Chaque fois qu’un acteur de l’épopée du Sigui de Kayes en 1987, passe dans la rubrique « Que sont-ils devenus ? », la logique nous contraint à parler de certains aspects de cette finale de Coupe du Mali, c’est-à-dire les non-dits de ce 5 juillet 1987 qui a enregistré la victoire des Kayésiens face aux Réalistes. Un événement historique écrit en lettres d’or dans les annales du football malien, parce qu’aucune équipe régionale n’a pu égaler cette vaillante équipe de la Cité des Rails. Pour l’animation de votre rubrique préférée, nous avons rencontré cet autre acteur du 5 juillet 1987, Abdoulaye Diallo. Souvenez-vous de ce géant et colosse milieu récupérateur du Sigui, qui galvanisait ses coéquipiers après la réduction du score par les Scorpions. C’est lui qui d’un signe de rage de vaincre disait aux autres de tenir bon, et que rien n’était perdu. Quels sont les non-dits de cette finale ? Pourquoi Abdoulaye Diallo a transféré au Djoliba AC ? Qu’est-il devenu après sa retraite ? L’enfant du quartier populaire de Khasso dans un français facile nous a accordés une interview, pour tout détailler. Le contexte environnemental incarne la rubrique « Que sont-ils devenus ? »
bdoulaye Diallo mesure 1 m 95 pour 90 kg. Véritable armoire à glace, sa technicité était supportée par une polyvalence avérée. Hormis le poste de gardien, il jouait à tous les postes. Son autre facette rappelle un de ses cadets, Alou Badara Sidibé, ancien international du Djoliba. Ils ont pratiquement le même gabarit et les mêmes atouts. Ils ont également le côté négatif de l’agressivité (quand il décide) sur l’adversaire, pour ensuite prendre un carton jaune ou rouge. Avec la déliquescence du football malien, ces catégories de joueurs se raréfient dans notre championnat national. Hélas !
A Kayes, on l’appelle Gorgui pour avoir grandi à Dakar où son père servait. Doté d’un physique impressionnant, il est un athlète multidisciplinaire, et un des éléments clés de l’équipe du quartier Zone II, et de l’école du Centre évangélique américain. L’idolâtrie pour Salif Kéita le plonge dans un rêve dont la réalisation dépendrait de l’orientation donnée à sa vie.
Faudrait-il rappeler qu’il a surtout été séduit par Domingo lors d’un match des Aigles à Dakar auquel il a assisté avec son père. Sa famille retourne à Kayes en 1978, il rejoint l’équipe l’Espoir du Khasso. En même temps transféré au groupe scolaire B, les compétitions inter scolaires font découvrir un adolescent kayésien, et c’est en ces moments qu’il prit le sobriquet Gorgui.
Très jeune à l’époque Abdoulaye Diallo se donne le plaisir de pratiquer plusieurs disciplines sportives : football, basket-ball, hand-ball, volley-ball et même le judo les week-ends. Comment il gérait tout cela ? « Dans l’enfance on est presque un insouciant. Tout le temps est mis à profit pour se divertir. Le football dominant, je pratiquais les autres disciplines en fonction du besoin et de l’opportunité. Au Sénégal, j’ai appris les B.a.-ba de beaucoup de disciplines, donc même sans entraînements je pouvais tenir un match quelle que soit la discipline » soutient-il.
C’est en 1985 qu’il rejoint le Sigui de Kayes en tant que junior. L’année suivante en prélude aux matches directs de la Can, il est sélectionné en équipe nationale junior pour un stage bloqué de deux semaines à Bamako. Après cette mise au vert, Abdoulaye Diallo n’est pas retenu dans le groupe. Il fallait maintenant se faire un chemin au Sigui, ses performances dans les coupes inter-quartiers et scolaires lui permettent de relèver ce défi.
Avec ses camarades d’école du Groupe scolaire Khasso B, l’ossature de la redoutable équipe régionale se forme. Au bout d’un an, en 1987 elle remporte la Coupe du Mali. Ce fut le début d’une campagne africaine pour le Sigui de Kayes. Mieux Abdoulaye Diallo est sélectionné en équipe nationale à trois reprises par Kidian Diallo. Une fois de plus nous parlons des coulisses de cet exploit kayésien.
Secrets et non-dits
Quel a été le facteur déterminant de la victoire ? Les récompenses ? Les non-dits ? L’enfant du Khasso donne sa part de vérité. « Le secret de notre victoire en 1987 résidait dans le mental et la cohésion du groupe. Il fallait changer le cours de l’histoire. Parce que jusque-là la Coupe du Mali était l’apanage des seuls clubs de Bamako. Sinon il n’y avait pas de promesses proprement dites ».
Pour ce qui est des non-dits de ce sacre du Sigui de Kayes, il ressort des explications d’Abdoulaye Diallo que cela a été une désolation totale. Autrement dit les joueurs n’ont pas reçu de fortes récompenses. Même les motos de marque CT étaient en nombre insuffisant. Donc les dirigeants de l’équipe et le gouvernorat ont mis du temps avant de gérer ce goulot d’étranglement, pour ensuite les distribuer.
Est-ce l’une des raisons qui ont motivé son transfert au Djoliba AC en 1991 ? Non pas du tout, dit-il. Il avait beaucoup d’estime pour le club en question, pour la qualité de son jeu. C’est surtout l’insistance de son ami Moussa Koné qui l’a convaincu. Parce que des dirigeants du Djoliba avaient également des ambitions pour son transfert. Dans la famille Rouge il n’a pas dépassé une saison. Pas parce qu’il n’a pu s’imposer. Mais seulement le président du Sigui a mis la pression.
Sur ce point précis il n’a pas voulu expliquer ce qui s’est réellement passé, pour que ce feuilleton soit à présent un très mauvais souvenir. Les engagements n’auraient pas été respectés.
La conséquence ? Sa carrière en a pris un sérieux coup. A la fin de la saison 1994-1995, il prend sa retraite, parce que beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Autrement dit, s’il a la satisfaction morale d’un exploit historique, sa carrière d’autre part n’a pas produit les retombées de son talent. C’est au Djoliba qu’il pouvait atteindre le haut niveau et pourquoi pas un contrat. Et à l’analyse de toutes ces péripéties, Abdoulaye Diallo se retire du football.
D’ailleurs il n’était pas le seul, presque toute sa génération restée au Sigui avait commencé à casser le rythme des entraînements. D’autres jeunes commençaient à prendre la relève. Mais quand l’entraîneur feu Molobaly Sissoko a pris les rênes du Sigui, il est allé chercher tous ces anciens pour redonner à l’équipe son second souffle. Avaient-ils la volonté de continuer ? Ce qui est évident Abdoulaye Diallo ne jouera qu’un seul match de Coupe du Mali contre le Nianan de Koulikoro.
Après cette retraite, il est recruté par une société de gardiennage. De là il décroche un emploi plus intéressant dans la mine d’or de Sadiola. Aujourd’hui, il savoure son repos avec sa famille à Kayes. Abdoulaye Diallo est marié et père de six enfants. Dans la vie, il aime le partage, l’entente, le respect. Il déteste la trahison, la méchanceté.
Cependant la problématique du Sigui de Kayes se pose. Son sacre de 1987 qui aurait pu être un déclic, est seulement écrit en lettres d’or dans les annales du football malien. L’équipe de la Cité des Rails de plus en plus est tombée en disgrâce, jusqu’à se perdre aujourd’hui dans les ténèbres de la deuxième division. Quelle explication ? Est-ce le transfert précipité de certains ténors vers des clubs de Bamako ?
Est-ce le manque de bonne politique ? Abdoulaye Diallo soutient plutôt que la chute du Sigui de Kayes est liée à la carence de l’encadrement technique parce que sa méthode de travail contribue à couper la chaine. Pour lui, il faut toujours une réserve de jeunes dans un centre de formation, tout en maintenant l’ossature.
L’enfant du Khasso regrette que les dirigeants se servent de l’équipe pour siéger à la Ligue où à la Fédération.
O. Roger
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