La problématique de la présence des forces internationales au Mali était le thème du débat de l’émission « Questions d’actualité » de l’Ortm du dimanche 20 octobre 2019. Les représentants de Barkhane, de la Minusma, du G5 Sahel et des Famas, respectivement le Général de brigade Damien De Marsac (représentant de la force Barkhane), le Général de brigade Mamary Camara (Commandant adjoint de la Force conjointe du G5 Sahel), Bruno MPondo Epo (directeur des Affaires politiques de la Minusma), le Général Paul N’Diaye (Commandant adjoint de la Force Minusma) et le Colonel major Félix Diallo (Sous chef d’état major des Armées) étaient les invités de Sidiki Dembélé pour apporter des éclairages sur le rôle, les missions et le sens de la présence des forces internationales au Mali. Selon Bruno MPondo Epo, la Minusma est venue aider le Mali à travailler pour la cohésion sociale et non pour aider le Mali à faire la guerre.
Sur la question de ce qui a changé de la mission de l’opération Serval devenue par la suite Barkhane au Mali, le Général de brigade Damien De Marsac (le représentant de la force Barkhane) a indiqué que les Forces Barkhane sont présentes au Mali à la demande de l’Etat malien, un Etat souverain. « Ce n’est pas la France qui a décidé de s’engager au Mali. Les forces françaises sont au Mali pour répondre à la demande faite par le président du Mali de l’époque. C’est ainsi que l’opération Serval est intervenue et Barkhane a pris le relais par la suite. Pour situer la force Barkhane dans un cadre général, depuis 2012, à chaque fois qu’une résolution est votée aux Nations Unies sur la question de Barkhane et les autres forces présentes au Mali, il n’y a jamais eu ni opposition ni abstention. Ce qui témoigne bien que les forces partenaires du Mali ont une vraie légitimité sur le plan international », a-t-il précisé.
Sur la mission Barkhane au Mali, il dira que c’est une mission pour lutter contre le terrorisme, appuyer les partenaires maliens, la force conjointe du G5 Sahel, la Minusma, dans les domaines de la formation, de l’équipement. « Nous avons aidé les forces armées du Mali à reprendre le poste de Boulkessy. Ce qui est une forme d’aide que nous avons fait au profit de l’Armée malienne », a-t-il cité comme exemple de partenariat. Comme 3e volet du partenariat, il a mentionné le soutien à la population malienne, à l’Accord de paix. Il a dit que Barkhane n’est pas que la France. Cette force évolue avec des forces d’autres pays comme l’Espagne, l’Estonie et d’autres pays. Le Général de brigade Damien De Marsac a dit que l’opération Serval a été une réussite car elle était une opération dynamique. « La mission Barkhane est plus complexe, délicate et un peu moins bonne que Serval. Elle est centrée sur une bonne partie du territoire malien », a-t-il confié.
Bruno MPondo Epo (Directeur des affaires politiques de la Minusma) : « La Minusma n’est pas au Mali pour combattre »
Sur les missions de la Minusma, Bruno MPondo Epo (directeur des Affaires politiques de la Minusma) précisera que la Minusma n’est pas au Mali pour combattre. Il dira qu’à l’intérieur de la Minusma, il y a plusieurs missions. « La Minusma n’est pas une force. La Minusma n’est pas au Mali pour combattre. La force est une des composantes de la mission de la Minusma. Au sein de la Minusma, il y a une fonction politique qui est très importante comme l’assistance au gouvernement malien dans l’organisation des élections, l’appui à l’instauration de l’Etat de droit de l’Homme, accompagnement du développement, accompagnement de la mise sur pieds des Forces armées maliennes (Famas), accompagnement des élections, de la justice. La Minusma a une mission de restauration de l’Etat du Mali. La question de stabilisation, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et l’engagement de la Minusma aux côtés du gouvernement malien dans la stabilisation de la situation dans le Centre du pays. Ce sont autant de missions qui n’ont rien à voir avec la force. Nous avons la force qui accompagne la mission générale de la Minusma. Et cette force a un rôle très spécifique. Avec l’effectif que nous avons, nous arriverons un jour à la fin de nos missions », a-t-il expliqué.
Général Paul N’Diaye (Commandant adjoint de la Force Minusma) : « La mission de la force de la Minusma est de surveiller, protéger et appuyer »
Le Général Paul N’Diaye (Commandant adjoint de la Force Minusma) signalera que la force de la Minusma est essentielle constituée des pays voisins (Sénégal, Burkina Faso, Togo) qui sont venus aider leur pays frère du Mali à sortir des difficultés. « La mission de la Minusma, c’est surveiller, protéger et appuyer. Surveiller, c’est l’application du cessez-le-feu. Quand on contrôle un cessez-le-feu, on peut être appelé à combattre à toutes fins utiles. Protéger, il s’agit de la protection des populations qui sont dans une situation de danger imminent. Cela aussi peut nous amener à combattre pour protéger ces populations. Appuyer, c’est aider l’Etat malien dans la mise en œuvre de la stabilisation de son territoire et la stabilisation du Centre », a-t-il souligné.
Intervenant sur le G5 Sahel, le Général de brigade Mamary Camara (Commandant adjoint de la Force conjointe du G5 Sahel) a rappelé que cette force sera constituée de 5 000 hommes constitués de contingents venant des 5 Etats membres qui sont le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et la
Mauritanie et dont 80 % sont sur place. « Créée en 2014, cette force conjointe qui a une composante police, a pour mission de combattre le terrorisme, le crime organisé transfrontalier et les trafics dans une zone d’opération discontinue divisée en 3 fuseaux distants chacun de 50 km des lignes frontalières Niger- Tchad à l’Est, Mali-Burkina-Niger-Mali au Centre, Mali-Mauritanie à l’Ouest. Il est important de souligner que cette force approuvée par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine endossée par la Résolution 2959 du 21 janvier 2017 du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est dans ce contexte que les contingents qui se sont regroupés sont en train d’agir », a-t-il fait savoir.
Concernant les frappes des terroristes sur les continents du G5 Sahel, le Général dira les opérations militaires ont leurs aléas et qu’ils sont en train de tirer les leçons des deux ans d’existence du G5 Sahel pour intensifier les opérations. C’est dans ce cadre qu’à la frontière Niger-Tchad il y a eu des offensives qui ont permis de démanteler des caches d’armes et d’interpeller des trafiquants d’armes qui venaient approvisionner des terroristes à la frontière Mali-Burkina Faso.
Parlant de la collaboration des Forces internationales avec les Forces armées maliennes (Famas), le Colonel major Félix Diallo (Sous chef d’état major des Armées) a fait ressortir en trois points la mission des Famas. La 1ère mission est de sécuriser le territoire national. La 2e mission est de soutenir la mise en œuvre de l’Accord de paix. Et la 3e mission est de lutter contre les groupes armés terroristes, stopper l’avancée de l’extrémisme violent vers le Sud du Mali. Pour cela, a-t-il expliqué, aux mois de janvier et février 2019, il y a une décision du président de la République qui institue un théâtre appelé « Théâtre Dambé » pour la mise en œuvre de l’Accord dans les régions administratives de Gao, de Kidal, de Ménaka et la lutte contre les groupes terroristes dans les régions administratives de Sévaré, Ségou, Tombouctou, Taoudénit. C’est à ce titre que les Formes armées du Mali travaillent avec les différents partenaires. Et ce partenariat, à ses dires, se passe bien et permet d’unir les différentes forces pour parvenir à bout des terroristes.
Les appréciations des Maliens
Interrogés, des Maliens ont différemment apprécié la présence des forces internationales au Mali. Certains ne comprennent le sens de la présence de ces forces au Mali. « Malgré que Barkhane, Minusma, G5 Sahel soient au Mali, il y a des attaques terroristes, de braquages, des enlèvements. Nous ignorons pourquoi ces forces ne se battent avec les terroristes. Quelle est l’utilité de ces forces ? Elles sont au Mali pour se promener et sans réagir. Les populations ne peuvent pas comprendre que toutes ces forces soient au Mali et que, chaque jour, nous assistons à des attaques des Forces armées du Mali. Ces forces ont tous les moyens pour savoir ce qui se passe sur le territoire malien. Ce qui veut dire que si elles veulent, elles peuvent bien sortir les Maliens de cette situation. Mais malheureusement, elles ne jouent leur rôle. Elles sont au Mali pour autre chose que les Maliens ignorent. Si elles sont au Mali pour aider les Maliens, elles doivent travailler dans ce sens. Au lieu de rester les bras croisés, elles doivent, avec les Famas, aller à la recherche des terroristes et les combattre. A part l’opération Serval, aucune autre force n’a fait quelque chose de concret qui puisse apporter la sécurité au Mali. La Minusma doit aller au-delà de sa mission d’interposition, une force de maintien de paix. Elle doit être une force d’action contre le terrorisme », ont dénoncé certains Maliens. Par contre, d’autres pensent que la présence des forces étrangères au Mali a des impacts sur la sécurité des Maliens.
Les assurances des différentes forces
Que peuvent faire ces forces étrangères pour redonner confiance aux Maliens ? Le Général de brigade Damien De Marsac (représentant de la force Barkhane) pense que certains Maliens, à partir de Bamako, ne peuvent pas mieux voir et apprécier la lutte antiterroriste qui se passe dans le Liptako et dans le Gourma. « Il n’y a pas un jour qui passe où Barkhane ne traque pas un terroriste. Nous les cherchons même « dans les toilettes ». Nous communiquons autour de ça. Mais la nature humaine fait qu’on ne retient que les mauvaises nouvelles. L’attaque de Boulkessy était terrible. Nous avons porté des coups au groupe terroriste à travers la force conjointe. Il y a des bilans de l’action de lutte contre le terrorisme. Nous aidons aussi nos partenaires les Famas à s’entraîner, à combattre. Les Famas sont aux côtés de Barkhane dans toutes ses opérations. Nous faisons tout ensemble. Et Barkhane va continuer à appuyer les Famas », a-t-il promis.
Le représentant de la Minusma dira qu’il a compris la colère des Maliens par rapport à la présence de leurs forces au Mali. Bruno MPondo Epo (Directeur des affaires politiques de la Minusma) affirmera qu’une opération de maintien de la paix est une opération politique et diplomatique. « Lorsque le Mali a demandé aux Nations unies le déploiement de la Minusma, c’était pour accompagner les efforts du gouvernement du Mali et des mouvements armés qui combattaient le gouvernement du Mali à restaurer la paix et la sécurité. Lorsque nous avons déployés nos effectifs, nous l’avons fait avec une grande composante civile. Il y avait 14 000 hommes en tenue dont les fonctions ne représentent que 20 % de la mission de la Minusma qui agit en sorte que la confiance soit rétablie entre les différents belligérants. Avec la Minusma, il n’y a plus d’affrontement entre le gouvernement du Mali et les mouvements armés depuis 2015. Avec la Minusma, il y a aujourd’hui 1006 ex-combattants intégrés au sein des Famas. Il y a 345 qui sont actuellement en formation et qui seront également intégrés. La Minusma, c’est aussi la reconstitution du tissu judiciaire avec la formation des magistrats, la formation des agents des opérations électorales. Nous sommes venus aider le Mali à travailler pour la cohésion sociale. Nous ne sommes pas venus aider le Mali à faire la guerre. La Minusma assiste les Famas dans les combats », a-t-il dit.
Et le Général Paul N’Diaye (Commandant adjoint de la Force Minusma) de préciser que la Minusma est en train de produire des opérations avec 13 000 hommes (policiers et gendarmes) dans les localités de Kidal, Gao, Tombouctou et au Centre à Mopti et assurer la mise en œuvre de l’Accord en faisant respecter le cessez-le-feu et à sécuriser les populations. Toutes ces opérations, selon lui, sont faites de concert avec les Famas et permettra à court ou moyen termes de stabiliser le Mali.
Le Colonel major Félix Diallo (Sous chef d’état major des Armées) a dit qu’il comprend cette colère des populations du Nord du Mali. Il a expliqué cette colère par un déficit de communication. Il a reconnu que les Famas travaillent avec Barkhane au Nord du Mali et avec la Minusma dans le Centre du pays. A ses dires, 3 000 hommes sont engagés dans le Centre du Mali. Ce qui a amené une accalmie au Centre. « C’est vrai que nous ne communiquons pas assez. Mais des efforts sont en train d’être faits, des opérations sont menées. A Boulkessy, il y a une reprise des attaques contre les groupes terroristes. Ce qui a permis de neutraliser 4 terroristes, blessé 1. Parmi ces terroristes, il y a des femmes. Dans le Liptako Gourma, il y a des résultats avec des neutralisations et des arrestations. Il y a des opérations en cours dans la partie Ouest du Mali où des terroristes sont signalés. Au niveau de Gao, il y a eu interpellation des leaders de groupes armés par la gendarmerie. C’est pour dire qu’il y a des résultats dans la lutte contre le terrorisme qui ne sont pas portés à la connaissance des populations. Cela est une stratégie militaire. Il est très important que les Famas, Barkhane et la Minusma continuent à travailler ensemble. Je rassure les populations qu’il est important que nous allions dans le même sens. Et les Famas ont plus que besoin de la détermination et du soutien des populations parce que si jamais nous continuons à ne pas parler le même langage, nous ferons la publicité des terroristes », a-t-il développé.
Le Général de brigade Mamary Camara (Commandant adjoint de la Force conjointe du G5 Sahel) a dit comprendre l’exaspération des populations qui ont besoin de sécurité. Il a reconnu que le G5 Sahel a plus de problème dans le fuseau Centre où se trouve la concentration des groupes terroristes. Il a tenu à rassurer que les soldats du G5 Sahel travaillent nuit et jour. « Pour mieux cerner l’effort que les contingents du G5 Sahel fournissent, il est bon de rappeler nos zones d’opération. Nous travaillons dans les bandes des frontières où il est interdit la libre circulation. Mais nous faisons les missions qui nous sont confiées. Et il y a des bilans », a-t-il souligné.