LA SOCIETE DES MINES DE SYAMA EPINGLEE PAR LE BUREAU DU VERIFICATEUR GENERAL (BVG): Plus de 227 milliards Fcfa d’irrégularités financières constatées dans la gestion

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Pour s’assurer de la mise en œuvre de la convention d’établissement société des mines de Syama (Somisy-sa), le Vérificateur général a initié la vérification de conformité de la mise en œuvre de la convention minière, de la régularité et de la sincérité des opérations de recettes et de dépenses exécutées par la Société des mines de Syama (Somisy-sa) au cours des exercices 2015, 2016, 2017 et 2018.

Au Mali, l’or constitue la principale ressource minérale d’exportation. Classé par la Banque mondiale 4ème producteur africain1 d’or et 17ème mondial avec 49 tonnes de production en 2018, après le Ghana, l’Afrique du Sud et le Soudan, le Mali a produit de 2015 à 2018, période sous revue, 203,955 tonnes d’or sur lesquelles 27,851 tonnes proviennent de la Somisy-sa, soit 13,65 %. Ce niveau de production fait de la Somisy-sa la 3ème mine la plus productive après Somilo-sa et Gounkoto-sa.

Quant au contexte environnement général, il faut noter qu’au cours des deux dernières décennies, l’environnement favorable créé par les réformes au plan international et continental a relancé l’investissement étranger dans l’industrie minière en Afrique. Cependant, si cet investissement a permis de renouveler et d’accroître la production et l’exportation minérales, sa contribution à la réalisation des objectifs de développement socioéconomique a été des plus incertaines, voire contestée dans de nombreux pays africains. Un mouvement très visible de la société civile dénonçant les coûts de l’exploitation minière et remettant en question les avantages de la revitalisation des secteurs de l’industrie extractive est apparu dans de nombreux pays africains riches en ressources minérales.

Au chapitre des constatations et recommandations, la mission a révélé que celles-ci relatives aux irrégularités environnementales, administratives et financières.

Pour les irrégularités environnementales, elles sont relatives à des pratiques qui portent atteinte à l’environnement et au développement durable qui sont entre autres le manque d’entretien des canalisations d’eaux usées, l’inobservation des normes au niveau du garage de la société sous-traitante ZFM, le non-respect des modalités de gestion des rejets polluants dans l’atmosphère, le manque d’équipement du systèmes d’épuration de gaz (poussières et fumées) des cheminées de la centrale électrique et de l’usine de production d’or.

La mission a également constaté que la nature et la quantité des déchets dangereux incinérés ne sont pas mentionnées dans les rapports annuels de 2015, 2016 et 2017. Aussi, la mine ne fait pas non plus de rapports circonstanciés sur les cas de dépassements de normes survenus. De plus, les rapports annuels ne font pas état des actions correctives mises en œuvre ou envisagées lors des dépassements de normes. Par ailleurs, aucune information n’a pu être fournie à la mission sur les résultats d’analyse des différents paramètres de pollution attestant les performances des équipements de traitement des polluants atmosphériques.

En ce qui concerne les irrégularités administratives, les vérificateurs ont constaté des dysfonctionnements du contrôle interne notamment la non mise en place de toutes les mesures de sécurité du personnel, le non-respect des dispositions de la convention d’établissement en matière de recrutement du personnel. Il aussi a été constaté que les informations figurant sur la presque totalité des panneaux et affiches présents dans d’autres endroits de la mine sont écrites uniquement en anglais contrairement aux exigences de la convention d’établissement et bien que la majorité du personnel soit composée d’ouvriers ne sachant pas forcément lire et comprendre la langue anglaise. Et, l’insuffisance des mesures de sécurité ne permet pas de couvrir totalement les travailleurs.

S’agissant des irrégularités financières, la mission a mentionné que celles-ci s’élèvent à 227 874 613 295 Fcfa qui se présentent comme suit le Président du Conseil d’Administration de la Somisy-sa a mis en place un emprunt non justifié pour le compte de la société pour 242 302 677 428 Fcfa tiré d’un emprunt irrégulier de 168 655 374 517 Fcfa adossé à un accord non documenté signé entre les responsables de Resolute ML.

Aucun document justifiant le montant inscrit en emprunt

Cet emprunt de Resolute ML est constaté sur la base des seules inscriptions dans le compte « 1851 Resolute interco non bloqué » de Somisy-sa. Malgré plusieurs demandes de la mission, la Somisy-sa n’a fourni aucun document justifiant le montant inscrit en emprunt.

La mission a également constaté que l’Assemblée générale de la Somisy-sa n’a toujours pas autorisé la distribution de dividendes à l’État alors que la société a réalisé des bénéfices cumulés à hauteur de 356 828 155 198 Fcfa en fin 2017. Le bénéfice distribuable de la période sous-revue est de 159 585 519 835 Fcfa dont 31 917 103 967 Fcfa devraient revenir à l’État malien. Le directeur général de la Somis-sa n’a pas remboursé un emprunt auprès de l’État du Mali alors que l’article 10 des statuts de société stipule que : « Les actionnaires peuvent mettre ou laisser à la disposition de la société, toutes sommes, produisant ou non intérêts, dont celle-ci peut avoir besoin. Les modalités de ces prêts sont arrêtées par accord entre le Conseil d’Administration et l’intéressé ».

En effet, la mission a constaté que le Directeur Général de Somisy-sa n’a toujours pas remboursé, à l’État malien, un emprunt figurant dans les états financiers de la société pour un montant de 2 719 334 414 Fcfa avec des intérêts cumulés de 1 932 666 382 Fcfa. Le montant total à rembourser à l’État du Mali s’élève à 4 652 000 796 Fcfa. Le Directeur Général de Resolute ML a irrégulièrement mis en place une facilité d’emprunt pour le compte de la Somisy-sa.

Par ailleurs, la mission a constaté que le directeur général de la Somisy-sa n’a pas payé la totalité de la patente et des droits connexes dus. En effet, à l’exception de son Bureau de Bamako, la Somisy-sa n’a pas calculé et payé la patente sur ses bâtiments administratifs. Et, le montant total des droits compromis s’élève à 102 266 780 Fcfa pendant la période sous revue dont 88 927 635 Fcfa pour la patente, 4 446 382 Fcfa pour la taxe de voirie et 8 892 763 Fcfa pour la cotisation due à la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim).

Sur la dénonciation et transmission de faits par le Vérificateur général au président de la section des comptes de la Cour suprême et au procureur de la République du Mali près le Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier relativement, la mission a estimé que celles-ci sont relatives à l’emprunt non justifié de 168 655 374 517 Fcfa mis en place pour le compte de la Somisy-sa, aux dividendes non distribués à l’Etat du Mali pour un montant de 31 917 103 967 Fcfa, à l’emprunt non remboursé à l’Etat du Mali pour un montant de 4 652 000 796 Fcfa, aux intérêts payés sur la facilité d’emprunt irrégulièrement mise en place pour un montant de 20 470 989 008 Fcfa, à l’Impôt sur les Sociétés dû sur les intérêts irrégulièrement déduits du résultat fiscal de la Somisy-sa pour un montant de 2 076 878 227 Fcfa, aux patentes et droits connexes non payés pour un montant de 102 266 780 Fcfa. Ainsi, les dénonciations de faits au directeur général des impôts sont relatives à l’Impôts sur les sociétés dû sur les intérêts irrégulièrement déduits du résultat fiscal de la Somisy-sa pour un montant de 2 076 878 227 Fcfa, aux patentes et droits connexes non payés pour un montant de 102 266 780 Fcfa.

L’absence de systèmes d’épuration de gaz

En conclusion, la mission note que la présente vérification a mis en exergue un ensemble de faiblesses et dysfonctionnements dans la conclusion de l’avenant n°3 à la convention d’établissement de la Somisy-sa ainsi que dans la gestion de la société. Ces irrégularités sont d’ordre environnemental, administratif et financier.

Au titre des irrégularités environnementales, on peut relever, entre autres l’absence de systèmes d’épuration de gaz, poussières et fumées sur les cheminées de la centrale électrique et de l’usine de production d’or, le fonctionnement défectueux ou l’absence de canalisations d’évacuation des eaux usées ainsi que l’absence de station de traitement des eaux usées dans certains garages de la mine. Il a été aussi relevé la non-conclusion de contrats d’assurance sur la gestion de ses déchets dangereux.

A l’instar des autres mines industrielles du Mali, la Somisy-sa est également confrontée à l’épineux problème d’orpaillage et de dragage dans les cours d’eau de son périmètre minier. Le développement de ces activités a comme conséquences des pertes de ressources financières pour la Mine et pour l’Etat puisqu’une partie de ses réserves minières lui échappe, des dommages environnementaux importants résultant de l’envasement des terres, la contamination des eaux de surface, des eaux souterraines et même de la chaine alimentaire à cause de l’utilisation anarchique des produits chimiques dangereux tels que le cyanure et le mercure lors des pratiques d’orpaillage sur terre ferme et de dragage dans les cours d’eau.

Selon la Direction de l’Environnement de la Somisy-sa, les eaux du fleuve Bagoé sont impropres à toute consommation humaine, le travail précoce des enfants avec son corollaire d’abandon de l’école et les problèmes de santé et de changement de mœurs dans les villages environnants.

Les irrégularités administratives ont trait, entre autres, à la gestion irrégulière du personnel expatrié, à la conclusion d’un avenant irrégulier à la convention de Somisy-sa qui a fait bénéficier cette dernière de 3 années supplémentaires d’exonération de certains impôts et taxes ainsi que l’absence de certaines mesures de sécurité pour le personnel de la mine.

Aussi, le personnel expatrié de Somisy-sa est employé dans des conditions qui violent les textes législatifs et réglementaires du Mali. Pire, ce personnel, qui ne représente que 14% de l’effectif total de son personnel bénéficie des 53% de la masse salariale annuelle de la société. En moyenne, un expatrié a un salaire moyen qui vaut plus de 7 fois le salaire moyen d’un cadre supérieur malien employé par Somisy-sa.

Les irrégularités financières, quant à elles, seront transmises aux autorités judiciaires et fiscales. Elles s’élèvent à 227 874 613 295 Fcfa. Elles sont relatives au non-paiement de certains impôts et taxes à l’Etat, à la mise en place et au remboursement d’emprunts irréguliers à Resolute LM ainsi qu’au paiement d’intérêts indus à cette même société. La pratique de Resolute ML, fondée sur une trésorerie commune de l’ensemble de ses mines dans le monde, consiste à prélever directement les excédents de cash-flows sous forme de remboursement d’emprunt monté en boucle et avec le système de capitalisation d’intérêts. Ainsi, le montant des remboursements de l’emprunt Resolute ML constitue 60,25% du chiffre d’affaires total de la période sous revue, soit 605,223 milliards de francs Cfa. Avec cette pratique, les emprunts accompagnent la société minière jusqu’à sa fermeture et l’Etat n’aura de dividende que pendant le déclin de productivité de ladite société. Le Mali doit demander aux experts financiers d’aller analyser, depuis l’Australie, la gestion financière de la Somisy-sa car la majorité des opérations financières et comptables sont effectuées par Resolute ML.

A la suite de toutes ces investigations sur les transactions minières, il serait souhaitable pour l’Etat du Mali de sortir du système d’actionnariat et de lier sa part à un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé. Ainsi, au lieu d’attendre des dividendes distribuables, il sera versé à l’état un taux du chiffre d’affaires réalisé à hauteur de sa part actionnariale dans la société minière.

     Synthèse de Boubacar PAÏTAO

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