Papa Oumar Diop : Enseignant par vocation, journaliste sportif par passion

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Le 5 juillet 1987, les auditeurs de radio Mali découvraient la voix d’un nouveau commentateur de match. C’était à la faveur de la finale de la Coupe du Mali qui a opposé l’AS Réal de Bamako au Sigui de Kayes. Introduit par son aîné feu Demba Coulibaly, Papa Oumar Diop saisit le micro et ajoute sa dose au décor déjà planté par son complice du jour. Quelle fierté ! Quelle joie d’avoir parlé pour la première fois sur la chaîne nationale en direct, au cours d’un grand événement ! Conscient que c’était un moment important de sa vie, il saisit l’occasion en or avec un sentiment de grand bonheur, à côté d’un illustre grand-frère, Demba Coulibaly. Pour cette première sortie, Papa Oumar Diop n’a eu aucun sentiment de peur, surtout qu’en sa qualité d’enseignant, une adresse au public ne saurait être un exercice difficile. Coup d’essai, coup d’éclat, cet enfant de Nioro du Sahel s’est par la suite distingué, illustré à la télé et à la radio. Il retient en toute franchise le soutien et l’accompagnement d’un autre confrère feu Idrissa Dembélé, avec lequel il avait une vie d’amis en dehors du service. Aujourd’hui, il dit avoir exercé un métier magique par vocation (un don naturel d’expression), et un grand amoureux de la langue française, un esprit de curiosité et un goût pour l’aventure et la découverte du monde. Papa Oumar Diop a la satisfaction d’avoir contribué au développement des arts martiaux (judo, karaté, kung-fu), dont l’autorité morale demeure Abdoul Wahab Traoré dit Bob. Il se réjouit d’avoir transmis ses connaissances comme enseignant et journaliste sportif. Des métiers dans lesquels il n’a eu que des amis, jamais d’ennemis dans le domaine public. Partout où il a passé, l’homme s’est imposé, et y a laissé une belle empreinte. Notre rencontre avec Papa Oumar Diop, dans le cadre de la rubrique « Que sont-ils devenus ? » a débouché sur une banque de données pour retracer la vie de ce pédagogue de la vieille école. Après sa distinction par la Fédération Malienne de Football lors de la Coupe du Mali, le samedi 10 juin 2023, nous avons décidé de rendre un vibrant hommage à cet homme de la presse sportive malienne en réepubliant cet article publié dans le N°279 du vendredi 3 septembre 2021.  

n 2017, Papa Oumar Diop a posé de façon spontanée un acte à notre égard. Il peut le minimiser ou le situer dans un contexte logique basé sur ses convictions. C’est pourquoi il peut ignorer que la rubrique « Que sont-ils devenus ? », et plus particulièrement son auteur, a une dette morale envers lui. Et pour cause ! En 2017 quand le Comité national olympique et sportif  du Mali ( CNOSM) décida de la création du Musée sportif, Papa Oumar Diop nous recommanda pour ce joyau chargé de faire vivre en temps réel l’histoire du sport malien.

Pourtant, nous n’avions pas un rapport étroit avec cet aîné qui pouvait expliquer son choix sur notre modeste personne. Sauf que nous le croisions de temps à autre au journal « L’Aube », où il rendait visite à notre dirpub de l’époque Cheickna Hamallah Sylla. Il a juste apprécié le travail que nous faisons pour penser à nous. En toute sincérité, notre reconnaissance à l’égard de Papa Oumar Diop sera éternelle.

En le rencontrant la semaine dernière au Comité olympique, nous aurions dû lui apporter un gâteau. Oui il venait de fêter son anniversaire 72 h avant. L’homme est effectivement né le 14 août 1952 à Nioro du Sahel, une ville qui l’a vu évoluer comme joueur, enseignant et animateur des différents événements culturels et sportifs. Professeur de lettres-histoire-géo, à l’origine comment il est devenu ce journaliste chevronné maîtrisant parfaitement la langue de Molière ?

Avant de parler de sa carrière, nous relevons une qualité de Papa Oumar Diop. Il a l’amour du pays. Chaque fois que les intérêts du Mali sont en jeu, il s’est rebellé pour le faire savoir. Quand les Aigles se sont qualifiés contre l ‘Egypte à Bamako, Papa Oumar Diop s’est proposé pour rester au stade Omnisports jusqu’à à 20h, uniquement pour commenter cette qualification historique. Encore lorsque le Mali a perdu sa place à la Fifa en 2005, Papa Oumar Diop a réalisé un reportage dans lequel on sentait le choc dans sa voix. Pour lui, le Mali a perdu à cause du « Fadenya ».

Qu’est-ce qui explique cet amour de la patrie ? « Je suis un produit du Mouvement pionnier du régime de Modibo Kéïta, où on nous inculquant cet amour de la patrie. Mieux tous les actes que je pose dans ce sens relèvent de mon statut d’enseignant, chargé de porter un message. Le principal message pour un citoyen, c’est aimer sa patrie. C’est un devoir pour moi d’avoir cet amour pour mon pays ».

Le coup de pouce de

M’Bouillé Siby

Avoir Papa Oumar Diop sous la main offre l’occasion de discuter de moult sujets, notamment les Aigles du Mali, qui entament les éliminatoires de la Coupe du monde. Quelle explication aux prestations mitigées de l’équipe nationale ? Est-ce qu’elle ne donne pas l’impression d’un tigre en carton, avec un entraîneur bavard, s’occupant plutôt de l’environnement que de la construction d’un groupe compétitif ?

Pour l’enfant de Nioro du Sahel, le niveau des Aigles est la conséquence du tsunami qui a déferlé sur le football malien avec la crise. Parce qu’une équipe de football surtout au Mali a d’autres managers à l’ombre, sans être à un poste de responsabilité officiel. Donc si cette grande famille se trouve confrontée à la gestion d’une crise, il y aura toujours des tirs dans divers sens selon les intentions.

En plus de cette guerre fratricide, il y a l’état actuel du pays. La preuve ? S’interroge Papa Oumar, les Aigles ne peuvent même plus jouer à Bamako. En l’absence de la situation politique que nous vivons, les autorités auraient quand même pu se donner les moyens d’entretenir les stades afin qu’ils répondent aux normes internationales.

La pédagogie et la maîtrise parfaite du français de Papa Oumar Diop s’expliquent par son statut de professeur de lettres et d’histoire-géo, dont il décrocha le diplôme à l’Institut pédagogique d’enseignement général (Ipeg) de Kayes. Enseignant depuis ses 20 ans, il exerce durant dix ans dans sa ville natale (1972-1982). Le verbe facile et la technique d’animation presqu’innée à l’occasion des semaines locales, et autres activités socio culturelles, il devient le maître de cérémonie attitré de la zone.

C’est en ces moments précis qu’il ambitionne de travailler à la radio, pour parfaire sa dextérité en animation.  Comment atteindre cet objectif, dont les indicateurs ne brillaient pas trop ? Parce qu’il était loin de la capitale et n’avait à l’époque aucune relation directe pour lui donner un coup de pouce.

Papa Oumar Diop aura cette opportunité plus tard, lorsqu’il est muté à Bamako. Il enseigna respectivement aux groupes scolaires Hamdallaye Marché et Lafiabougou. Il devint collaborateur extérieur de l’ORTM en 1987, grâce au soutien d’un aîné de Nioro du Sahel, M’Bouillé Siby (ancien membre du BEC de l’UDPM).

Face au micro à la chaîne nationale, Papa Oumar Diop séduit l’auditoire, pour avoir aimé ce métier, quand il ne savait pas encore que ce rêve serait réalisé un jour.

En septembre 1991, à la demande de l’ORTM, il est transféré au ministère de la Communication pour servir à Bozola (siège de la Radiodiffusion télévision du Mali) pendant vingt-cinq ans, (1991-2016), une période qu’il qualifie de dynamique sur le plan national et international, pour avoir sillonné le Mali et toute l’Afrique.

Un parcours impressionnant

Sa carrière à l’ORTM est marquée par un impressionnant CV : simple reporter sur tous les fronts, présentateur d’émission avec une grande préférence pour les magazines, il a couvert trois Can Tunis 1994, et 2004, Caire 2006) il a animé les autres à partir du studio avec des invités, un journal CAN tous les soirs en compagnie des cadets qu’il formait sachant bien qu’il tendait vers la sortie, quatre Jeux olympiques (Athènes 2004, Pékin 2008, Londres 2012, Rio 2016). A ceux-ci s’ajoutent les éliminatoires de Can, de clubs toutes disciplines confondues, plus précisément le premier trophée  en basket-ball des juniors filles à Maputo en 1996 avec l’entraîneur Cheick Oumar Sissoko dit Yankee, trois tournois Amilcar Cabral, six tournois Uémoa.

Cependant, Papa Oumar Diop retient une anecdote lors d’un match des Aigles : « J’ai accompagné l’équipe nationale en Angola pour les éliminatoires de la Can-2006. Après le match, notre compatriote Alioune Blondin Bèye (représentant de L’ONU en Angola en son temps) nous demanda de couvrir sa rencontre dans le maquis avec le chef rebelle Jonas Savimbi. C’était pour renouveler les accords de paix entre le gouvernement angolais et les rebelles. Nous avons embarqué dans un avion, piloté par un officier supérieur malien. Blondin Bèye voudrait démontrer à l’opinion le rôle que jouait notre pays, à travers un ses dignes fils. Au retour de la délégation malienne à Bamako, la hiérarchie m’a instruit de diffuser en premier ressort cet élément de Me Bèye. C’était réconfortant. Cela a beaucoup attiré mon attention et constitue l’un de mes bons souvenirs, en raison du contexte ».

Papa Oumar Diop a dirigé en outre le desk Sports TV de 2002 à 2008. Après les Jeux olympiques d’Athènes il est sollicité pour combler le vide créé par le décès de Pierre Diakité.  Nommé président de la Commission média du CNOSM, grâce à la confiance du président Habib Sissoko, il a donné un engouement particulier aux activités du Comité et crée la nuit du Mérite sportif, pour célébrer les meilleurs : sportif, dirigeant sportif avec un regard sur les anciens sous le générique « Devoirs de Mémoire ».

Autre action à son actif, la valorisation de la Super Coupe ATT. Papa Oumar Diop a donné un éclat particulier aux différentes éditions. Parce qu’il a compris que c’était un championnat national de football de masse, en l’absence des biennales, des semaines locales. Une compétition dont la pérennisation a permis de découvrir de jeunes talents.

L’enfant de Nioro du Sahel a fait valoir ses droits à la retraite en 2016. Depuis lors il se fait discret, même dans les stades, pour la simple raison qu’il a peur du déshonneur. Papa Oumar Diop est marié et père de cinq enfants dont le benjamin a vingt-cinq ans. Il parle le français, le soninké, le sonhraï, le bambara.

Ses souvenirs vivaces selon ses propres termes sont : le match aller du Stade malien de Bamako contre l’équipe Kamsar de Guinée Conakry 1992, le déplacement des Aigles à Windhoek en octobre 1994, la Coupe du monde junior aux Emirats arabes unis en 2003, les éliminatoires de la Can-2006 à Luanda et le voyage avec Blondin Bèye à Wige-Negage Bailundo.

O. Roger  Tél (00223) 63 88 24 23

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