LE DIRECTEUR GENERAL DE LA PROTECTION CIVILE, LE COLONEL-MAJOR SEYDOU DOUMBIA : « 80 éléments de la protection civile ont été formés pour faire face au Covid 19 »

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Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus communément appelée le Covid-19, nous avons tendu notre micro au directeur général de la Protection civile, le Colonel-major Seydou Doumbia, afin qu’il nous explique les différentes actions menées par ses services en appui au ministère de la Santé.

Aujourd’hui-Mali : Quelles sont les différentes actions entreprises au quotidien dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19 ?

Le Colonel-major Seydou Doumbia : Nous avons fait des actions majeures qui concourent à la lutte contre la pandémie coronavirus, notamment l’appui à la santé et les opérations de désinfection des lieux de regroupement des populations. Par rapport à l’appui à la santé, depuis que nous avons eu les échos de cette maladie, avant même qu’elle ne soit déclarée au Mali, la Protection civile avait pris certaines dispositions.

D’abord, nous avons approché la Direction nationale de la Santé pour que nos personnels soient formés parce que nous savons que nous avons une mission d’assistance et de secours aux populations. Cette formation visait à protéger nos propres éléments pour qu’ils sachent quelles conduites tenir désormais parce qu’un accidenté, une personne à secourir pour un cas ordinaire peuvent être dangereux car ils peuvent être infectés du coronavirus sans pourtant développer la maladie. C’est ce qu’on appelle les porteurs sains. Donc ils peuvent transmettre la maladie aux éléments chargés de leur évacuation.

Donc, même devant un accidenté ordinaire, nos éléments doivent savoir désormais qu’il y a une façon de le manipuler, de l’embarquer… avant l’arrivée à l’hôpital. Sinon, il peut constituer un facteur de contamination pour eux-mêmes. Le premier but de cette formation c’était de protéger nos propres éléments au cours de leurs différentes missions, quel que soit le type de secours qu’ils auront à apporter aux populations.

Le deuxième aspect de cette formation, c’était d’appuyer le ministère de la Santé parce que nous avons une certaine capacité en termes d’évacuation de personnes. Donc nous mettre au service du ministère de la Santé, à travers la Direction nationale de la Santé et les Directions régionales de la Santé pour les appuyer dans les cas éventuels d’évacuation de personnes vers les différents centres hospitaliers.

Au regard du degré de contagion possible de la maladie, cela nécessite une formation au même titre que les agents de santé lorsqu’ils procèdent à l’évacuation d’un cas suspect ou avéré. C’est ainsi que les premières formations ont concerné quatre de nos cadres sur la formation des formateurs. Dans la foulée, il y a eu d’autres formations. Aujourd’hui, nous sommes à près de 80 éléments de la Protection civile formés par le ministère de la Santé au même titre que les agents de santé, c’est-à-dire sur les modules : Comment s’habiller ? Comment porter les masques et les gants ? Comment se protéger et protéger la personne à évacuer pour qu’elle ne constitue pas une menace pour nos propres agents ? Comment décontaminer le véhicule qui a servi au transport ? Donc tout cela a fait l’objet d’une formation.

Dans la même veine, nous avons procédé également à la formation des formateurs. Les premières formations ont concerné les personnels de santé de la Protection civile toutes les catégories, notamment les médecins, infirmiers et techniciens de santé. Tout le monde a été formé dans un premier temps à Bamako.

Dans un deuxième temps, nous avons étendu la formation à d’autres personnels qui ne sont pas des personnels de santé parce que tous nos intervenants à bord des ambulances ne sont pas des agents de santé.

Aujourd’hui, comme nous avons procédé à la formation des formateurs, ceux-ci à leur tour sont en train de former les autres agents qui ne sont pas de la santé pour qu’ils aient les mêmes connaissances, les mêmes gestes à adopter, les mêmes pratiques à observer face à un cas suspect ou avéré qui doit être évacué. Aussi, nous avons instruit à tous les directeurs régionaux de la Protection civile d’approcher les Directions régionales de Santé de leur localité pour bénéficier des mêmes formations que ceux de Bamako. En cas de besoin ou de déficit de formation à ces niveaux ou lorsqu’une Direction régionale exprime le besoin, nous sommes en mesure d’envoyer quelques formateurs à partir de Bamako pour les appuyer.

Pour le moment, le besoin ne s’est pas fait sentir. Nous avons vu quelques formations dans les régions qui se sont déroulées au niveau des Directions régionales de la Santé à l’intention des agents de la Protection civile.

Depuis un certain temps, nous sommes préparés pour appuyer les services de santé dans l’évacuation des malades ou des suspects, tout en restant protégés.

La deuxième activité est relative à la désinfection des lieux publics. Depuis quelques jours nous sommes engagés dans une vaste opération de désinfection des lieux publics. Nous avons commencé par le grand marché, c’était le samedi 4 avril. Dans la foulée, nous avons pulvérisé le marché Dossolo Traoré de Medinacoura, le mardi 7 avril dernier. Aussi, nous avons désinfecté simultanément trois sites, notamment l’Auto-gare de Sogoniko, les Halles de Bamako et le marché de Sogoniko. C’est une opération qui va concerner tous les lieux publics du district de Bamako à savoir les marchés, les gares routières, les maisons d’arrêt.

 Précisons que cette opération s’effectue toujours en appui au ministère de la Santé parce que l’objectif visé, c’est de lutter contre le coronavirus.

Pour ce faire, nous avons l’appui de plusieurs autres services, notamment les forces de sécurité à travers la police nationale, la gendarmerie nationale, la garde nationale qui sécurisent le périmètre que nous pulvérisons. Nous avons aussi l’appui de la Minusma qui met certains moyens logistiques à disposition, notamment des véhicules d’intervention (engins incendie). Ce sont les mêmes véhicules de lutte contre l’incendie que nous utilisons pour pulvériser. Donc la Minusma nous appuie avec quelques véhicules d’intervention et quelques personnels. Les premières opérations, la Minusma nous a appuyé avec des intrants, c’est-à-dire les produits que nous mélangeons pour procéder à la désinfection. Mais le gros est effectué par le ministère de la Santé qui a mis suffisamment de produits à notre disposition. Avec ces produits, nous pensons pouvoir traiter tous les lieux de regroupement à travers la ville de Bamako.

Nous faisons ces opérations en concert avec les autres acteurs, notamment les mairies, la Chambre de commerce et d’industrie du Mali, la voirie, les transporteurs. Nous faisons des réunions avec ces acteurs afin de leur expliquer en quoi consiste cette opération. A leur tour, ils relaient l’information aux commerçants et aux transporteurs dont les lieux doivent être désinfectés pour que les opérations se déroulent dans les meilleures conditions possibles. Donc nous associons tout le monde, les éléments du ministère de la Santé, notamment la Direction nationale de la santé, la Direction régionale de la santé du district de Bamako. Le Coordinateur national de la lutte contre le coronavirus, le Pr Akory, est à nos côtés lors des différentes opérations. Il participe également aux réunions de planification pour donner des orientations.

Nous avons recensé 92 marchés à travers la ville de Bamako et 18 auto-gares qui doivent être désinfectés en plus des lieux de privation de liberté, c’est-à-dire la Maison centrale d’arrêt, le Centre de détention de Bolé, les commissariats, les brigades de gendarmerie, les camps, partout où les personnes sont détenues. Il y a aussi les artères principales de la ville de Bamako.

Donc c’est une très grande opération qui vient d’être engagée et qui doit se poursuivre dont l’acteur principal c’est bel et bien la Protection civile parce que nous avons les moyens logistiques, à savoir nos camions citernes, les camions de lutte contre l’incendie que nous utilisons à cet effet. Nous avons aussi du personnel parce qu’à chaque opération la Protection civile engage en moyenne 200 éléments. En plus des personnes qui sont dans les véhicules pour faire la pulvérisation, nous avons des personnels à pied portant les sous-pompes de manière ordinaire, les pulvérisateurs manuels qui entrent dans les recoins où les camions ne peuvent aller. Pour que lorsqu’on désinfecte un lieu il faut que vraiment tous les coins soient touchés. Et nous le savons avec les exploitants des sites.

Nous invitons les responsables des marchés à nous suivre dans cette opération pour éviter toute incompréhension ou tout incident. Nous procédons également à l’information au préalable à travers la diffusion des communiqués sur les antennes des radios et nous demandons également aux responsables des marchés et des auto-gares de passer l’information de bouche à oreille ou de porte à porte pour que tout le monde soit au même niveau d’information, comprenne la mission et participe à sa manière à la réussite de l’opération, c’est-à-dire ranger ses effets pour éviter à l’équipe de pulvérisateurs de rencontrer des difficultés particulières. Donc voilà un peu ces deux opérations.

L’opération de soutien continue. Nous avons procédé à beaucoup d’évacuations de malades ou de suspects de leur domicile vers les centres hospitaliers. Tout cela en collaboration avec les services de santé qui nous sollicitent à cet effet. Nous faisons même des évacuations de l’intérieur vers Bamako. Donc ce sont tous nos personnels et nos moyens qui sont engagés dans cette lutte contre le coronavirus.

Précisons que pour les véhicules, nous avons des ambulances médicalisées qui sont spécialement dédiées pour cette opération et qui ne sont pas utilisées pour les autres missions d’assistance et de secours. Nous avons dégagé un certain nombre de véhicules qui ne feront que des évacuations de cas suspects. Ceux-ci ne seront pas utilisés par exemple pour secourir un accidenté ou assister une autre personne.

Nous avons également mis en place un service de veille, 24 heures sur 24, prêt à intervenir et disponible à tout moment. En plus de tout cela, la Direction générale de la Protection civile assure le secrétariat permanent de la Plateforme nationale de réduction des risques de catastrophes. En fait, c’est le ministre de la Sécurité et de la Protection civile qui est le secrétaire permanent de cette plateforme et il a confié à la Direction générale de la Protection civile la tenue du secrétariat permanent.

Depuis bien avant que des cas ne soient détectés, dans ce rôle de secrétariat permanent, nous avons convié les membres de la plateforme nationale de réduction des risques de catastrophes à des réunions préparatoires parce que notre pays était encerclé par ce virus à travers nos pays limitrophes et c’est le Mali seul qui était, en un moment donné, épargné. Mais nous nous sommes dit qu’il sera difficile que notre pays échappe à cette pandémie donc nous ferions mieux de nous préparer. Nous avons pris le devant en invitant les membres de la plateforme en réunion. Nous avons échangé sur les différentes dispositions à prendre pour éviter que le virus ne pénètre au Mali ou alors au cas nous n’arrivons pas à éviter la maladie, voir comment nous allons amoindrir les effets.

Evidemment, lors de ces échanges c’est la Direction nationale de la santé, le directeur en personne et tout son staff qui ont briefé l’ensemble des membres de la plateforme sur le virus.

Au niveau de la plateforme, c’est la nature de la crise qui détermine la structure qui doit prendre le leadership. Comme la crise est d’ordre sanitaire, c’est le ministère de la Santé, à travers la Direction nationale de la Santé, qui dirige les activités au sein de la plateforme.

Au cours de ces échanges, nous avons élaboré des documents de sensibilisation un peu partout contenant des gestes à éviter, des gestes à accomplir. Par exemple : éviter de parler avec quelqu’un à moins d’un mètre sans masque, tousser dans les coudes et non dans les mains, se laver régulièrement les mains avec du savon. Tout cela est déduit du plan général d’action que le ministère de la Santé a élaboré et ce plan a été adopté par chaque structure en fonction de ses missions.

En ce qui nous concerne, la Protection civile, nous nous sommes adaptés en nous préparant aux missions d’évacuations en appui à la santé et aux missions de désinfection avec nos moyens logistiques. Et la plateforme continue cette mission au niveau du Centre de coordination et de gestion des crises.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées lors des différentes opérations ?

Comme toute opération, le début n’est pas facile. Par exemple, pour l’opération de désinfection du grand marché, nous avons constaté que beaucoup de tas d’ordures n’étaient pas encore enlevés. Ce qui fait que l’équipe de décontamination a été bloquée à certains endroits. Malgré tout, la mission s’est bien déroulée. Avec l’implication de la mairie, à travers la voirie et les gestionnaires du marché, cette difficulté a été levée. Et la mission qui a suivi, c’est-à-dire celle du marché Dossolo Traoré du Medinacoura, nous n’avons enregistré aucune difficulté car il n’y avait aucun tas d’ordures et rien ne nous a entravé dans l’accomplissement de cette mission. Aussi, malgré que nous ayons diffusé les communiqués relatifs à l’opération pendant 48 heures sur les antennes des radios, ainsi qu’à travers les responsables des différents sites, certains marchands ont estimé qu’ils n’ont pas été informés. Le plus important, c’est l’appréciation d’ensemble et nous pouvons dire que nous n’avons enregistré aucune difficulté majeure, à part celle des premières heures.

Aujourd’hui, nous avons fait la reconnaissance des trois sites que nous devons pulvériser, à savoir l’Auto-gare de Sogoniko, les Halles de Bamako et le marché de Sogoniko. A priori, après notre visite de terrain, il n’y avait pas de difficultés majeures qui devraient nous empêcher de réussir notre mission.

A Bamako, nous ne connaissons pas des difficultés d’évacuation, mais dans les régions nous connaissons ces difficultés parce que nous n’avons pas les mêmes capacités logistiques que Bamako. Bien que n’ayant pas les moyens logistiques que les unités de Bamako, celles des régions se débrouillent avec les moyens de bord. Les dispositions sont en cours pour améliorer cette situation. Sinon, avec l’appui mutuel entre les différentes unités, même si ce n’est pas la même région, nous arrivons à lever ces difficultés. Par exemple, lorsqu’une localité ne dispose pas de tous les moyens adéquats pour procéder à une opération, le responsable d’unité en fait la demande et nous déployons un engin d’une localité beaucoup plus proche.

Sinon, au besoin, nous pouvons décaler une équipe à Bamako pour aller secourir, si Bamako est la plus proche de l’unité. L’idéal serait que toutes les unités aient la même capacité opérationnelle, mais ce n’est pas forcément le cas. Nous pouvons dire qu’aucun cas ne soit resté sans être géré parce que la localité manque de moyens. Avec cet appui mutuel, nous arrivons à gérer tous les cas qui sont signalés au niveau de la Protection civile.

Toute la logistique en termes d’équipements n’est pas acquise pour le moment, mais c’est au cas par cas. Pour chaque opération, nous faisons une demande au niveau de la Direction nationale de la Santé qui met à disposition les masques et les gants. L’idéal serait que nous ayons notre stock pour qu’à chaque opération nous ne soyons pas obligés de courir derrière nos partenaires pour nous fournir en masques et en gants. Jusqu’ici, au cas par cas, nous arrivons à gérer. Comme nous sommes dans la gestion des cas car la maladie a déjà fait son apparition dans notre pays, nous avons souhaité que toute la logistique soit mise à notre disposition pour que nous n’ayons pas à demander chaque fois ceci ou cela pour procéder à ce qui nous revient de mission à exécuter. Une fois de plus, avec cette coordination, il n’y a pas eu de cas auquel nous avons été bloqués au point de ne pas pouvoir intervenir.

Votre mot de la fin ?

Il faut que les gens comprennent que tout ce que nous faisions bien avant cette maladie, nous continuons à le faire pour le bénéfice de la population. Nous partons pulvériser les lieux publics c’est pour assainir les lieux de regroupement des populations. Malheureusement, il y a toujours des petits grincements, mais avec les campagnes de sensibilisation nous comptons venir à bout de ces difficultés.

C’est pourquoi nous impliquons les premiers responsables de ces différents lieux pour qu’au-delà de l’information officielle que nous passons sur les antennes, qu’ils fassent l’information de proximité afin que les uns et les autres comprennent que c’est leur façon aussi de lutter contre le coronavirus en nettoyant devant sa boutique, en rangeant bien ses effets pour que l’équipe de pulvérisation puisse passer et assainir tout leur espace de travail.

Nous souhaitons que cet élan de solidarité, de cohésion et de lutte commune continue avec l’implication de tout le monde. Nous sommes convaincus que nous arriverons à bout de ce fléau. Que chacun, à son niveau, continue la sensibilisation sur le respect des mesures barrières qui nous permettra en plus des actions de pulvérisation de vaincre cette pandémie. Nous avons géré les autres crises auparavant et nous voyons que de crise en crise la coordination s’améliore et nous constatons de plus en plus l’implication de tous les acteurs. Ce qui constitue une très bonne chose.

     Réalisée par Boubacar PAÏTAO

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