Ancien fonctionnaire international des Nations unies, ancien président de la Ligue de football du district de Bamako, ex-membre du comité exécutif de la Fédération malienne de football, dirigeant incontesté du Djoliba AC, Boubacar Monzon Traoré a un carnet d’adresse assez fourni pour signer son passage dans la rubrique « Que sont-ils devenus ? ». Agé aujourd’hui de 78 ans, il est en bonne santé. En un mot il se maintient. De plus en plus, il se dépassionne du football. Marié et père de 6 enfants dont deux garçons, sa vie de retraite est partagée entre la mosquée et son grin à Hamdallaye. De son cursus universitaire à sa retraite, en passant par sa carrière administrative et sa gestion du football, Boubacar Monzon Traoré nous a reçu en fin de week end dernier pour parler de son histoire.
otre rencontre avec Boubacar Monzon Traoré coïncide avec l’actualité du jour : le décès du baobab de Hérémakono, le monument du football malien, l’incarnation du Djoliba AC, Karounga Kéita dit Kéké. Il est l’idole de notre héros du jour, ils ont fini par être des collaborateurs, des complices. L’ancien président de la Ligue de football du district, dit que la grande famille des Rouges était préparée au décès de son mentor. Parce que cela fait deux ans qu’il est malade en France.
Malgré tout le choc est énorme. Il retient le sacrifice de Kéké pour avoir abandonné sa famille, son emploi. Il aurait dû être promu au poste de directeur général de la banque. Mais puisque ses absences répétées liées aux voyages du Djoliba ou de l’équipe nationale étaient incompatibles aux charges de premier responsable de l’administration, il s’est résigné dans sa logique : servir le football malien et le Djoliba, laissant même l’éducation de ses enfants entre les mains de sa brave épouse.
« Karounga a même décliné l’offre du poste de représentant spécial de l’Unicef à Bujumbura, parce qu’il ne peut pas se séparer de son club. D’ailleurs, ce matin avant de vous rencontrer (Ndlr le dimanche 12 mars 2023) j’ai rendu visite à sa veuve Fanta Diallo, pour lui témoigner toute la gratitude, la reconnaissance du Djoliba. Parce qu’elle a tout accepté pour le bonheur du Djoliba », soutient Boubacar Monzon Traoré la gorge nouée.
Après ces moments d’émotion, l’hibernation du football malien s’invite au débat. Oui notre sport roi traverse une zone de turbulences : niveau très bas du championnat national, incapacité des clubs maliens à accéder aux phases de poule des compétitions de la Caf, notamment la ligue des champions, élimination des juniors, prestation calamiteuse des Aigles locaux au Chan. Boubacar Monzon reconnait cette triste réalité et propose :
– Plus d’honnêteté des uns envers les autres ;
– Que les dirigeants s’occupent plus du football. Parce que les moyens financiers sont actuellement en jeu, et le constat amer est que les clubs n’ont que 20 millions de F CFA. Un appui très faible par rapport au Burkina et à la Côte d’Ivoire.
– Le soutien conséquent du bureau fédéral aux clubs, vu que l’Etat a cessé de les accompagner. A défaut, nos différentes équipes feront de la figuration, et les querelles intestines précipiteront la descente aux enfers de notre football.
A ce niveau, Boubacar Monzon semblait être exacerbé par son analyse. Pour le dépassionner nous profitons d’une gorgée d’eau pour entamer son cursus scolaire.
C’est à l’école des « Grottes » à Hamdallaye, en compagnie du feu président IBK que Boubacar Monzon a fait ses études primaires. Entré au lycée Terrasson de Fougères en 1958, il en ressort six ans plus tard. Parce que le second cycle y était inclus. C’est avec la réforme de 1962 qui a consacré le détachement de l’enseignement fondamental du lycée, avec la création du diplôme d’études fondamentales (DEF). En octobre 1964, il passe par l’ENA et décroche un diplôme en économie en juin 1968.
Directement intégré dans la Fonction publique, Boubacar Monzon est affecté à la direction nationale du plan et de la statistique en 1969. Un an plus tard, il est nommé directeur régional à Ségou (1970-1971) avant de bénéficier d’une bourse de la Commission économique des Nations unies basée à Addis-Abeba. Au terme de cette formation, il retourne à la case de départ, le temps de trouver un point de chute ou une nouvelle promotion. La chance lui sourit du côté du gouvernorat du district de Bamako, où il occupe le poste de conseiller aux affaires économiques du gouverneur pendant deux ans (1973-1975). N’Golo Traoré (ancien dignitaire du régime de GMT) nommé directeur l’Institut d’économie rurale (IER), sollicite ses compétences pour diriger la direction administrative et financière (Daf).
Discours retentissant
Les deux hommes se sont connus à Ségou, et ont entretenu de bons rapports. N’Golo avait une vision très claire, pour donner de nouvelles orientations au service. Et Boubacar Monzon Traoré l’assiste dans cette dynamique et politique de redressement de l’IER. Il profite en même temps du programme de formation du service pour faire un troisième cycle au Nigeria. Après ce cursus supplémentaire, Boubacar Monzon Traoré perd logiquement son poste de Daf, et accepte de rester en stand-by à l’IER jusqu’à ce jour mémorable : l’opportunité de travailler dans un organisme international, et de surcroît les Nations unies. Comment cela s’est produit ? « C’est mon ami, l’ex-ministre Nancoman Kéita qui m’a informé de l’appel à candidature pour un poste au Fnuap. Arrivé au siège de l’institution, il s’est avéré que c’est plutôt mon profil qui était sollicité. Nancoman ne m’a pas donné le temps de compatir à sa déception. Il m’encouragea à déposer mes dossiers le plus vite possible. Effectivement j’ai postulé et au bout de quelques semaines j’ai été recruté pour servir d’abord à Bamako, puis aux USA, au Zaïre, en Guinée Conakry et au Gabon ».
Boubacar Monzon est resté à ce poste de 1981 à 2006, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite. Il passe les deux ans restants dans l’administration malienne à la Cellule d’enquête et de recherche.
Son destin au niveau de la Ligue de football de Bamako s’est dessiné au cours d’une assemblée générale. Membre de la délégation du Djoliba, son intervention a émerveillé l’assistance. Au moment de la mise en place du bureau, Abdoul Karim Touré dit Bakoun, un dirigeant du Réal, le propose comme secrétaire général.
Boubacar Monzon Traoré se désiste au motif que ses occupations aux Nations unies l’empêcheront de s’investir à hauteur de souhait. En 2001, il occupe la 2e vice-présidence. Une fois de plus il monte d’un cran en 2005 pour être la deuxième personnalité de la ligue. C’est au cours de ce mandat que le président Mamadou Samba Konaté décède le 18 février 2006. Automatiquement Boubacar Monzon prend la relève. Ce mandat a connu une prolongation parce que la Femafoot devrait tenir son assemblée Générale de relecture des textes. Raison pour laquelle elle a souhaité que les quatre ligues (Bamako, Kayes, Koulikoro, et Sikasso) qui sont en renouvellement attendent pour se conformer aux nouveaux textes.
Son vrai leadership comme président de la Ligue débute en 2011 avec son élection à l’issue d’une assemblée générale tenue à l’Ecole nationale de police. Sa volonté pour briguer un second mandat est entravée par la grande crise du football malien. Il n’a même pas voulu se présenter à l’élection organisée par le Comité de normalisation en 2018. Boubacar Monzon actif au Djoliba s’efface de la Ligue. Quand même l’histoire retiendra les grandes actions de son passage à la ligue de Bamako, notamment :
L´organisation du championnat de troisième division, du championnat d’honneur entre les clubs de première division, du championnat de toutes les catégories d’âge. Une politique salutaire qui a permis au football malien de remporter des titres continentaux et participer aux phases finales de coupes du monde. Au niveau de la Fédération Malienne de Football, il a occupé le poste de 2ème Vice-Président sous la mandature de feu Hamadoun Kola Cissé.
Boubacar Monzon retient comme bons souvenirs : la victoire du Djoliba à la finale de la Coupe du Mali de 1978, la qualification des Rouges en finale de la Coupe Caf aux tirs au but en 2012 et la confiance placée en lui par ses pairs des autres ligues de football. Quant aux mauvais souvenirs ils sont au nombre de deux : la défaite du Mali à la Can de Yaoundé-72, la grande déception des hommes.
Au moment de quitter Boubacar Monzon Traoré, nous lui posons une dernière question. Certes Kéké est parti, alors qu’est-ce qu’il a pu léguer comme boussole pour la famille Rouge ? Notre héros de la semaine se rajuste dans sa chaise et dit ceci : « Kéké nous a laissé l’amour du Djoliba, la rage de vaincre ». O. Roger Tél (00223) 63 88 24 23