Le Vérificateur Général, Samba Alhamdou Baby lors de la remise du Rapport 2021 à Assimi Goïta « De 50 en 2020, les saisines reçues par le Bureau sont passées à 64 en 2021″
Mardi 29 novembre 2022, le Vérificateur général, Samba Alhamdou Baby, a officiellement remis son rapport 2021 au Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta. Selon lui, le BVG a reçu 64 saisines en 2021 contre 50 en 2020. Sur les 64 saisines, 23 ont fait l’objet de programmation de missions de vérification financière, 5 ont été classées et 36 sont en cours de traitement. Ce n’est pas tout. Le BVG a également reçu 16 dénonciations dont un dossier a fait l’objet de l’ouverture d’une information judiciaire au niveau d’un cabinet d’instruction du Pôle Economique et Financier ; 6 dossiers sont en enquête préliminaire ; 9 dossiers sont en cours de traitement au Parquet du Pôle Economique et Financier. Cette cérémonie de remise du rapport 2021 s’est déroulée en présence de plusieurs personnalités dont le Premier ministre par intérim, le Colonel Abdoulaye Maïga, et les membres du gouvernement. On notait aussi la présence de l’Auditeur Général du Rwanda, Alexis Kamuhire. Nous vous publions le discours intégral du Vérificateur Général, Samba Alhamdou Baby.
Excellence Monsieur le Président,
Devenue traditionnelle, la cérémonie qui nous réunit ce jour et qui consacre la remise solennelle du Rapport annuel du Vérificateur Général est un évènement hautement symbolique. En effet, elle marque un moment inédit de porter à la très haute attention de Son Excellence Monsieur le Président de la Transition, Chef de l’Etat, la synthèse des observations, analyses, critiques et suggestions formulées au compte de l’année 2021. Il s’agit également du couronnement d’une année de vérification et d’évaluation de politique publique ayant concerné d’importants domaines et structures publiques.
Je voudrais donc vous renouveler notre profonde reconnaissance et notre sincère gratitude pour l’occasion que vous nous offrez, ici, de remplir cette exigence légale. Le personnel du Bureau et moi-même en sommes fièrement honorés et nous vous en remercions très vivement.
Aussi, voudriez-vous me permettre de vous adresser mes sincères félicitations pour les efforts inlassables et multiformes que vous déployez au quotidien pour faire face aux innombrables défis auxquels notre Nation est confrontée.
Je voudrais également, dans ces propos préliminaires, exprimer toutes mes pensées, en souvenir des victimes de l’insécurité et du terrorisme ; qu’il s’agisse des militaires ou civils, nationaux ou étrangers. Aux blessés des actes de terrorisme, j’adresse mes souhaits ardents de prompt rétablissement.
Excellence Monsieur le Président,
Permettez-moi de saluer la présence, parmi nous, en terre africaine du Mali de l’Auditeur Général du Rwanda, Monsieur Alexis KAMUHIRE, qui a bien voulu répondre à notre invitation, malgré un agenda extrêmement chargé. Sa présence témoigne de la volonté du Bureau du Vérificateur Général du Mali de s’approprier des meilleures pratiques de gestion de finances publiques, domaine dans lequel plusieurs analystes convergent sur la dimension éprouvée de l’expérience du Rwanda dans ce domaine. Merci infiniment, Monsieur l’Auditeur Général et cher Alexis KAMUHIRE.
Excellence Monsieur le Président,
Le Rapport annuel 2021, objet de la présente cérémonie, est le fruit d’une analyse approfondie se fondant non seulement sur la cartographie des risques et l’importance des secteurs d’activités des entités, mais également sur les saisines reçues des citoyens, des organisations de la société civile et surtout du Gouvernement. Il s’articule autour de 33 missions qui ont concerné des services centraux, des organismes personnalisés, des Collectivités Territoriales, une politique publique ainsi que la gestion des fonds COVID-19. Ces missions se répartissent entre :
– vingt (20) vérifications financières et de conformité ;
– quatre (4) vérifications de performance ;
– huit (8) vérifications de suivi des recommandations ;
– une (1) évaluation de politique publique.
Elles ont couvert essentiellement les domaines de la Santé, des Transports, de l’Education, de la Décentralisation, de l’Energie et de l’Eau, des Mines, du Développement rural, des Technologies de l’Information et de la Communication.
Excellence Monsieur le Président,
Ces différentes vérifications et évaluation offrent un tableau moins luisant de la gestion des secteurs concernés.
D’abord, les vérifications financières et de conformité.
Les 20 missions de vérification financière et de conformité ont mis en relief des faiblesses concernant la gestion administrative et financière dans les administrations publiques et les Collectivités. Elles ont décelé, d’une part, des irrégularités administratives relevant des dysfonctionnements du contrôle interne et, d’autre part, des irrégularités financières.
Les irrégularités administratives feront l’objet de vérifications de suivi des recommandations par le Bureau.
Quant aux irrégularités financières, elles ont fait l’objet de transmission et de dénonciation aux autorités judiciaires et la Direction Générale du Contentieux de l’Etat a été tenue en ampliation pour la défense des intérêts de l’Etat.
En 2021, le Bureau a transmis 18 dossiers au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême et dénoncé 22 dossiers aux Procureurs de la République près les Tribunaux de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, de Kayes et de Mopti, chargés des Pôles Economiques et Financiers.
La situation des dénonciations se présente comme suit :
– seize (16) dossiers au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, chargé du Pôle Economique et Financier ;
– cinq (5) dossiers au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Kayes, chargé du Pôle Economique et Financier ;
– un (1) dossier au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Mopti, chargé du Pôle Economique et Financier.
Des exemplaires des 22 dossiers ont été transmis au Directeur Général du Contentieux de l’Etat pour suivi et défense des intérêts de l’Etat.
En ce qui concerne les suites judiciaires des dossiers transmis et dénoncés par le Bureau aux autorités judiciaires, le Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême a communiqué, par écrit, au Bureau la situation des suites judiciaires des 18 transmissions reçues. Elle se présente comme suit :
– quatre (4) dossiers ont été déférés au Parquet Général de la Cour Suprême ;
– quatorze (14) dossiers ont fait l’objet d’examen par les chambres compétentes.
S’agissant du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako, chargé du Pôle Economique et Financier, il a fait parvenir par écrit au Bureau la situation des suites judiciaires des 16 dénonciations reçues au titre de l’année 2021. Ainsi :
– un (1) dossier a fait l’objet de l’ouverture d’une information judiciaire au niveau d’un cabinet d’instruction du Pôle Economique et Financier;
– six (6) dossiers sont en enquête préliminaire ;
– neuf (9) dossiers sont en cours de traitement au Parquet du Pôle Economique et Financier.
Concernant le Pôle Economique et Financier près le Tribunal de Grande Instance de Kayes :
– un (1) dossier est programmé pour être jugé ;
– deux (2) dossiers ont fait l’objet de l’ouverture d’une information judiciaire au niveau des cabinets d’instruction du Pôle Economique et Financier ;
– un (1) dossier est en enquête préliminaire ;
-un (1) dossier est en cours de traitement au Parquet du Pôle Economique et Financier.
Enfin, suite au seul dossier de dénonciation qu’il a reçu au titre de l’année 2021, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Mopti, chargé du Pôle Economique et Financier, a transmis ledit dossier à la Brigade d’Enquête Financière du Pôle aux fins d’enquête préliminaire. Il s’agit là d’une situation qui a présentement évolué par rapport à la date de collecte des données.
Ce résultat est le fruit de la forte synergie engagée entre les autorités judiciaires et leBureau, suite notamment à l’adoption et à la promulgation de la nouvelle loi régissant le Vérificateur Général.
Ensuite, les vérifications de performance.
Les quatre (4) missions de vérification de performance ont relevé des déficiences non seulement dans le pilotage stratégique, mais aussi, dans la gestion opérationnelle des structures contrôlées, toutes choses qui ont entamé l’efficacité, l’économie et l’efficience des activités des structures concernées.
Dans plusieurs cas, les différents acteurs de la gouvernance n’assument pas pleinement leurs rôles et responsabilités, une situation qui agit négativement sur l’atteinte des résultats escomptés. En outre, les diligences de suivi-évaluation des activités ou de reddition des comptes restent largement en deçà du souhaitable.
S’agissant des vérifications de suivi de la mise en œuvre des recommandations, au nombre de 8, elles ont porté sur les recommandations de vérifications réalisées en 2017 et en 2019. Ces missions totalisent 122 recommandations sur lesquelles 25 sont non applicables. Ainsi, l’évaluation des 97 recommandations applicables a donné les résultats ci-après :
– 51 entièrement mises en œuvre, soit 52% ;
– 24 partiellement mises en œuvre, soit 25% ;
– 22 non mises en œuvre, soit 23%.
L’analyse par entité révèle que la Commune Urbaine de Ségou, l’Agence Malienne de Radioprotection et le suivi des procédures concernant les Etablissements privés d’enseignement fondamental et secondaire dans le District de Bamako et la Région de Koulikoro, relevant du Ministère de l’éducation Nationale, ont réalisé des taux inférieurs à la moyenne de 52% avec respectivement 44%, 34% et 27%. Par contre, la Collectivité Cercle de Ségou et la Commune Urbaine de Kayes ont réalisé des taux satisfaisants supérieurs à la moyenne.
Globalement, il est souhaitable, en plus des suites réservées aux dénonciations et transmissions aux autorités judiciaires concernant les irrégularités financières, qu’une attention particulière soit accordée à l’application effective des sanctions administratives et disciplinaires.
Excellence Monsieur le Président,
En plus de ces vérifications, le Bureau a conduit pour la deuxième fois consécutive une évaluation de politique publique. Ainsi, après la première qui a porté sur la composante 1 « Santé et Hygiène Publique » du Programme de Développement Socio-Sanitaire (PRODESS) – Phase III, la deuxième évaluation s’est intéressée à la Composante 3 du même programme « Femme, Enfant et Famille ». Elle a concerné la pertinence, l’efficacité et les effets du Programme sur les populations pendant la période de 2014 à 2018.
A l’analyse, les systèmes de santé semblent mieux répondre aux besoins des femmes et des enfants du fait des mécanismes mis en place. Les conditions de collaboration entre les départements créées par le PRODESS III ont contribué à rendre les centres de santé plus à l’écoute des femmes qui, rassurées les fréquentent plus. En outre, les femmes sont incitées à participer davantage à la prise de décision sur le système de santé, dans le cadre de la gestion communautaire. Elles s’intéressent plus au développement de leurs centres et s’investissent pour la bonne marche de ceux-ci. Leur niveau d’implication leur a valu des postes de responsabilité au niveau des organes de gestion dans certains cas. Le programme a également contribué à la réduction des mariages précoces et forcés grâce à l’implication de beaucoup d’acteurs y compris les enseignants et les élèves.
Toutefois, les réels changements de pratiques nécessitent sans doute plus de temps et d’efforts soutenus.
Excellence Monsieur le Président,
Ces vérifications et évaluation de l’année 2021 sont largement inspirées des saisines. De 50 en 2020, les saisines reçues par le Bureau sont passées à 64 en 2021. Cet accroissement du nombre de saisines témoigne de l’intérêt que les saisissants ont pour le Bureau. Ces saisines proviennent du Gouvernement, des citoyens et des associations de lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière. Elles sont relatives à la gestion des services, des organismes publics et des Collectivités Territoriales.
Les suites réservées aux 64 saisines reçues par le Vérificateur Général au cours de l’année 2021 se présentent ainsi qu’il suit :
– vingt-trois (23) ont fait l’objet de programmation de missions de vérification financière ;
– cinq (5) ont été classées ;
– trente-six (36) sont en cours de traitement.
Excellence Monsieur le Président,
Le Bureau du Vérificateur Général continue sa dynamique partenariale. C’est dans ce cadre que certains partenaires ont décidé de soutenir le Bureau, à travers des appuis multiformes. Je voudrais à cet effet, avec votre permission, remercier vivement la Coopération Canadienne, la Délégation de l’Union Européenne, la Banque Mondiale, le Pays Bas et le Consortium Banque Mondiale, Pays-Bas, Suisse et Agence Française de Développement.
Je voudrais également remercier la Section des Comptes de la Cour Suprême, les Pôles Economiques et Financiers, le Conseil National de la Société Civile et tous les autres acteurs intervenant dans la chaine de la lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière. Je voudrais enfin saluer et remercier le Gouvernement de notre Pays, à travers notamment le Ministère de l’Economie et des Finances, pour l’appui financier constant apporté au Bureau et qui lui a permis d’améliorer ses capacités logistiques et professionnelles et conduire ses missions de vérification et d’évaluation dans un contexte économique assez difficile.