Massambou Wélé Diallo dit « Le Maestro » : Le grand manitou de la musique malienne

Les techniciens et animateurs de radios soutiennent que la musique est comme de la drogue. Elle endoctrine l’esprit, le fait voyager et constitue un remède pour oublier les soucis. Quel que soit le genre musical, chacun trouve son compte. Cette diversité fait d’ailleurs sa beauté. Nos parents ne nous interdisaient-ils pas dans l’adolescence d’épouser la musique au risque d’impacter nos études. Mais les raisons de l’opposition du père de notre héros de la semaine, Massambou Wélé Diallo étaient tout autre. Son paternel ne comprenait pas comment un Peul, de surcroît un Toucouleur pouvait aimer la musique   au détriment de la bergerie, la médecine vétérinaire. Massambou était l’exception de sa famille. Un fait qu’il n’a pas accepté, il le chassa de sa maison. Il a fallu l’intervention de ses amis pour qu’il revienne sur sa décision. Ce jour le papa ignorait totalement que c’est la musique qui fera la vie de son enfant dans l’avenir. Cela s’est effectivement produit. De quelle manière ? Heureusement que la rubrique « Que sont-ils devenus » a rencontré Massambou Wélé Diallo pour savoir les tenants et les aboutissants qui ont lié la clef de sa vie à la musique. Le maestro nous a conduits dans la salle de répétition de l’Institut national des arts (INA), une autre façon de nous démontrer  son attachement à la musique.

a carrière de Massambou Wélé Diallo débute en 1964. Il venait de terminer ses études au Centre de formation pédagogique, donc prédestiné à enseigner. Ses premières années dans l’enseignement le conduisent dans la région de Sikasso : d’abord à Blendio (1964-1967), puis à Madina Kouroulamini (dans le cercle de Bougouni, 1967-1969) et Bougouni ville (1969- 1973).

C’est au cours de cette dernière affectation qu’il valorise sa passion pour la musique,  avec la création de l’orchestre locale : le Super Mono Band. Sa maîtrise de différents instruments,  son engagement et sa promptitude à  motiver ses camarades font de lui du coup le chef d’orchestre. Ce groupe musical a représenté la 3e région lors des Biennales de 1970, 1972.

Pour sa mutation en 1973 au lycée Technique comme surveillant général, Joseph Mara (ministre de la Justice à l’époque) s’est beaucoup impliqué.  De là il demande la même année une affectation à l’Institut national des arts (INA) pour poser les jalons de son ambition sur le plan musical.

Parallèlement à ses fonctions de surveillant général adjoint de l’INA, il suit des cours et obtient le diplôme. Ce qui lui confère le statut de chef de section musique, et professeur permanent à l’INA. Un tremplin qui lui ouvre les portes des études supérieures à l’Institut supérieur des arts (ISAH) de La Havane, à Cuba.

Comment cette opportunité s’est présentée ? Emerveillé par le savoir-faire et la dextérité  artistique de Massambou, le ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture à l’époque, Alpha Oumar Konaré lui confie une mission. Il s’agissait, pour le maestro, de monter une chorale pour l’ouverture de la Biennale de 1980. Il cajole trois cent  jeunes adolescents du district de Bamako, pour relever ce défi. La réussite de ce grand rendez-vous de la jeunesse malienne est naturellement à l’actif du ministère de tutelle.

Sollicitations

Alpha Oumar propose à Massambou Wélé Diallo deux bourses sur l’Allemagne et Cuba. Son choix pour l’ISAH s’explique par la proximité des musiques africaine et cubaine. Cette autre épreuve marque également une des belles faces de sa vie. Il revient sur son séjour cubain. « J’ai apporté avec moi à Cuba une kora, juste pour occuper mes temps libres. Cet instrument a impressionné les Cubains, qui certainement ne le connaissaient pas. De fil en aiguille mon nom a miné le terrain, j’étais tout le temps invité les week-ends pour agrémenter les soirées. Cuba est un pays socialiste, c’est-à-dire tu sers l’Etat, et l’Etat s’occupe de toi. Donc je n’avais pas de retombées conséquentes. Logé dans les grands hôtels, avoir une notoriété suffisaient-ils ? Je n’avais pas le choix, sans oublier que je trouvais du plaisir à ces prestations. La musique étant ma passion. Le revers de la médaille est que mes études ont failli prendre un sérieux coup. Finalement, l’université s’est opposée à ce mercenariat, et j’ai pu terminer mon cursus universitaire. Mais je suis resté sept mois après avoir soutenu, à cause des prestations dans les grandes villes  de Cuba. Il a fallu la vive colère du ministre cubain de la Culture pour que je rejoigne le Mali. Cuba est un pays bien administré. Donc on s’est vite rendu compte qu’un étudiant étranger n’a pas quitté la Havane. L’université a été mise en demeure d’organiser mon retour ».

Massambou Wélé Diallo rejoint le Mali en février 1987. Le temps de quelques semaines de repos, il est de nouveau nommé chef de section musique à l’INA, et chargé de cours comme d’habitude. Au bout de trois ans, il est propulsé au poste de directeur technique de l’Ensemble instrumental du Mali. Une promotion qui finit par produire l’effet contraire, pour la simple raison qu’il demande à quitter une année seulement après son arrivée. Selon lui, le comportement des artistes était incompatible à ses principes et aux orientations qu’il avait reçues pour donner un second souffle à ce joyau artistique national. En attendant que sa demande ne fasse tout le circuit administratif, Massambou recommence ses cours à l’INA. Pour lui cette histoire était close, mais que non. Les artistes de l’Ensemble instrumental du Mali opteront pour un plan B qui prit la direction de l’INA et leur directeur artistique au dépourvu. Comment ?

Après avoir échoué au ministère où on leur signifia que le dernier mot revient à Massambou, les artistes effectuent une descente à l’INA avec tout leur arsenal, pour une animation des grands jours.

Le directeur de l’école, stupéfait, n’a rien compris au prime à bord. Informé de la situation, il s’associe aux visiteurs pour convaincre Massambou Wélé Diallo de revoir sa position, tout en lui promettant ses cours à l’INA. Les artistes se réjouissent du retour de leur directeur artistique.

Ce récit très amusant nous a servi de brèche pour lui demander les raisons de la création de l’Ensemble instrumental du Mali. Selon M. Diallo, cette création est consécutive à un voyage de feu le président Modibo Kéïta.

Lors de son voyage en Guinée-Conakry, il fut émerveillé par les instruments traditionnels à la faveur d’une soirée récréative organisée en son honneur par son homologue guinéen, feu le président Sékou Touré.

Sans relâche

A son retour, il instruit au ministre de la Culture de créer l’Ensemble instrumental du Mali.  C’est ainsi qu’un test est organisé entre les artistes, pour choisir les meilleurs.  Les semaines régionales de la jeunesse sont mises à profit pour le renforcer. Voilà comment le groupe est devenu mixte. C’est dans le même sillage que les Ballets Maliens ont vu le jour. Malheureusement aujourd’hui l’Ensemble instrumental connaît une hibernation au fil des années.

Pourquoi ? Massambou explique : « La disgrâce trouve son origine au départ volontaire à la retraite anticipée. Des artistes qui n’avaient pas 75 000 FCFA par mois se retrouvent à un million cinq cent mille. Cela va de soi qu’ils sautent sur l’occasion avec une pluie de projets. Malheureusement, cela fût un échec.  Cette politique a été un couteau à double tranchant.

C’est-à-dire d’une part l’Ensemble instrumental du Mali à saigné, d’autre part les partants volontaires à la retraite ont échoué dans leurs projets. Donc une double perte aux conséquences artistiques incalculables ».

Le maestro aura passé quatorze ans à l’Ensemble instrumental du Mali (1990-2004). Une période durant laquelle le groupe a animé des soirées devant les grandes personnalités. Un autre bébé venait de voir le jour : le Conservatoire des arts métiers  multimédia Balla Fasséké Kouyaté. Massambou Wélé Diallo est sollicité pour diriger le département musique. Il prend sa retraite six ans plus tard (2010). Comment laisser partir un cadre dont les compétences peuvent encore servir l’Etat ? L’administration signe un contrat pour formaliser ses prestations aux trois niveaux : l’encadrement de l’Ensemble instrumental,  les cours à l’INA et au Conservatoire.

Après quelques années, il dit avoir ressenti la fatigue avec les répétitions et les grandes réceptions. Avec l’âge la pression n’est pas propice. Il se contente seulement des cours à l’INA et au Conservatoire. L’homme est aujourd’hui âgé de 78 ans. Marié, il est père de six enfants.

Le seul mauvais souvenir qu’il retient est la non-reconnaissance de l’Etat envers ses valeureux fils. Son passage à Bougouni quand il dirigeait l’orchestre, le Super Mono Band, la confiance  du ministre Alpha Oumar Konaré  placée en lui, et son séjour à Cuba sont ses bons souvenirs.

Au moment où le maestro nous accompagne dans la cour, nous apercevons un groupe d’élèves sous l’arbre. A la vue de leurs professeurs, ils se dressent tous ensemble pour un salut digne à son rang. Alors question à eux adressée : Quels commentaires faites sur votre Monsieur? Qu’est-ce qu’il représente pour vous ?  « C’est un professeur exemplaire,  un bon père de famille, un grand père extraordinaire.  Il représente de l’or pour nous. Parce que nous reconnaissons sa valeur ».

Le maestro dans un sourire de satisfaction leur dira merci, et nous donna chaleureusement au revoir sous une pluie de bénédictions et de remerciements.

O. Roger

Tél (00223) 63 88 24 23

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