Lutte contre la Corruption et l’enrichissement illicite : BVG-OCLEI : Les deux gendarmes des deniers publics
L’un alpague les services qui engloutissent les deniers publics sans retenue et à des fins non publiques ; l’autre traque les bandits au service de l’Etat mais qui détournent l’argent public sans servir l’Etat. Le Bureau du Vérificateur général (BVG) et l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) ont en commun cette lutte farouche contre la corruption, la délinquance financière et l’enrichissement illicite au Mali au détriment du contribuable malien dont le sacrifice financier est impunément dilapidé. Certes, il y a d’autres services et institutions dédiés à cette noble cause, à l’image du Contrôle général des services publics, de la Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’administration (Casca), de la Section des comptes de la Cour suprême et des inspections des départements ministériels, mais le BVG et l’Oclei constituent les deux structures phares et plus efficaces dans la lutte contre le détournement des deniers publics. Elles sont dirigées par deux cadres émérites dans leur domaine et à l’aise avec leur sujet. Ils s’appellent Samba Alhamdou Baby (BVG) et Moumouni Guindo (président de l’Oclei). Eclairage !
La lutte contre la corruption est le goulot d’étranglement de toutes les administrations dans tous les Etats à travers le monde, des plus grandes démocraties comme aux Etats-Unis à celles naissantes à l’instar de l’expérience malienne.
Justement au Mali, plusieurs structures publiques ont été créées pour lutter contre ce fléau, mais toutes ont montré leurs limites. Cependant, avec l’avènement des deux dernières nées, à savoir le Bureau du Vérificateur général et l’Office central de lutte contre l’enrichissement Illicite, le pays commence à maîtriser le mal, juste à maîtriser, parce qu’aujourd’hui, les délinquants financiers sont conscients de ce qui peut leur arriver en cas de corruption ou de détournements.
BVG : une structure de pression
Créé en avril 2004, le Bureau du Vérificateur général (BVG) est une autorité indépendante de contrôle financier. De construction juridique originale d’inspiration canadienne, le Vérificateur général symbolise une rupture avec le contrôle public classique, assuré par le Contrôle général des services publics et la Section des comptes de la Cour suprême.
Il répond à un souci d’innovation dans le dispositif de contrôle de l’action publique au Mali avec comme objectif de permettre aux contribuables maliens de participer au contrôle des deniers publics à travers une « autorité indépendante » qui peut recevoir et traiter leurs dénonciations sur la gestion d’un service public. Et pour cause : tout citoyen peut saisir le Vérificateur général, qui fait un rapport chaque année au président de la République, au Premier ministre et au président de l’Assemblée nationale.
Le BVG a pour missions : une vérification financière qui concerne l’examen de la régularité et de la sincérité des recettes et des dépenses publiques, une vérification de performance relative à l’examen des structures publiques au regard des exigences d’économie, d’efficience et d’efficacité, une vérification de suivi des recommandations qui examine la mise en œuvre des recommandations formulées par des vérifications précédentes.
Sa seule différence avec le Contrôle général des services publics (qui assure le contrôle interne) est le caractère externe ou encore indépendant de son contrôle par rapport à l’administration publique.
Par ses rapports de vérification, le Bureau du Vérificateur général a contribué à insuffler une prise de conscience au sein de l’opinion nationale et internationale ainsi que des services publics vérifiés sur l’urgente nécessité de revoir les modes de gestion des ressources publiques. A cela s’ajoute, l’évaluation des politiques publiques qui consiste généralement à rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus d’une politique et d’atteindre les objectifs qui lui sont fixés.
Le BVG est dirigé par un Vérificateur général, assisté d’un Vérificateur général adjoint, tous deux nommés, par décret présidentiel, pour un mandat de sept ans non renouvelables. Sa structure organisationnelle s’appuie sur : six (6) structures en staff (secrétaire général, auditeur interne, Centre de formation technique, Cellule de gestion de la qualité, Cellule juridique, Cellule communication) et trois (3) directions opérationnelles : direction des pratiques professionnelles, direction des finances et de la comptabilité, direction de l’informatique.
A travers les rapports annuels du Végal, certaines structures remboursent le manque à gagner constaté dans leur gestion par les vérificateurs. Car, le Bureau du Vérificateur général ne peut pas être à la fois contrôleur, juge et procureur. En effet, les vérificateurs ne peuvent pas se substituer au procureur. Ils font un contrôle administratif qui n’a pas le droit de contraindre quelqu’un.
La mission du BVG n’a pas pour but de punir, mais d’aider à rendre efficace la gestion des structures contrôlées. C’est pourquoi, poursuit-il, dans le souci de la prise en compte rapide des recommandations, le Bureau du Vérificateur général n’attend pas la publication du rapport annuel pour informer les entités contrôlées des irrégularités constatées dans leur gestion. Elles sont informées à travers un rapport individuel plus détaillé afin de se corriger.
Et arriva Samba Alhamdou Baby
Voilà un homme honnête, intègre et objectif. Nommé Vérificateur général le 11 avril 2018 par feu le président Ibrahim Boubacar Kéita, Samba Alhamdou Baby a prêté serment le 28 avril 2018 devant la Cour suprême.
Devant la Cour suprême, il a juré de remplir ses fonctions avec honnêteté, intégrité et objectivité pour les 7 ans de son mandat. Il s’agissait pour lui de lutter efficacement contre la corruption, la mauvaise gestion et la délinquance économique et financière.
Samba Alhamdou Baby, en plus de ses diplômes et ses formations en audit-finance, est connu pour son professionnalisme, pour avoir été contrôleur au Contrôle général des services publics pendant treize (13) années, où il a dirigé des missions de vérification après avoir été membre d’équipes. A ce titre, il a procédé à la vérification financière de la gestion de services centraux, d’établissements publics, de collectivités territoriales, de missions diplomatiques.
Il a également été chef du département des investigations au Contrôle général des services publics, conseiller technique au secrétariat général du gouvernement, secrétaire général du ministère de la Solidarité et de l’Action humanitaire. Il a aussi conduit les audits de performance de projets et programmes.
Un vieux de la vieille donc, comme on dit ! En effet, jamais le Bureau du Vérificateur général n’a été aussi au cœur de la lutte contre la corruption au Mali, que sous l’impulsion de Samba Alhamdou Baby et cela sans jeter la pierre à ses devanciers Sidi Sosso Diarra et Amadou Ousmane Touré.
Depuis son arrivée à la tête de cette structure de contrôle financier, les juges du Pôle économique et financier de Bamako ayant l’opportunité des poursuites voient leur travail simplifié du fait de la pertinence des rapports du Bureau du Vérificateur général (BVG). Des rapports qui sont d’ailleurs à l’origine de la majorité des poursuites judiciaires actuelles contre beaucoup de responsables délinquants financiers.
Pour le succès de la lutte contre la corruption au Mali, tous les regards des autorités de la Transition sont fixés sur le Bureau du Vérificateur général dont les rapports sont de plus en plus clairs et précis. Toutes choses qui permettent aux procureurs de la République près les Pôles économiques et financiers et aux juges d’instructions d’aller plus vite dans les dossiers relatifs aux scandales financiers.
Sur ce terrain, l’actuel Vérificateur général et son équipe mouillent le maillot à hauteur de souhait. Faudrait-il à ce niveau rappeler ces propos du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga lors d’une visite au BVG : « La lutte contre la corruption et la délinquance financière fait partie des engagements forts du président de la Transition. Les maillons essentiels de notre système de riposte contre ce fléau sont les services de contrôle de l’Etat dont le BVG occupe une place de choix. C’est pourquoi, au nom du chef de l’Etat et de l’ensemble du gouvernement, mes propos doivent être perçus comme un message de total soutien et d’appui constant du gouvernement malien qui est engagé dans le sens de mettre le BVG en confiance pour qu’il puisse faire son travail en toute indépendance pour le bien de notre peuple ».
Son mode d’action : Samba Alhamdou Baby a mis en place une stratégie qui se révèle très efficace et qui a porté ses fruits dans le cadre de la lutte contre la corruption et la délinquance financière au Mali. Avec la seule motivation de réduire considérablement le champ d’action des délinquants financiers, le Végal Baby a vite mis un accent particulier sur la vérification de performance, le suivi des recommandations et l’évaluation des politiques publiques, sans occulter l’impérieuse nécessité de consolider les acquis des vérifications financières ou de conformité.
Du boulot pour les juges
Le Vérificateur général a remis son Rapport annuel 2022 au président Assimi Goïta le vendredi 3 novembre 2023, à Koulouba. Il ressort de ce document que le BVG a réalisé 36 missions qui se répartissent en 23vérifications financières et de conformité, 3 vérifications de performance, 8 vérifications de suivi des recommandations et 2 évaluations de politiques publiques.
Dans ces lots, en 2022, le Vérificateur général a transmis 21 dossiers au président de la Section des comptes de la Cour suprême et dénoncé 22 dossiers aux procureurs de la République près les Tribunaux de grande instance de la Commune III du district de Bamako, de Kayes et de Mopti, chargés des Pôles économiques et financiers.
Plus précisément, dix-sept (17) dossiers ont été transmis au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako ; deux (2) dossiers au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Kayes ; et trois (3) dossiers au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Mopti, tous chargés du Pôle économique et financier.
Aussi, l’ensemble a été transmis au directeur général du Contentieux de l’Etat pour suivi et défense des intérêts de l’Etat.
En retour, le président de la Section des comptes de la Cour suprême a communiqué par écrit au Bureau la situation des suites judiciaires des transmissions reçues. Ici, cinq (5) dossiers ont été déférés au Parquet général de la Cour suprême et onze (11) ont fait l’objet d’examen par les chambres de la Section des comptes dont deux (8) par la Chambre de contrôle et de jugement des comptes des organismes personnalisés ; huit (8) par la Chambre de contrôle et de jugement des comptes des collectivités territoriales ; un (1) par la Chambre de contrôle et de jugement des opérations financières des institutions de la République et des administrations de l’Etat ; et cinq (5) sont en instruction par les conseillers rapporteurs devant lesquels comparaissent les personnes poursuivies.
Tout cela dénote de la synergie d’action entre les autorités judiciaires et le BVG, suite notamment à l’adoption et à la promulgation de la nouvelle loi régissant le Vérificateur général.
Au chef de l’Etat, le Vérificateur général a soutenu que les actions vigoureuses de lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière engagées, sous sa très haute autorité, se concrétisent de jour en jour et consolident la refondation de l’Etat.
En réponse, le président Assimi Goïta a exprimé toute sa fierté pour le travail abattu qui a permis de mettre en exergue les dysfonctionnements et les faiblesses constatés dans la gestion publique des entités ayant fait l’objet des vérifications et évaluations publiques en 2022.
Repères et impacts positifs
A l’occasion des vérifications et lors des interventions subséquentes de la justice, des recouvrements et reversements de sommes d’argent sont effectués. A titre d’illustration, sur la centaine de vérifications financières effectuées de 2004 à 2011, un manque à gagner de 382,93 milliards de F CFA a été décelé au préjudice du Trésor public et des entités vérifiées, dont 393,14 milliards de F CFA proposés au recouvrement.
Sans être exhaustif, il faudra ajouter à cette situation, pour la période 2012-2015, un montant de 6,02 milliards de F CFA représentant des recouvrements, des remboursements ou des régularisations sur les dossiers. Ces différentes sommes ont été réinvesties éventuellement dans les actions de développement du pays. Il y a également eu une amélioration du comportement des gestionnaires, d’où l’aspect pédagogique de la vérification, qui doit entrainer donc un changement de comportement des agents publics. L’institution du BVG a fortement contribué à ancrer dans la pratique des gestionnaires de fonds publics un plus grand respect des normes, textes législatifs ou règlements applicables au Mali.
En réalité, l’objectif visé n’est pas d’entreprendre nécessairement une action répressive contre les agents, mais plutôt de susciter auprès de chaque acteur de la vie publique, et en particulier des gestionnaires, un meilleur comportement vis-à-vis du bien public. Cela peut se traduire par un respect de la part de ceux-ci de la réglementation en matière financière et comptable.
A noter aussi en bonne place, la forte implication de la société civile et de la presse dans le processus de mobilisation autour des rapports du BVG-Mali, à travers une communication efficace. En effet, la société civile, dans toutes ses composantes, estime que l’institution du Vérificateur Général est un nouvel outil de contrôle de la gestion des derniers publics et, partant, donne une indication appréciable du niveau de respect de l’utilisation des deniers publics.
Enfin, il faut noter que la création du BVG au Mali a considérablement revalorisé la fonction de contrôle. L’indépendance accordée au Bureau lui a permis d’aborder en toute liberté, dans l’action et la formulation des résultats, les secteurs les plus variés de l’administration et des finances publiques.
L’OCLEI : La cible, les individus
L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) est un service public malien. Il a été créé, d’abord par une loi du 27 mai 2014, ensuite par une ordonnance du 23 septembre 2015. C’est donc un service public que l’Etat malien dédié à la lutte contre le phénomène de l’enrichissement illicite, au combat pour l’amélioration de la gestion des deniers publics et des biens acquis sur les ressources publiques.
L’enrichissement illicite au sens de l’article 2 de la Loi du 27 mai 2014 a deux composantes. Une première composante a trait à l’augmentation substantielle du patrimoine d’un fonctionnaire sans que cette augmentation ne puisse être justifiée par les revenus légitimes dudit fonctionnaire.
La deuxième composante de l’enrichissement illicite a trait au train de vie du fonctionnaire. Un fonctionnaire, dont les revenus légitimes sont connus, exhibe un état de richesse et qu’on ne puisse pas établir un lien suffisant et cohérent entre ce train de vie et ses revenus légitimes, alors il y aurait présomption d’enrichissement illicite à l’égard de ce fonctionnaire.
L’Oclei est composé d’un Conseil, qui est le cœur central de l’Office ; il est composé de 12 membres. Parmi ces douze membres, il y a trois magistrats désignés par le président de la République, deux officiers de police judiciaire désignés par le ministre de la Justice sur proposition du ministre chargé de la Sécurité et de la Protection civile ; un cadre des administrations financières désigné par le ministre de l’Economie et des Finances ; un spécialiste de la passation des marchés publics désigné par l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public ; un expert-comptable représentant l’Ordre national des experts comptables et comptables agréés du Mali ; un représentant de la société civile désigné par le Conseil national de la Société civile ; un représentant des organisations de défense des droits de l’homme désigné par la Commission nationale des droits de l’Homme, et un communicateur désigné par la Haute autorité de communication (Hac).
La mission de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite a été déclinée par l’ordonnance du 23 septembre 2015 en plusieurs sous-composantes.
La première rubrique concerne la prévention de l’enrichissement illicite. La deuxième composante, c’est la contribution à la répression de l’enrichissement illicite. La troisième composante, c’est la coopération au plan national, sous-régional, régional et international dans le cadre de la lutte contre la corruption et les infractions assimilées dont l’enrichissement illicite.
Et la quatrième composante, ce sont les études que l’Office central devrait mener à l’effet de parvenir à des recommandations sous forme de réformes législatives, règlementaires ou administratives.
L’aspect « Prévention » a pour but de mener des actions permettant d’éviter la survenue des faits d’enrichissement illicite. Il s’agit donc pour l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite de mettre en œuvre un ensemble d’actions et d’activités pour décourager les fonctionnaires qui en auraient la tentation, de céder à l’enrichissement illicite.
Ceci passe par des actions de formation et de sensibilisation, donc de communication tous azimuts pour faire ressortir les enjeux qui sont liés à l’enrichissement illicite sous l’angle du développement socio-économique, qui est une mission régalienne de l’Etat. Mission à laquelle tous les citoyens, tous les fonctionnaires, se devraient de concourir.
La deuxième composante qui consiste en la contribution à la répression de l’enrichissement illicite amène l’Office central à prêter concours aux autorités judiciaires, notamment les Pôles économiques et financiers pour poursuivre, instruire, juger et le cas échéant condamner les personnes qui seraient suspectées d’enrichissement illicite.
A cette fin, l’Office central a un outil important, c’est l’exploitation des déclarations de biens. Il s’agit aussi pour l’Office central de mener des investigations sur la base notamment des signes extérieurs de richesse, à savoir le train de vie des fonctionnaires, pour aboutir à des constatations susceptibles de mener à des poursuites.
S’agissant de la composante « Coopération », il faut préciser qu’elle a des variantes au plan national. Il s’agit donc pour l’Office central de mener des actions de concertation, de coordination et d’animation des activités de lutte contre l’enrichissement illicite entre les différentes structures nationales qui ont plus ou moins une mission dans ce domaine. Il faut parler, au sens de la loi, de la Cellule nationale de traitement des informations financières, qui gère notamment les déclarations d’opérations suspectes au niveau des services financiers, à savoir les établissements financiers, les banques.
Il faut également parler des inspections ministérielles, du Contrôle général des services publics, du Bureau du Vérificateur général et éventuellement de la Section des comptes de la Cour suprême. Il s’agit donc pour l’Office de jouer un peu le rôle d’animateur de l’action de mise en cohérence de ces différentes initiatives, de manière à optimiser les résultats.
Au plan sous régional, régional et international, il s’agit pour l’Office central de représenter l’Etat au niveau des instances créées à ces différents niveaux dans le cadre de la lutte contre la corruption et les enrichissements illicites.
Enfin, les études consistent pour l’Office central à procéder à des études techniques sur les voies et moyens empruntés au Mali par les fonctionnaires et leurs complices pour l’enrichissement illicite, identifier les techniques, les points faibles soit de l’arsenal juridique législatif, soit de la pratique administrative, soit des questions de motivation, de soutien ou d’encouragement des ressources humaines de l’Etat.
En tous les cas, tous les aspects qui pourraient concourir à favoriser la survenue des faits d’enrichissement illicite. Et sur cette base, faire à l’Etat des propositions pour améliorer soit le système juridique, soit le système judiciaire, soit les mesures de motivation et de traitement des ressources humaines.
Pas comme les autres
structures… !
Si la loi prévoit des rapports de coopération entre l’Oclei et les structures de contrôle financier non seulement au plan national, mais aussi au niveau international, il convient de préciser que c’est en termes d’informations. L’Oclei peut recevoir communication des rapports des structures de contrôle financier et peut faire des formations avec elles. Leur coopération s’arrête là. Car, contrairement aux organismes de contrôle qui s’intéressent aux structures, l’Oclei vise les individus. Au-delà des structures et services, l’Oclei vise des individus. Et son instrument privilégié de travail est la déclaration des biens des individus assujettis à son contrôle. Son action vise des individus et non des structures sauf si ces individus sont trempés dans une affaire louche avec une autre structure. Mais toujours est-il que l’individu est sa porte d’entrée dans une structure.
Alors, à part la lutte contre la corruption et le pillage des deniers publics, il n’y a pas télescopage entre l’Oclei et les structures de contrôle financier à partir du moment où il ne regarde rien de ce que font les structures, mais les individus. Exemple concret : si un tel responsable déclare qu’il a 4 maisons, 3 véhicules alors qu’il a un salaire de 300 000 F CFA par mois et il a travaillé pendant 5 ans ; la question que l’Oclei se pose est de chercher à savoir ce que ce fonctionnaire peut réaliser avec un salaire de 300 000 F CFA pendant 5 ans étant donné qu’il a une femme et 3 enfants à entretenir.
En prenant en compte toutes les dépenses d’un ménage normal, l’Oclei s’interroge sur ce qu’il peut faire avec son salaire en 5 ans, pour voir s’il y a concordance entre ses biens et ce qui doit lui rester de son salaire. Et s’il n’y a pas concordance, l’Oclei demande au fonctionnaire des explications. C’est dire que sa démarche de contrôle est complètement différente de celle des structures de contrôle financier.
Bon à savoir : contrairement à ce qui se dit, tous les fonctionnaires peuvent faire l’objet de contrôle de l’Oclei dès lors qu’il y a des soupçons. Les enquêtes de l’Office ne visent pas que les assujettis à l’obligation de déclaration des biens qui sont des fonctionnaires d’une certaine catégorie. Et généralement, ce sont ceux qui manipulent les fonds publics.
Environ 21,3 milliards recouvrés de 2019 à 2022
Le président de l’Oclei s’appelle Moumouni Guindo, un magistrat de grade exceptionnel, nommé en 2017 par feu le président Ibrahim Boubacar Kéita et reconduit, en mars 2022, par le président colonel Assimi Goïta. Justement, le mardi 28 novembre 2023, le chef de l’Etat a reçu des mains de celui-là le rapport annuel 2022 de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite à Koulouba. Il ressort de l’analyse de ce rapport 2022 que l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite a transmis de 2019 à 2022 à la justice 23 dossiers pour 23 milliards 855 millions de F CFA, soit en moyenne plus d’un milliard de F CFA par dossier. Ce rapport de 2022 souligne aussi que les enquêtes de l’Oclei ont identifié 503 biens immobiliers présumés illicitement acquis ; à savoir : 124 maisons d’habitation, 29 bâtiments commerciaux ou professionnels, 285 parcelles et 65 concessions rurales totalisant 181 hectares.
Selon le rapport, le montant total des fonds, présumés illicites identifiés sur les comptes bancaires des 23 personnes, provenant de différentes couches socioprofessionnelles comme gouvernement, élus, administration générale, administrations financières, justice, armée, affaires étrangères, établissements publics, etc., s’élève à 21 milliards 335 millions de F CFA alors que, dans la même période, leurs revenus légitimes s’élèvent à 1 milliard 106 millions de F CFA.
En plus, une analyse faite par l’Oclei qui a porté sur les subventions accordées par l’Etat aux établissements privés de l’enseignement secondaire général, technique et professionnel, dans la période de 2017 à 2022 a révélé que, chaque année, l’Etat verse, en moyenne, aux écoles privées, la somme de 49 milliards 600 millions de F CFA. Avec ce montant, l’Etat peut construire et faire fonctionner annuellement 80 nouveaux lycées. En outre, plus de 1000 écoles fonctionnent avec des arrêtés présumés faux.
Enfin, s’agissant de l’évaluation des activités de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, il ressort qu’en 2022, l’Oclei a reçu et analysé 32 rapports produits par les structures de contrôle et de régulation. L’analyse de ces rapports fait ressortir des irrégularités financières pour un montant de 188 milliards 876 millions de F CFA, 1166 irrégularités administratives et 88 manquements aux exigences de performance.
C’est dire qu’avec le BVG et l’Oclei, les délinquants financiers ont du souci à se faire et les potentiels voleurs vont se raviser rapidement sachant en pensant à l’épée de Damoclès qui pend au-dessus de leur tête. Si ces deux structures n’existaient pas, aurait-il fallu les inventer ?
El Hadj A.B. HAIDARA