LASSANA IGO DIARRA, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL 12e ÉDITION DE LA BIENNALE DE LA PHOTOGRAPHIE AFRICAINE : « Le bilan de la Biennale est plus que satisfaisant… des objectifs ont été atteints et d’autres dépassés »

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Les rideaux sont officiellement tombés le 30 janvier dernier sur la 12e édition de la Biennale de la photographie africaine qui a vécu deux mois sur plusieurs sites d’exposition dans la capitale malienne, avec la participation de plus de 85 artistes venant d’un peu partout dans le monde. Manifestation itinérante, cette Biennale se poursuit à Essonne (France). Afin de faire le bilan de cette édition qui a coïncidé avec les 25 années d’existence de la rencontre, nous avons tendu notre micro à Lassana Igo Diarra, délégué général de l’événement qui bien voulu répondre à nos questions.

Aujourd’hui-Mali : Bonjour, quel sentiment d’être désigné délégué général de la 12e édition de la Biennale de la photographie africaine ?

 Lassana Igo Diarra : Je pense que c’est un sentiment de fierté et surtout de reconnaissance à l’endroit de l’Etat malien envers ma modeste personne. Etre désigné délégué général de cet événement par le Ministère de la Culture est un grand honneur pour moi n’étant pas moi-même fonctionnaire. Je pense que cela signifie qu’il peut y avoir un travail de synergie entre le secteur le public et celui privé. C’est un sentiment de fierté, de responsabilité et de challenge.

Les rideaux sont officiellement tombés le 30 janvier dernier sur la rencontre, alors quel bilan faites-vous des deux mois qu’a duré l’évènement ?

Une partie des rideaux sont tombés, mais ce ne sont pas tous les rideaux qui sont tombés sur cette 12e édition parce que d’autres rideaux sont en train de tomber et d’autres naissent car l’exposition vit toujours. Il y a une partie qui vient d’être transportée en France, à Essonne, suite à un partenariat du Ministère de la Culture du Mali, l’Institut Français d’ici et le département de l’Essonne qui travaille beaucoup avec les Maliens. Le vernissage de cette exposition a eu lieu la semaine dernière, mais en miniature car ce sont surtout les lauréats des prix de la Biennale et le Collectif des femmes artistes. Il est difficile de faire un bilan, mais je crois que dans l’ensemble nous avons atteint des objectifs et d’autres sont dépassés. Il y a bien sûr certaines choses à corriger parce que c’était les 25 ans de la Biennale et nous avons été très ambitieux sur cette édition. Au lieu de 5 ou 6 sites, nous avons fait le double en allant jusqu’à 12 sites. Avec le nombre d’artistes qui a été multiplié par 3 et on est arrivé à 85 artistes, sans compter le forum où il y avait des débats. Nous avons enregistré une délégation de 250 à 300 personnes qui ont travaillé d’arrache-pied pour la réussite de l’évènement. Vu la situation conjoncturelle que connait le Mali actuellement ce n’était pas toujours évident, mais les artistes, les professionnels du domaine et les journalistes sont venus, donc ce fut un évènement grandiose dont sommes fiers de l’organisation.

Quelle a été la particularité de cette 12e édition ?

 Il y a eu beaucoup de nouveautés dans cette 12e édition. Nous avons la multiplication de nouveaux sites à travers la découverte de nouveaux sites comme le lycée des Jeunes Filles par exemple dont nous avons aménagé l’internat qui sera d’dorénavant un site culturel. Cela est une très grande satisfaction. Les expositions dans les familles étaient aussi une innovation. Il y avait aussi de nouveaux prix comme celui du président de la République, les prix Bisi Silva et okwui Enwezor, deux grands commissaires et penseurs du Nigeria qui ont beaucoup fait l’art africain. Aussi, l’équipe des commissaires était très jeune, avec beaucoup de fougue. La nouvelle génération décomplexée d’Africains qui sont très conquérants. Il faut saluer aussi la sagesse et l’inventivité du designer Cheick Diallo qui a proposé une scénographie époustouflante. Aussi, pour la première fois, les photos ont été tirées au Mali. Ce qui a été une grande satisfaction pour nous. Cela veut dire que l’économie locale a fonctionné.

Quelles sont les difficultés rencontrées dans l’organisation ?

Il y a eu surtout des difficultés d’ordre financier, avec des promesses non tenues et avenues. Nous avons été très motivés par les 25 ans de la Biennale. C’était une édition audacieuse pour nous et il y avait une sur-motivation. Nous avons été très ambitieux et si on avait un budget conséquent, on aurait pu faire des choses qu’on n’a pas pu dans cette biennale. Certains manques sont dus aussi au fonctionnement étatique où les choses prennent du temps. Là où nous avons un peu failli, c’était au niveau de l’accueil et l’hébergement, mais vu que ce sont des choses éphémères, nous les avons vite résolues et les gens ont vite oublié cela. Ils sont vite passés à la fête qui est l’essentiel. Je pense que par rapport à l’hébergement, les hôteliers maliens doivent faire un effort et respecter un peu ce qu’ils disent parce que c’est embarrassant de faire trainer les gens, surtout des étrangers.

 Comment jugez-vous les 25 années d’existence de cette biennale ?

Cette rencontre est la plus grande manifestation africaine de photos et de vidéos d’art. Comme je le dis, c’est la mère de la photographie. Tous les artistes photographes connus dans le monde, les 80 où 90% d’entre eux sont passés par cette rencontre. Par exemple, Malick Sidibé et Seydou Kéïta, on n’en parle pas. Nous avons par exemple Samuel Fosso du Cameroun, Aida Muluneh d’Ethiopie et Sammy Baloji de la RDC, entre autres. Cette biennale est un grand héritage de la photographie. Il y a beaucoup d’autres grands photographes qui souhaitent passer par cette rencontre car tant qu’ils n’y passent pas, ils considèrent leur carrière pas encore accomplie. Une grande manifestation ! C’est pourquoi, pour ces 25 ans, nous avons eu beaucoup d’articles de presse un peu partout dans les toutes les presses à travers le monde et dans presque toutes les langues. C’est évènement très remarquable et remarqué est très important pour le secteur créatif en Afrique.

 En tant qu’homme de culture, que recommandez-vous pour plus de rayonnement de la Biennale ?

Cette biennale est la plus grande manifestation artistique et culturelle au Mali.  Il faudrait qu’on en soit conscients. En termes de rayonnement artistique, Bamako est connue dans le monde entier. Je pense que pour plus de rayonnement, il faut juste revoir la couverture médiatique afin qu’on en parle plus dans le monde. C’est un évènement par excellence pour le rayonnement du Mali. Pour plus de rayonnement, je crois que l’Etat malien doit faire de cette Biennale une institution et qu’on la dote de plus de moyens afin que les équipes à venir puissent travailler sur deux ans parce qu’il faut plus de temps pour l’organisation d’un tel évènement. C’est ainsi qu’on peut avoir plus de partenaires et plus d’argent. C’est à ce prix que ça peut devenir un socle. Prenez par exemple la biennale de Dakar, ils ont leurs bureaux et c’est une vraie institution. Au Mali aussi, l’institutionnalisation de la Biennale est sur de bonnes voies et j’espère que dans les conseils de ministres à venir, ce serait chose faite.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la culture malienne en général et la photographie en particulier ?

Je pense que c’est un bouillonnement. Le Mali est une terre fertile en termes de culture. La musique malienne est connue et reconnue mondialement, la danse contemporaine se porte relativement bien avec beaucoup de nouveaux espaces et beaucoup de jeunes talents. Le théâtre malien aussi brille en Afrique et dans le monde. Pour ce qui concerne les arts plastiques, il y a de plus en plus de galeries à Bamako, de plus en plus d’artistes émergents et de plus en plus d’ateliers d’artistes. La photographie, on n’en parle pas.  Nous sommes un pays riche culturellement. Il faut qu’on capitalise cette richesse. Il faudrait que les pouvoirs publics, les mécènes et les privés réalisent que la créativité malienne est une grande force pour conquérir l’Afrique et le monde. Nous avons certes des grands dans presque tous les domaines, mais nous avons aussi des docteurs en culture pas avec forcément des doctorats classiques des universités. Nous avons des hommes de culture qui ont du génie et dont il faut juste un peu d’encadrement pour que cela rayonne à hauteur de souhait.

Quel sera votre mot de la fin ?

Je remercie toute mon équipe qui a travaillé d’arrache-pied pour la réussite de cette biennale, tous les espaces culturels du Mali, le Ministère de la Culture, l’Eta Malien parce qu’un évènement culturel de cette envergure n’est pas seulement la culture, son organisation s’opère à plusieurs niveaux, notamment la sécurité. C’est toute la chaine de la société qui est concernée. Nous remercions tout le monde et je pense que nous avons rempli une partie de la mission qui nous a été confiée.

Réalisée par Youssouf KONE

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