et toutes les rencontres de la Coupe du monde junior, en tant que titulaire. En son temps le journal Podium lui a consacré une demi-page pour saluer ses belles performances.

Au retour de l’équipe d’Arabie saoudite, l’entraîneur adjoint des Aiglons, feu Mamadou Diakité lui suggéra de transférer au Stade malien. Un dirigeant de la Commune le lui déconseilla, parce qu’il n’était évident qu’il ait une place au Stade malien. Au mieux des cas, il allait demeurer un remplaçant, se contenter d’une moto et un peu d’argent. A son âge cela faisait-il son affaire ? Soumaïla pour rester à l’AS Firhoun posa alors ses conditions : un emploi garanti. Pour cela les dirigeants de la Commune lui trouvèrent un job à la mairie. C’est en ces lieux, dans son bureau, qu’il nous a reçus.

Le bon flair pour la reconversion

Arrivés chez lui à l’improviste, l’émotion était son comble, quand nous lui avons fait part de notre démarche. Inutile de mentionner que l’accueil était chaleureux, parce que son degré d’émotion contribuait à nous faire comprendre que l’homme était prêt à tout donner. En réalité, très jeune nous avons été émerveillés par les prestations de Soumaïla Coulibaly. L’homme, très timide, se contentait de dire qu’il adhérait aux propositions de ses camarades au moment des revendications. Face à quelqu’un aussi taiseux, il fallait ouvrir dès le premier contact une brèche pour s’y engouffrer. Cela a eu l’avantage pour nous de planter le décor et d’enchaîner les questions. En tant qu’acteur principal de la Coupe du monde des juniors jouée en Arabie saoudite en 1989, quelle explication peut-il donner à la débâcle des Aiglons face au Brésil après une première mi-temps vierge ?

« La réalité est que nous avons été victimes d’un manque de préparation. L’équipe n’a livré que deux matches amicaux, à l’issue d’une préparation de deux semaines au Maroc. Pour une Coupe du monde, cela était logiquement insuffisant.

A cela, il faut ajouter le manque de motivation. Tous les exploits de l’équipe étaient soutenus par la volonté manifeste des joueurs d’honorer le drapeau malien. Mais à un moment donné cela montrera forcément ses limites, face à des équipes plus motivées. C’est vrai qu’après la Coupe du monde, l’Etat nous a donnés chacun un lot à usage d’habitation, mais durant les éliminatoires de la Can, la prime de victoire était fixée à 15 000 F CFA, le double à la Coupe du monde et la moitié en cas de match nul. Je me réjouis aujourd’hui que les conditions ont changé, car elles permettront au football malien d’aller de l’avant ».

En 1991, à la suite d’une blessure au genou, Soumaïla Coulibaly arrêta sa carrière.

Marié et père de cinq enfants, il a 50 ans. Dans la vie, il n’aime que le sport et la lecture. Il déteste la méchanceté, l’hypocrisie et la calomnie. En somme, une hygiène de vie qui peut lui valoir la longévité.

O. Roger

Tél (00 223) 63 88 24 23

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