Nous avons pu retrouver l’ancien international du Stade malien de Bamako, Mamadou Kanté, par l’intermédiaire de l’ex-entraîneur des Aigles, Amadou Pathé Vieux Diallo. En lui collant le sobriquet de renard des surfaces, on le comparerait tout simplement à des attaquants de talent comme Abdoulaye Koumaré dit Muller du Djoliba, Antoine Sah de l’AS Réal ou Mamady Cissé dit Tostao du Stade malien de Bamako. Mais à la différence de ceux-ci, Madou Kanté était tellement rapide qu’il créait une confusion terrible dans la tête des arbitres sur la position du hors-jeu. A la fin de la saison 2000, le titre de champion du Stade malien dépendait d’une victoire contre le Centre Salif Kéita. Ce jour-là, de façon éclaire, et en pleine foulée, il poussera un ballon au fond des filets du CSK. C’était l’explosion dans les tribunes. Il était hors-jeu, mais l’arbitre central a accordé le but. Il a fallu la vigilance de l’arbitre assistant, Dramane Danté, pour annuler le but. Malgré les protestations des Stadistes et les projectiles des supporters, le juge de touche n’a pas baissé son drapeau. Danté avait raison sur l’action, le joueur était hors-jeu. Pour tout dire, Madou Kanté était une terreur pour la défense adverse. Il n’était pas forcément le plus technique, mais il était l’un des plus talentueux de l’attaque des Blancs. Il était généralement le premier buteur ou le buteur décisif dans une rencontre. Souvent, c’était le doublé, voire le triplé à son actif. Il driblait moins. Pour lui, l’efficacité était l’objectif recherché. Chaque fois que Madou Kanté avait le ballon, c’était pour finir dans les filets adverses. C’est pourquoi il utilisait tous les moyens qu’il avait à sa disposition. La plupart du temps, c’était son pied droit. Il avait la frappe pure et sèche, mais aussi le coup de tête imparable. Chaque fois qu’il était dans les airs, la défense adverse paniquait. Les termes ne manquent pas pour décrire les qualités de Mamadou Kanté. Néanmoins, on retiendra qu’il avait ce talent qui lui a permis de tracer sa propre histoire malgré des zones de turbulences qui ont, à un moment donné, entravé son avenir, qui aurait pu être radieux, si et seulement si… Malgré tout, il se fixe un objectif : servir le football malien qui lui a tout donné. L’enfant de Lafiabougou revient sur une carrière mouvementée.
C’est à l’issue d’une coupe inter quartiers mise en jeu par Mamby Camara en 1997 (à l’époque président de l’AS Mandé de la Commune IV) que Madou Kanté et plusieurs jeunes de la Commune sont retenus pour renforcer l’effectif de l’AS Mandé. Cette politique des autorités a fait couler beaucoup d’encre et de salive parce que les clubs qui voulaient rejoindre l’élite ont été décapités. Mais le système était plus fort.
A l’AS Mandé, Madou Kanté ne passera que deux saisons (1997-1999). Le Stade malien, pour obtenir son transfert, va lui offrir 3 millions de F CFA, un véhicule et un terrain à usage d’habitation. Cela ne suffisait-il pas pour un jeune joueur d’une équipe communale qui, à la limite, cherchait le maintien ? La réponse va de soi.
Aux termes de sa première année au Stade, il décrochera un contrat avec le Zam?lek du Caire. Dans la capitale égyptienne, Madou Kanté ne se contentera que de matches amicaux parce que sa situation administrative n’était pas réglée. Finalement, cette première aventure à l’extérieur fut un fiasco, les deux parties n’ayant pu s’entendre sur les clauses contractuelles. Madou Kanté, le cœur meurtri rejoindra au bout de 6 mois le Stade malien de Bamako. Il reconnait avoir touché des salaires durant son séjour égyptien. C’était une façon pour les dirigeants du Zam?lek de maintenir le joueur dans l’expectative d’une issue heureuse des pourparlers qui n’aboutiront jamais. Ce premier coup d’essai, devenu par la suite un premier coup dur, sera malheureusement la première d’une série de déceptions.
Difficile de comprendre pourquoi la carrière de Mamadou Kanté n’a pas été rayonnante avec toutes ses qualités. Bien sûr que oui, il a réalisé un parcours plein de sensations et de rebondissements. Mais que de coups durs ! Que de déceptions ! Cependant, à aucun moment, il n’a perdu le moral, pour surmonter tous ces obstacles à ses intérêts et à sa carrière.
Pour aborder son échec à la Can-2002, Madou Kanté s’est rappelé que l’entraineur des Aigles, Henry Kasperzack, a manifesté son désarroi face à sa non-sélection. Ne connaissant pas l’effectif sur place, le coach français a placé sa confiance en des techniciens qu’il ne pouvait contrarier dans leur rapport final. Sinon, pour lui, Madou Kanté avait toutes les qualités pour figurer sur la liste définitive de la Can-2002.
Sur la question, seul Bassala Touré dit Kokè a indiqué sur le vif qu’il est incompréhensible que l’attaquant stadiste ne soit pas sélectionné. Pour expliquer cette situation qu’il qualifie de règlement de compte, l’ancien joueur du Stade malien de Bamako parle des retombées de ses titres de meilleur buteur et de joueur du championnat national. On lui aurait demandé des gratifications, ce qu’il a refusé.
Madou Kanté en a encore gros sur le cœur. Nous n’en dirons pas pays et évitons de remuer le couteau dans la plaie d’une injustice qui reste au travers de sa gorge.
Perdu dans ce cyclone de déceptions, il recevra une invitation du FC Levallois de la France, où à l’issue de deux matches amicaux, l’entraîneur du club est séduit par ses qualités. Mais problème ! Le test s’est déroulé en période hivernale, dont les principes interdisent toute conclusion de contrat. Autrement dit, les temps changent, est-ce que Madou Kanté qui vient de l’Afrique pourrait s’acclimater à l’avenir ? Bref, le coach du FC Levallois exprime son regret et promet de réchauffer le dossier au besoin.
Victime d’une guerre des clans
Déboussolé, l’ancien attaquant des Aigles, après quatre mois en France, retourne au Mali, pour conduire l’attaque stadiste, avec à la clef vingt un buts. Cette bonne ambiance qu’il a créée dans le cœur des supporteurs, sera également de courte durée.
L’arrivée du nouvel entraineur du Stade malien, Mohamed Polo, va faire basculer les choses. Un moment qui a coïncidé avec les brouilles entre les dirigeants du club, Mamadou Samaké dit Sam Diéma, Seydina Oumar Sow et Yéhia Ag. Accusé à tort d’être proche de ceux qui ont été qualifiés de frondeurs, il dit avoir payé ses relations avec Sow. Et l’entraîneur l’écartera. Il ne se contentait que des séances d’entrainement lorsque les dirigeants de l’Asfa Yennega du Burkina Faso sont venus le chercher pour donner un nouveau souffle à leur club.
Quelle a été l’issue de sa carrière ? Madou Kanté explique : « Les responsables de l’AS Yennega avaient des ambitions pour leur club. C’est ainsi qu’ils m’ont sollicité et nous sommes tombés d’accord. La prime de signature était de 20 millions de F CFA. En plus, j’avais un salaire mensuel d’un million de F CFA, un véhicule de service et une prime de victoire de 150 000 F CFA. J’ai qualifié l’équipe à la phase de poule de la Ligue des champions et décroché le titre de meilleur joueur étranger. A la fin de la saison, l’entraineur du club, un Suisse, et son homologue du Stade malien, Zermatten, ont négocié un contrat pour moi au FC Sion. Là j’ai passé trois saisons (2003 -2006) ».
En 2006, il se donnera un temps de repos et rejoindra son épouse en France et reprendre service avec le FC Levallois qui ne cherchait que le maintien. Un pari qu’il a gagné en six mois avec douze buts.
Entre-temps, il a décidé de mettre un terme à sa carrière pour terminer ses études d’entraîneur, en compagnie des Claude Makélélé, Bernard Djomed, Willy Sagnol, Rigobert Song, Alioune Cissé du Sénégal, Belmady de l’Algérie. Et depuis 2011, il est formateur des formateurs du FC Levallois. Ce qui fait qu’il ne ménage aucun effort pour aider ses compatriotes et anciens joueurs à passer leurs tests.
Avec le Stade malien, Madou Kanté a remporté deux Coupes du Mali (1999, 2001), deux titres de champion (2000, 2001), un doublé (2001).
Dans la vie, il déteste le mensonge, pendant que son crédo demeure le partage et le football.
L’homme est marié, père de trois enfants, dont une fille.
O. Roger