BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME :Des directeurs de publication renseignés sur les missions de la Centif
Informer des directeurs de publication sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme afin qu’ils sensibilisent les populations à mieux cerner le phénomène (un crime financier) en vue de rendre l’économie malienne traçable, tel était le menu du déjeuner de presse initié par la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) présidée par l’ancien ministre Marimpa Samoura. La journée d’échanges a eu lieu le mercredi 7 avril 2021 au Millénium hôtel.
ans sa déclaration liminaire, le président de la Centif, Marimpa Samoura, entouré de son staff (comprenant le lieutenant-colonel Mamadou Sangaré, Dr. Modibo Sacko, Mme Coulibaly Fatoumata) et Chahana Takiou (représentant des Dirpub), a fait savoir que la journée d’échanges a pour objectif de permettre à la Centif et à la presse d’œuvrer ensemble pour sensibiliser les populations dans la lutte contre la corruption, avec son corollaire de blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il a fait savoir que la Centif, qui se bat jours et nuits pour prévenir et réprimer le crime de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (des infractions punies par la loi) reste méconnue des Maliens. Et la journée d’échanges a été initiée pour mettre la presse à contribution dans la sensibilisation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
D’après lui, le phénomène est florissant au Mali parce qu’il n’y a pas de traçabilité dans notre économie. « Les fonds ne sont pas traçables parce que l’économie n’est pas bancarisée. Ce qui fait que l’argent sale, qui est plus dangereux que la bombe, est blanchi au Mali et participe au financement du terrorisme dont les conséquences sont dramatiques sur l’économie du pays et la vie des populations », a-t-il dit.
Il a aussi informé que le Groupe d’action financière (Gafi) a été créé pour lutter contre le blanchiment des capitaux. Et les recommandations de ce groupe s’imposent à tous les pays du monde. C’est ainsi que tous les pays du monde dont le Mali ont été invités à prendre des mesures réglementaires pour lutter contre le blanchiment des capitaux. Et l’Uémoa s’est inspirée des mesures du Gafi pour créer la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) dans chacun de ses pays membres pour réprimer le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui sont considérés comme des infractions punies par la loi.
Les missions de la Centif
Dans son exposé, Dr. Modibo Sacko a développé les missions de la Centif. D’après le conférencier, la Centif est une autorité administrative placée sous la tutelle du ministre des Finances. La Centif a pour mission le traitement et la transmission d’informations, en vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. A ce titre, elle est chargée, entre autres, de recueillir, d’analyser, d’enrichir et d’exploiter tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l’objet d’une déclaration ou d’une information reçue ; de recevoir également toutes autres informations utiles nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment celles communiquées par les autorités de contrôle ainsi que les officiers de police judiciaire, qu’elle traite, le cas échéant, comme en matière de déclaration d’opération suspecte ; de demander la communication, par les assujettis ainsi que par toute personne physique ou morale, d’informations détenues par eux et susceptibles de permettre d’enrichir les déclarations de soupçons ; d’effectuer ou fait réaliser des études périodiques sur l’évolution des techniques utilisées aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme au niveau du territoire national.
En plus, elle est chargée d’animer et coordonner, en tant que de besoin, aux niveaux national et international, les moyens d’investigation don disposent les administrations ou services relevant des ministères des Finances, de la Justice, de la Sécurité, ainsi que les organismes qui y sont rattachés, pour la recherche des infractions induisant des obligations de déclaration ; de participer à l’étude des mesures à mettre en œuvre pour faire échec aux circuits financiers clandestins, au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme ; de développer, en relation avec les directions concernées relevant des ministères des Finances, de la Justice, de la Sécurité, l’action internationale de lutte contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
La Centif est également chargée d’assurer, dans le respect des compétences propres à chacune d’elles, une coopération efficace et la concertation des autorités nationales, directement ou indirectement concernées par la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elle émet des avis sur la mise en œuvre de la politique de l’Etat en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. A ce titre, la Centif propose toutes réformes nécessaires au renforcement de l’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
La Centif élabore des rapports périodes, au moins une fois par trimestre, et un rapport annuel, qui analysent l’évolution des activités de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au plan national, international, et procède à l’évaluation des déclarations recueillies. Ces rapports sont transmis au ministre des Finances et au Procureur. Mais, a regretté le président de la Centif, les dossiers communiqués à la justice par la Centif aboutissent rarement et la plupart des gens jugés, dont de gros poissons, sont purement et simplement relâchés. D’après lui, la mission de la Centif prend fin avec la transmission du dossier au Procureur de la République qui peut en faire ce qu’il veut. Il a expliqué que lorsque les opérations de la Centif mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, la Centif transmet un rapport sur ces faits au Procureur de la République qui saisit immédiatement le juge d’instruction. Ce rapport est accompagné de toutes pièces utiles, à l’exception de la déclaration de soupçon. L’identité du préposé à la déclaration ne doit pas figurer dans ledit rapport qui fait foi jusqu’à preuve du contraire. La Centif avisera, en temps opportun, l’assujetti déclarant des conclusions de ses investigations.
Selon Dr. Modibo Sacko, 4 agissements sont considérés comme blanchiment de capitaux. Il s’agit, entre autres, de la conversion ou le transfert de biens, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou délit, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens, ou d’aider toute personne impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; de la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou des droits y relatifs, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou délit ; de l’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens dont celui qui s’y livre sait ou aurait dû savoir, au moment où il les réceptionne, que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou délit ; la participation à l’un des actes cités, le fait de s’associer pour les commettre, de tenter de les commettre, d’aider ou d’inciter quelqu’un à les commettre ou de le conseiller, à cet effet, ou de faciliter l’exécution de tels actes. Il a défini le financement du terrorisme comme tout acte commis par une personne physique ou morale qui, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, a délibérément fourni ou réuni des biens, fonds et autres ressources financières dans l’intention de les utiliser ou sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de la commission, entre autres, d’un ou de plusieurs actes terroristes ; d’un ou de plusieurs actes terroristes par une organisation terroriste ; d’un ou de plusieurs actes terroristes, par un terroriste ou un groupe de terroristes.
A ses dires, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ont des impacts dramatiques sur l’économie nationale car, a-t-il dit, « c’est avec l’argent sale recyclé en argent propre que le terrorisme et d’autres activités malsaines sont financés ».
Aux dires de Mme Coulibaly Fatoumata, les membres de la Centif sont soumis à des obligations qui s’avèrent être des difficultés pour la visibilité des résultats de la Centif. Elle a dit que les membres de la Centif et leurs correspondants sont tenus au respect du secret des informations recueillies qui ne pourront être utilisées à d’autres fins que celles prévues par les dispositions de la loi. Pour la prévention du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, a-t-elle dit, il est fait obligation de déclaration ou de communication des transports physiques transfrontaliers d’espèces et instruments négociables au porteur. Il est interdit le paiement en espèces ou instrument négociable au porteur de certaines créances. Il est fait obligation de déclaration des transactions en espèces. La violation des dispositions exposent les auteurs aux sanctions prévues par la loi. Les institutions financières doivent élaborer et mettre en œuvre des programmes de prévention.
Avant d’entrer en fonction, les membres de la Centif prêtent serment devant la juridiction compétente. A ce titre, ils sont soumis aux obligations de confidentialité et de respect de secret professionnel. La divulgation des informations détenues par la Centif est interdite. Et ces informations ne peuvent être utilisées à d’autres fins que celles prévues par les dispositions de la Loi n° 008 du 17 mars 2016 portant Loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Nonobstant les dispositions et sous réserve qu’elles soient en relation avec les faits susceptibles de faire l’objet d’une déclaration de soupçon, la Centif est autorisée à communiquer des informations qu’elle détient à l’Administration des Douanes, des Impôts, du Trésor et aux services de Police judiciaire. Elle peut également transmettre aux services de renseignement spécialisés des informations relatives à des faits qui sont susceptibles de révéler une menace contre les intérêts fondamentaux de la nation en matière de sécurité publique et de sûreté de l’Etat. Elle peut aussi transmettre à l’Administration fiscale, qui peut les utiliser pour l’exercice de ses missions, des informations sur des faits susceptibles de relever de la fraude ou de la tentative de fraude fiscale. La Centif peut également transmettre aux services de l’Etat chargés de préparer et de mettre en œuvre une mesure de gel ou d’interdiction de mouvement ou de transfert de fonds, des instruments financiers et des ressources économiques, des informations en relation avec l’exercice de leur mission.
Pour mieux lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, Marimpa Samoura propose, entre autres, la bancarisation, la coordination des actions des pays de l’Uémoa, promouvoir la coopération internationale, l’entraide judiciaire.
En réaction à ces propos, Chahana Takiou a dit que la Centif ne joue pas la carte de la transparence. Pour lui, la Centif est une grande muette qui ne communique pas avec la presse. Ce qui fait que la relecture de la loi sur la Centif s’impose car l’information est un droit. « Si la Centif ne communique pas, il est difficile pour les journalistes et les contribuables de voir l’importance de cette structure », a-t-il dit. Des éclaircissements ont été donnés aux préoccupations soulevées par les journalistes. Et il a été proposé de pérenniser de telles rencontres pour que le partenariat Centif-presse soit gagnant-gagnant.
Siaka DOUMBIA