Des sources assurent que les jours de Choguel Kokalla Maïga à la Primature sont désormais comptés d’autant plus que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), sur le point d’assouplir l’embargo décrété contre le Mali, est en revanche intransigeante sur la nomination d’un nouveau Premier ministre apolitique à la tête d’un gouvernement de consensus, engagé prioritairement pour la tenue des élections de sortie de crise.
e nombreux observateurs de la scène politique sous-régionale ont acquis la certitude que le sommet de ce 4 juin 2022 de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à Accra, au Ghana, débouchera sur le retour en grâce du Mali au sein de l’organisation sous-régionale.
Suspendu des instances de la communauté sous-régionale après le coup d’Etat de mai 2021, marqué par la mise « hors de leurs prérogatives » du président de la Transition, le colonel-major à la retraite Bah N’Daw, et de son Premier ministre, Moctar Ouane, le Mali est depuis six mois sous le coup d’une batterie de sanctions dures de la Cédéao, à compter du 9 janvier 2022.
La Transition, entamée en septembre 2020 et devant s’achever en février 2022, soit 18 mois après le renversement par l’armée du président Ibrahim Boubacar Kéïta, le 18 août 2020, la Cédéao pressait les autorités de lui communiquer un chronogramme pour la tenue des élections de fin de Transition, excipant qu’un tel régime n’a pas vocation à s’éterniser au pouvoir.
De l’autre côté, les autorités de la Transition, se fondant sur les conclusions des Assises nationales pour la refondation (ANR) ont estimé qu’il fallait un délai de 6 mois à 5 ans pour nettoyer les écuries maliennes : instauration de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, réconciliation des Maliens, relecture des textes fondamentaux, création d’un organe unique de gestion des élections, organisation du référendum sur la nouvelle Constitution, lutte contre la corruption et l’impunité, remise de l’économie nationale sur les rails. En un mot, de remettre le pays sur ses deux pieds avant de transmettre le témoin au nouveau président démocratiquement élu. Des ambitions somme toute herculéennes.
Avec deux grilles de lecture de la situation diamétralement opposées, ce qui devait arriver arriva. Irrités, les chefs d’Etat de la Cédéao, réunis en session consacrée au Mali, le 9 janvier courant, ont planté la banderille : fermeture des frontières aériennes et terrestres du Mali avec les Etats membres de la Cédéao (excepté la Guinée-Conakry), interdiction de voyage et gel des avoirs à l’étranger pour le Premier ministre, des membres du gouvernement et du Conseil national de transition (CNT), gel des avoirs du Mali dans les banques centrales, gel des transactions du Mali, etc.
Le bouc-émissaire idéal
Parmi toutes les autorités maliennes, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a été celui qui a le plus tenu tête à la communauté internationale. Jusqu’à la tribune des Nations unies, il n’a pas manqué de dénoncer les « faux » amis du Mali, accusant particulièrement la France d’avoir abandonné notre pays « en plein vol », après que le président Macron a décidé unilatéralement de reconfigurer la force Barkhane au Sahel.
L’Histoire retiendra que c’est sous le gouvernement de Choguel Kokalla Maïga que le Mali a initié des mesures diplomatiques draconiennes presque inédites comme l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali, le retrait sans délai des soldats français du sol malien, le retrait de l’autorisation de diffusion au Mali pour Radio France Internationale (RFI) et la chaine de télévision France 24.
Concernant les voisins de la Cédéao, il y a eu des mesures de réciprocité comme la fermeture des frontières maliennes et le rappel des diplomates maliens en poste dans les Etats membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.
Le temps de l’euphorie passé, il s’agit maintenant d’analyser la situation avec plus de sérénité. Et c’est justement cette realpolitik qui risque de coûter cher au chef du gouvernement, qui ne plaît plus aux partenaires techniques et financiers et qui s’est aliéné la sympathie d’une bonne partie de ses compagnons politiques du M5-RFP à l’épreuve du pouvoir. Même s’il jouit encore d’une certaine popularité au sein d’une frange de la population, déterminée coûte que coûte à en découdre avec la communauté internationale, la Cédéao et la France en particulier, les chances du président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR, un avatar de l’ancien parti-Etat UDPM), s’amenuisent au fil des jours.
Beaucoup de ses soutiens ont d’ailleurs décelé chez lui de nouveaux éléments de langage tels que l’impossibilité, pour le Mali, de se retirer de la Cédéao et de l’Uémoa, la nécessité pour Bamako de préserver de bons rapports avec Paris… à l’antipode des engagements des manifestants pour le Mali Kura.
De nombreux observateurs estiment clairement que Choguel Kokalla Maïga a joué son rôle d’épouvantail nécessaire à un moment de l’Histoire pour effrayer les récalcitrants à la vision d’un Mali digne et jaloux de son indépendance mais qu’il est temps qu’il cède la place à une personnalité consensuelle capable d’arrondir les angles avec la communauté internationale, de conduire la Transition à bon port dans des délais raisonnables à la tête d’une équipe de large ouverture.
Les noms des premier-ministrables, potentiels successeurs CKM, circulent depuis plusieurs semaines, voire des mois. Taxé de clivant par moult adversaires politiques, Choguel Kokalla Maïga aurait du reste du mal à composer un gouvernement d’union nationale en cas de reconduction.
Né en 1958 à Tabango dans la région de Gao, Choguel Kokalla Maïga est un ingénieur des télécommunications de profession. Il est proche de l’ancien général-président Moussa Traoré, renversé par la rue, en quête de démocratie et de multipartisme, le 26 mars 1991.
Il a été membre de l’Union nationale des jeunes du Mali (UNJM), association fondée par le régime dictatorial. Depuis février 1997, il est l’inamovible président du MPR.
El hadj A. B. HAIDARA