BELLA HANDANE TANDINA DIT ONE CLOSE, MAîTRE-ARTISAN BOUCHER : « C’est avec joie et satisfaction que je reçois cette médaille de chevalier de l’Ordre national du Mali »

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Elevé au grade de chevalier de l’Ordre national du Mali par le président de la Transition (décret n°2023-0528/PT-RM du 20 septembre 2023), Bella Handane Tandina dit « One Close », nous a accordé un entretien exclusif, dans lequel il parle de son métier de maître-artisan boucher, son parcours et ses remerciements à l’endroit des autorités de la Transition plus particulièrement, Andogoly Guindo, pour l’honneur qu’il lui a fait en le proposant à cette distinction.

Aujourd’hui-Mali : Quand est-ce que vous avez commencé le métier de maître-artisan boucher ?

Bella Handane Tandina : Je vous remercie de me donner l’opportunité de m’exprimer sur mon métier. Sincèrement, je peux dire que ce métier de boucher est inné chez moi parce que mon arrière-grand-père et mon grand-père maternel étaient tous des bouchers.

J’ai adopté ce métier lorsque j’étais très jeune chez moi à Tombouctou. Dans la famille, je suis la seule personne à avoir décidé d’exercer le métier de boucher, sinon mes grands frères et sœurs sont tous des intellectuels. D’ailleurs, c’est le seul métier que j’ai exercé durant toute ma vie. Je crois au bon Dieu et je pense que c’est Lui qui m’a poussé vers ce métier. Il est important de souligner que j’ai commencé le métier à Tombouctou, mais c’est en 1974 que je suis venu à Gao afin de continuer de l’exercer.

Parlez-nous de votre parcours en tant que maître-artisan boucher ?

C’est en 1981 que j’ai arrêté l’apprentissage parce qu’un jour, lorsque je cassais les ossements de la viande de mon patron, un morceau d’os est venu prendre mon œil gauche et j’ai automatique perdu cet œil. C’est pour un seul œil que les gens m’appelaient « One Close ».

Avant que ma blessure ne guérisse, je me suis dit qu’il faut que je fasse quelque chose afin de ne pas être dépendant de quelqu’un. C’est suite à cela que j’ai décidé d’ouvrir ma propre rôtisserie à Gao. Immédiatement, les populations de Gao ont aimé mon travail. Cela fait exactement 26 ans que je fais des méchouis pour les autorités lors des événements à Gao. De 1984 en 2012, j’étais le seul boucher qui préparait les méchouis pour le gouverneur, les douaniers, les policiers, les militaires, etc.

Comment vous vous êtes retrouvé à Bamako pour continuer la rôtisserie ?

C’est après l’éclatement de la crise en 2012 que j’ai décidé de venir à Bamako. L’autre aspect qui m’a motivé à venir m’installer dans la capitale était sanitaire parce que j’ai voulu sauver ma mère d’une deuxième amputation due au diabète.

Du coup, j’ai décidé de transférer ma famille à Bamako, je suis polygame, j’ai trois épouses et des enfants. Une fois à Bamako, je suis parti voir l’ancien directeur général de l’ORTM, Bally Idrissa Sissoko, et ses collègues, notamment Harber Traoré et Adama Kouyaté afin qu’ils puissent m’aider à trouver une place dernière l’ORTM. Heureusement, ils m’ont donné une place auprès du parking qui se trouve à l’extérieur de la cour.

Quelques temps après, des individus sont venus me demander de quitter cette place. Ensuite, je suis parti voir Amadou Baba Konaté « ABK » et ce dernier m’a donné 3 millions de F CFA afin que je puisse ouvrir une autre rôtisserie.

Lorsqu’ABK m’a remis l’argent, j’ai cherché un site pour m’installer. Après avoir sillonné la ville de Bamako sans trouver un endroit, Adama Diarra, un ami, m’a proposé de me céder le local de son cyber situé à Baco-Djicoroni afin que je puisse installer mon four de rôtisserie.

C’est à partir de là que j’ai commencé à griller la viande. Il est important de rappeler que lors du lancement des travaux du barrage de Taoussa, c’est moi et mon équipe qui avons préparé le méchoui pour les personnalités. En plus de cela, lors du grand forum de Kidal, j’ai préparé 101 moutons et des chameaux pour les différentes délégations.

Est-ce que vous avez fait des méchouis à l’international ?

Bien sûr ! J’ai fait des quantités des méchouis qui sont partis partout dans le monde, notamment en Allemagne, Suisse, France. Je suis parti faire des méchouis pour l’ancien Guide libyen Mouammar Kadhafi et sa femme a tout fait pour que je puisse rester là-bas, mais je n’ai pas accepté. J’ai également fait du méchoui pour l’ancien président ghanéen, John Kufuor, lorsqu’il était venu pour l’inauguration du monument Kwame Nkrumah. Pour lui, j’ai fait un méchoui spécial avec le chameau, de la vache et des moutons.

Récemment, j’ai préparé des méchouis pour le Roi du Maroc, Sa Majesté Mohammed VI, et sa délégation lors de sa visite à Abidjan en Côte d’Ivoire.

Avez-vous participé à des festivals de grillade au cours de votre carrière ?

Au Mali, c’est nous qui avons initié le 1er Festival de la viande grillée. Nous avons fait ce festival en 2011, j’étais avec Hawa et Amy Bocoum.

D’ailleurs, c’est elles qui ont demandé au gouverneur de Gao de l’époque, Kalifa Kéita, de m’envoyer pour coordonner avec elles ce festival. C’était la première fois que je grillais le chameau. En plus de cela, j’ai reçu plusieurs distinctions de la part de différentes structures.

Grâce à notre savoir-faire, nous avons récemment honoré le Mali lors de Salon international du bétail et de la viande de l’Afrique de l’Ouest à Abidjan en remportant le premier prix sur 17 pays en compétition.

Reparlez-nous du sobriquet « One Close »…

Je ne me gêne pas de dire que je suis illettré à 100 % et je n’ai jamais fait 24 h dans une salle de classe, mais j’arrive à m’exprimer un peu en français. J’ai reçu le nom « One Close » de mes amis parce qu’en 1981, j’ai perdu un œil en cassant des os, un morceau est rentré dans mon œil gauche. Celui qui veut être « One Close » ou avoir le nom de « One Close », il demande au Dieu d’enlever son œil. Je pense que c’est ma chance qui a donné la fleur à ma personnalité humaine. Aujourd’hui, je suis le seul « One Close » au Mali et Dieu merci malgré ce défaut, il m’a tout donné.

Alors, c’est quoi votre secret ?

A mon avis, le seul secret que j’ai dans ce domaine est que j’aime bien ce métier. Je suis né boucher et j’aimerais mourir boucher. Je suis prêt à partager mes compétences avec tout un chacun à condition qu’il soit engagé.

Aujourd’hui, tous mes enfants exercent ce métier avec moi et nous la pratiquons très bien. Bien que mes enfants soient des diplômés, ils exercent tous le métier de boucher. Et je remercie Dieu parce que la relève est déjà assurée.

Pour être très performant dans la rôtisserie, il faut également du matériel de qualité. C’est pour cela, que je n’ai pas hésité une seconde à acquérir du matériel de qualité. Il y a quelques années, j’ai acheté un four à gaz à Baltimore aux Etats-Unis qui peut prendre jusqu’à 30 moutons et un autre four moderne qui peut prendre un chameau et un bœuf.

  Vous venez d’être distingué de la médaille de chevalier de l’Ordre national du Mali sur proposition du ministre de l’Artisanat, de la Culture, du Tourisme et de l’Industrie hôtelière. Quel sentiment vous anime ?

   Depuis que j’ai reçu la nouvelle, je ne fais que frissonner de joie parce que c’est un grand honneur de recevoir cette médaille de son vivant. Aujourd’hui, je ne peux même pas vous dire le degré de sentiment que j’ai. Il est important de rappeler que le ministre Andogoly Guindo m’a vu une seule fois et ce jour-là, il m’a posé autant de questions sur le métier de rôtisserie et de boucher. D’ailleurs, c’était la première fois qu’un ministre me demandait des explications sur ce que je fais.

C’est avec une très grande joie et satisfaction que je reçois cette médaille de chevalier de l’Ordre national du Mali. Je profite de l’occasion pour remercier le ministre de l’Artisanat, de la Culture, du Tourisme et de l’Industrie hôtelière pour m’avoir proposé à cette grande distinction afin de m’encourager à bien exercer mon métier.

Propos recueils par

Mahamadou Traoré

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