ÇA SENT LE SOUFRE AU CNPM: Colère contre le blocage des décisions de justice

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Triste image du Mali que ce qui se passe au Conseil national du patronat du Mali (Cnpm) où force ne reste pas du tout à loi. En effet, des gens, certainement au-dessus des lois sans que l’on ne sache pourquoi, font obstruction à l’exécution d’une décision de justice, fût-elle un Arrêt de la Cour suprême. Au point que l’organisation patronale se trouve prise en otage depuis le 23 décembre 2021, parce qu’occupée par une équipe de dirigeants qui ne peut se prévoir ni de légalité ni de légitimité, au vu de l’Arrêt n°508 du 23 décembre 2021 de la Section judiciaire de la Cour suprême. Comme si cela ne suffisait pas, la même équipe, au lieu de partir élégamment, résiste et cherche à accéder au compte du Cnpm dans une banque de la place. La majorité des organisations professionnelles membres du Cnpm ont décidé d’agir et ne se reconnaissent plus dans ce labyrinthe judiciaire.

es avocats de Mamadou Sinsi Coulibaly, notamment Me Sékou Oumar Barry, Me Mamadou Sylla, Me Boubacar H. Diallo et Me Boubacar Soumaré, ont tenu une conférence de presse, le mardi dernier, 25 janvier 2022, pour prendre l’opinion nationale  et internationale à témoin en ce qui concerne la situation cocasse de violation de la loi au Conseil national du patronat du Mali où la force publique a été requise pour s’opposer à l’exécution d’un Arrêt de la Cour suprême, alors que ces mêmes forces devaient, en principe, aider à faire respecter la Loi.

Il faut comprendre que l’actuel locataire du siège du Cnpm, Diadié dit Amadou Sankaré, qui s’y réclame président, a eu ce privilège sur la base d’une ordonnance gracieuse délivrée par la Tribunal de la commune IV du district de Bamako, suite à un contentieux électoral pour la mise en place du nouveau Bureau exécutif du Cnpm.

Cette ordonnance dont se prévaut Diadié dit Amadou Sankaré, rendue sur requête, est donc une ordonnance gracieuse, en ce sens qu’elle se distingue d’une ordonnance de référé qui implique des notions d’urgence et de contradiction. Deux notions absentes dans le cas d’une ordonnance gracieuse établie à la demande de l’avocat de Diadié dit Amadou Sankaré.  

Saisi d’un recours par les avocats de Mamadou Sinsi Coulibaly, le même Tribunal de la commune IV s’est rétracté. En des termes plus simples, ledit tribunal a annulé cette ordonnance gracieuse.

Ordonnance-rétractation

Diadié, à travers ses conseils, va faire appel de cette décision au niveau de la Cour d’appel qui a cassé la décision de rétractation de l’ordonnance gracieuse. C’est-à-dire que l’ordonnance gracieuse a été validée par la Cour d’appel, donnant ainsi à Diadié le droit de continuer à se proclamer président du Cnpm.

Finalement, le juge de fond a annulé toutes les deux assemblées générales, renvoyant donc dos à dos les deux camps. Il ne restait qu’une solution de sortie de crise : organiser de nouvelles élections.

A ce niveau, 23 organisations patronales et conseils patronaux des régions (sur les 39 du Cnpm) et tout le reste ne s’étant pas intégralement prononcé, ont pris leur responsabilité pour signer une déclaration assortie d’un plan de sortie de crise, par laquelle elles affirment leur engagement à la reprise totale du processus d’une assemblée générale élective pour doter le Patronat d’une nouvelle légitimité. Ce qui passe par le retrait du siège du Patronat de toutes les parties prenants à cette crise afin de confier la gestion courante du Cnpm au Secrétariat général de l’Organisation patronale ; la désignation de cinq (5) représentants des groupements professionnels constitués en Comité d’administration provisoire avec trois missions essentielles : la gestion des affaires courantes ; la préservation et la sécurisation du patrimoine financier, immobilier et mobilier du Patronat ; l’organisation, dans un délai de 90 jours, d’une Assemblée générale élective.

 » Diadié n’a plus aucune base légale pour continuer d’occuper le Cnpm  » 

Selon les révélations faites lors de la conférence de presse par les représentants des groupements professionnels signataires de cette déclaration de sortie de crise, leur proposition s’est heurtée au refus des occupants actuels du Cnpm qui, toujours selon eux, préfèrent continuer dans la voie judiciaire pour espérer avoir gain de cause puisque c’est par une décision de justice qu’ils avaient pu s’installer au Cnpm.

Mais avec l’Arrêt n°508 du 23 décembre 2021 rendu par la section judiciaire de la Cour suprême,  » Diadié dit Amadou Sankaré n’a plus aucune base légale pour continuer d’occuper le Cnpm  » ont martelé les conférenciers, dans la mesure où cet Arrêt de la Cour suprême, qui casse et annule l’Arrêt de la Cour d’Appel, signifie que l’ordonnance gracieuse qui installait Diadié Sankaré au Cnpm est désormais anéantie, avec tous les effets et droits y afférents.   

Il faut comprendre que la Cour d’Appel avait décidé de maintenir valable l’ordonnance gracieuse, arguant que sa rétractation appelle l’existence de circonstances nouvelles et ces circonstances sont absentes.

Argument battu en brèche par la section judiciaire de la Cour suprême saisie par les avocats de Mamadou Sinsi Coulibaly à travers un pourvoi en cassation. L’Arrêt n° 508 de la Cour suprême (section judiciaire) a bien précisé «  qu’aux termes de l’article 503 CPCCS le juge, en la matière, a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge de fond est saisi de l’affaire, contrairement à l’ordonnance de référé qui ne peut être modifiée ou rapportée, en référé qu’en cas de circonstances nouvelles « .

En clair, le juge de fond étant saisi, chacun des deux protagonistes de son côté, d’une requête en annulation de l’Assemblée générale par laquelle chacune des deux parties prétendait être vainqueur de l’élection, cela ne pouvait constituer un obstacle pour la rétractation de l’ordonnance gracieuse par le juge.

Et l’Arrêt de la Cour suprême d’ajouter pour motivation sa décision d’annulation de l’ordonnance gracieuse via la cassation de l’Arrêt de la Cour d’appel  :  » Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’article 503 CPCCS ne subordonne la rétractation d’une ordonnance rendue sur requête à l’avènement de circonstances nouvelles que les juges d’appel en ajoutant au texte une condition qu’il ne prévoit, l’ont violé. Qu’il en résulte que l’infirmation de l’ordonnance n°799 du 30 octobre 2020 par les juges d’appel, pour défaut de circonstances nouvelles, procède d’une fausse application de la loi « .

Mais une fois cet Arrêt notifié, le siège du Cnpm fut entouré de policiers venus empêcher l’accès à l’immeuble pour l’exécution de cette décision. Les avocats de Mamadou Sinsi Coulibaly déplorent que, malheureusement, ce ne soit pas la première de voir le Cnpm transformé en une forteresse. Ils se demandent alors qui peut si facilement donner l’ordre et mobiliser les forces de sécurité, même pour agir à l’encontre de la loi ?

Qui bloque les décisions de justice ?

De toute façon, nul n’est assez borné pour comprendre qu’il s’agit d’une personnalité puissante, très puissante d’ailleurs, pour pouvoir amener le ministre de la Sécurité ou le directeur général de la police à déployer si facilement leurs éléments dans la protection d’un président autoproclamé du Cnpm, désormais squatteur du siège de l’organisation patronale, parce que dépourvu de légitimité et de légalité, au regard d’une décision de la plus haute juridiction du pays.

Mais le Cnpm étant une affaire privée, notamment un syndicat patronal, les organisations professionnelles ont décidé de prendre leurs responsabilités pour récupérer leur siège et organiser de nouvelles élections afin d’avoir un Bureau exécutif légitime à y installer. Cet engagement, les représentants du collectif des organisations professionnelles signataires de la déclaration de sortie de crise l’ont proclamé haut et fort lors de la conférence de presse de mardi dernier où, à la suite des avocats de Mamadou Sinsi Coulibaly, ils ont pris la parole pour signifier qu’ils ne sont plus dans ces histoires de justice.  Pour eux, il n’appartient pas à la justice de leur choisir qui doit être leur président. Ils rappellent cependant être patients et respectueux de la justice pour avoir attendu l’aboutissement du processus judiciaire enclenché, tout en précisant que cette affaire a été transportée en justice malgré eux. Mais puisqu’il y a une obstruction manifeste à l’exécution des décisions de justice, ces organisations professionnelles se tiennent désormais à l’écart de ce processus judiciaire qui ne les engage plus. Pour ces patrons, frustrés et fâchés :  » Il appartient aux autorités politiques et administratives de prendre leurs responsabilités, la justice ayant déjà pris la sienne par des décisions qui restent maintenant à appliquer. Sinon, les groupements professionnels sauront quoi faire pour remettre leur organisation s le droit chemin « .

Le président de la Transition appelé à la rescousse

L’Etat est donc interpellé pour faire respecter les décisions de justice au Cnpm avant que la situation ne dégénère. Les représentants des groupements professionnels affirment avoir informé par courrier le Gouvernement, plus précisément le Premier ministre et aussi le président de la Transition. Seulement, ils se demandent si ces courriers sont bien arrivés à leurs destinataires pour qu’ils puissent bien comprendre la situation et agir dans le sens que force reste vraiment à la Loi.

Le président Assimi Goïta est personnellement appelé à s’impliquer dans cette affaire car pour un des orateurs, tout a commencé lorsqu’il  n’était pas encore président de la Transition, mais vice-président. Maintenant qu’il a le pouvoir, il doit savoir que des chefs d’entreprises donc des acteurs de la prospérité économique sont actuellement empêchés de jouir de leurs droits à cause d’une main invisible qui soutient un des camp au détriment de l’autre dont les décisions de justice en sa faveur sont empêchés d’exécution, pendant que les décisions contre lui sont exécutées à la vitesse de l’éclair. Deux poids, deux mesures que dénoncent les avocats qui étaient face aux journalistes lors de cette conférence de presse de mardi dernier.

Amadou Bamba NIANG

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