Suite au tollé généré par l’accouchement d’une recrue en pleine formation à l’Ecole nationale de police, l’empressement de la Direction générale de la police à distribuer des sanctions n’a pas calmé les ardeurs des recalés du concours de recrutement, réunis en collectif. En effet, les contestataires ont doublé d’activité, clamant haut et fort que l’enrôlement d’une femme enceinte est la preuve la plus palpable du manque de sérieux dans ce processus de recrutement. Pour eux, ceux qui sont sanctionnés ne sont que des lampistes, les vrais coupables étant tapis dans l’ombre. Raison pour laquelle la justice est saisie pour des enquêtes sérieuses.
Une recrue qui accouche alors que la formation n’en est qu’au quatrième mois, il n’en fallait pas plus pour donner raison aux protestataires qui ont, depuis la proclamation des résultats, dénoncé les magouilles qui entourent le recrutement à la police nationale. En effet, le dimanche 19 avril, l’élève policière Hawa Haïdara de la première section de l’Ecole de police a accouché d’un garçon à la PMI centrale sise à Bamako Coura où elle a été transportée par l’Infirmerie de l’Ecole nationale de police. Déduction très simple, mais correcte : Hawa était à cinq mois de grossesse lorsqu’elle rejoignait l’Ecole pour sa formation. Alors, quid de la visite d’aptitude et de la contre-visite (contrôle) une fois sur place à l’Ecole ?
Par ailleurs, elle était fréquente à l’Infirmerie où elle bénéficiait souvent de repos médicaux et d’exemption de sport et de certaines activités physiques liées à la formation. Au cours de ce premier trimestre de l’année 2020, elle est partie trois fois à l’Infirmerie au mois de janvier, quatre fois au mois de février, trois fois au mois de mars et trois fois au mois d’avril. Et pourtant, personne n’a rien vu. Ou l’avait-on vu, le savait-on, mais on avait peur de parler, certainement à cause des soutiens dont bénéficie la recrue pour en arriver à figurer dans ces conditions sur la liste des admis et pouvoir intégrer l’Ecole.
» On ne nous croyait pas, mais Dieu a apporté la lumière, chassant du coup l’obscurité qui entourait le recrutement à la police. On nous a écartés parce qu’on n’est parrainé par personne. On ne se prévaut que d’un titre de citoyen malien ayant passé les épreuves dans les normes requises. Mais comment une femme peut-elle, durant tout ce temps-là, tromper la vigilance de tout le monde ? Il y a de fortes complicités et il ne faudrait pas qu’on sacrifie d’innocents gradés de la police pour ce cas car la femme en question a bénéficié d’une certaine protection pour pouvoir en arriver-là ». Ces propos d’un des membres du collectif en dit long sur la religion qu’il se fait de ce recrutement : il a tout simplement transformé ses soupçons de départ sur le tripatouillage du recrutement en une forte certitude.
« J’ai été écarté à l’oral, alors que pendant ce temps-là, une femme inapte était déclarée admise. Regardez cette injustice ! Et rien ne nous dit qu’il n’y a pas d’autres cas d’inaptitude parmi les privilégiés qui ont été parachutés au détriment des méritants », lance un autre.
De toutes façons, cette affaire a écorché l’image du processus de recrutement à la police et les sanctions distribuées à la va-vite sont loin de la redorer, l’opinion nationale étant de plus en plus convaincue que l’enrôlement ne se fait pas de façon correcte.
Va-t-on se limiter à des sanctions de quelques cadres sur une longue chaîne de responsabilités, disons de complicité ? Non, disent les recalés qui réclament justice. Joignant l’acte à la parole, ils ont constitué Me Kassim Traoré pour constituer un recours en annulation de l’Arrêté 44121/DGPN-DPFM qui proclame l’admission des candidats.
Un autre front est ouvert par des organisations de la société civile avec comme fer de lance la Plateforme dirigée par le Pr Clément Dembélé, pour que des enquêtes sérieuses soient menées pour situer les responsabilités de chacun. « Le mal est profond, il faut l’extirper à la racine », explique un des recalés très engagé dans ce combat.
Amadou Bamba NIANG