C’est un pléonasme de dire que les Maliens sont déçus des dirigeants du Pays et fatigués des promesses non tenues. Celui qui est mordu par un serpent ayant peur d’une simple corde, ils regardent avec méfiance les artisans de la Transition, non sans éprouver déjà un sentiment d’impatience de voir jaillir les lueurs de l’ère de ruptures tant souhaitées et très attendues.
Il faut refonder le Mali ! ». Cette phrase rabâchée de partout au Mali au début de la Transition actuelle, exprime de façon péremptoire le besoin urgent et profond de rupture des populations. Si la Transition menée par le président ATT en mars 1991 s’avérait plus concise dans ses contours pour être menée à terme avec succès, celle conduite par le Pr Dioncounda Traoré, en 2013, s’avérait plus complexe et a finalement laissé un goût amer d’inachevé.
Depuis lors, les Maliens ruminent leur colère suite à la rupture institutionnelle de 2012 qui n’a finalement contribué qu’à retarder l’évolution économique du Mali et favorisé l’incrustation d’une insécurité que la présidente de la Cour constitutionnelle d’alors avait tort de traiter de « résiduelle ».
IBK est donc arrivé au pouvoir en 2013 avec un score électoral au second tour de la présidentielle qui rappelle les résultats des scrutins de la période du parti-Etat au Mali, tant une certaine unanimité s’était dégagée autour de l’homme « providence », « l’homme de poigne » disaient d’autres, pour sortir le pays de la situation dans laquelle il était en train de sombrer. Une situation caractérisée par une absence notoire d’autorité de l’Etat, laquelle évoluera d’ailleurs pour devenir carrément une absence de l’Etat dans certaines parties du territoire national.
C’est donc sur un grand espoir de restauration de l’Etat que le président IBK est arrivé au pouvoir. Mais la déception aura été à la hauteur de l’énormité des attentes, le bateau Mali prenant eau de toutes parts pour nécessiter une forte mobilisation afin de le sauver des turbulences houleuses. C’est dans ce contexte que, le pouvoir étant dans la rue suite à la pression populaire menée par le M5-RFP, une bande de colonels est venu le ramasser tranquillement. Ramasser le pouvoir tombé par terre c’est une chose, mais ce qu’il faut en faire en est une autre. Comme le dit si bien un adage : « Voler un tamtam c’est facile, mais où le jouer reste la grande inconnue ». De ceci à cela, la réalité quotidienne des Maliens, crue et têtue, s’impose aujourd’hui à la Transition.
« Le bateau Mali peut tanguer, mais il se redressera toujours ! » entendait-on çà et là pour rassurer le peuple malien qui vivait – et continue d’ailleurs de le vivre – des moments difficiles de son existence. Le bateau Mali ne va jamais sombrer, c’est vrai, mais qui pour redresser la barre pendant qu’il est encore temps ? Avec quel équipage ? Comment le faire ? Par quels chemins passer pour ne plus entrer dans des zones de turbulences ? Pour mener le bateau Mali à quel port ? Pourquoi le choix de ce port et pas un autre ? Doit-on changer simplement l’équipage ou faudrait-il changer aussi les moteurs du bateau ? Telles sont, de façon imagée, les grandes questions auxquelles des questions attendent des réponses de la part de la Transition. Des réponses hic et nunc pour ramener tous les Maliens autour d’un projet commun : le Mali de demain.
Mais jusqu’à présent, la Transition ne transmet pas encore ce signal, disons ce déclic d’une ère de ruptures tant attendues, ayant perdu du temps pour prendre ses marques. Ruptures, disons-nous ! Rupture au plan politique et institutionnel, rupture aux niveaux de la gouvernance publique, des politiques de défense et de sécurité, des politiques économique, d’éducation, de Santé. Rupture, rupture, rupture… Autant de ruptures que le citoyen Lambda emballage dans un package qu’il désigne sous l’appellation ô combien évocatrice de « Refondation de l’Etat ».
Il reste évident que la démocratie ne saurait se résumer à l’organisation d’élections. Cela ne devient que du vernis démocratique pour cacher mal une gangrène qui se développe en dessous. De même l’organisation d’élections, si parfaites, soient-elles, ne sauraient constituer, à elles seules, un gage de développement économique. C’est prouvé par les Etats dits les moins démocratiques du monde, comme on en trouve en Asie du Sud-Est et vers l’Est du continent africain. Ce sont les meilleurs taux de croissance de ces dix dernières années et les foyers d’innovations économiques, techniques et scientifiques savantes. C’est pour dire que la démocratie doit être profitable aux citoyens, à condition que les citoyens acceptent d’exercer pleinement leur droit de citoyenneté malheureusement souvent vendangé pour des broutilles, surtout lors des élections.
Il faut donc, dans cette ère de ruptures attendues que le citoyen malien soit prêt, lui aussi, à une rupture dans son comportement pour que naisse le Malien nouveau en mesure d’accompagner le Mali nouveau.
Amadou Bamba NIANG