Que sont-ils devenus ? Kassim Touré : Footballeur, maire et homme de devoir

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Podium, le journal sportif national, au début de la saison 1987-1988, ne s’était pas trompé en pronostiquant l’avenir de deux jeunes joueurs. Il titrait en Une « Kassim Touré et Sidi Békaye Touré, peut être les deux futurs grands du football malien ». Les deux Touré, dans un match d’ouverture de la nouvelle saison entre le Djoliba et l’AS Réal, avaient en effet éclaboussé la rencontre de leur talent. Au-delà des prédictions de Podium, nous avons eu l’occasion de suivre les deux joueurs, et plus précisément Kassim Touré parce que dans notre adolescence, nous étions un abonné aux séances d’entraînement des clubs de Bamako. Du terrain du COB, actuel siège de la Bcéao au bord du fleuve, à Hamdallaye non loin de la représentation de l’Asecna où s’entraînait le Stade malien, en passant par le stade Mamadou Konaté, temple des Rouges, et le Rail-da non loin de l’immeuble Kolo à N’Tomikorobougou, antre de l’AS Réal… Nous avons donc suivi l’évolution de beaucoup de joueurs. C’est le cas de notre héros de la semaine, Kassim Touré, ancien international du Djoliba AC. Il fit ses débuts à l’Asec d’Ouolofobougou-Bolibana, avant de rejoindre le centre de formation des Rouges après un lever rideaux au stade Omnisports Modibo Kéita. Aly Koïta dit Faye a sollicité son transfert pour renforcer son effectif. La réalité était que, pour la première fois, un club de quartier avait mis en difficulté les cadets du Djoliba. Qui est ce joueur au talent incontestable ? Comment sa carrière s’est estompée ? Pourquoi il a migré dans la politique ? Sa vision sur l’homme politique malien ? Quel a été son apport pour la jeunesse de sa commune ? Kassim Touré, que notre confrère Mohamed Soumaré a surnommé « l’Egyptien », fait son apparition dans le temple de « Que sont-ils devenus ? »

Kassim Touré fut maire du centre d’état-civil du Badialan I de 2009 à 2016. Au sortir des dernières élections communales, et à la lumière des tendances dégagées entre l’Adéma et le RPM, il est aujourd’hui 3e adjoint au maire. Selon lui, un homme politique doit être social, disposé à écouter sa base, se mettre à son niveau, se préoccuper de sa population et surtout éviter de mépriser ses adversaires politiques.

Son ascension fulgurante en politique est-elle surprenante ? A notre humble avis, non. Et pour cause ! S’il est corollaire que la popularité d’un homme politique est le fruit de son bon comportement dans la cité, la réussite de Kassim Touré ne saurait être considérée comme un fait du hasard ou un incident du parcours.

Tous ceux qui l’ont connu, affirment qu’il est d’une gentillesse exceptionnelle. Pendant son séjour en France, Kassim a hébergé et aidé beaucoup de joueurs maliens en difficulté. A présent, il ressort de  nos investigations, qu’il  continue d’aider des jeunes de son quartier à décrocher un diplôme  ou un emploi.

Son immigration dans la politique pour militer dans le parti RPM est une reconnaissance à l’égard de l’ancien président Ibrahim Boubacar Kéita. Selon lui IBK passait régulièrement s’enquérir des nouvelles de sa mère, au moment où il implantait son parti dans les différentes communes du district de Bamako.

Briseur de mythe

Pour parler de Kassim Touré en tant que joueur, il faut retenir  qu’il était  très technique, savait manier le ballon à sa volonté. Sa première touche de balle déterminait sa forme et son degré d’engagement. Il ne trichait pas et savait prendre ses responsabilités dans les situations difficiles.

L’unanimité est établie autour de sa vivacité et de sa rage de vaincre. Son  groupe dans la famille des Rouges a la particularité d’avoir brisé un mythe.

Venu au Djoliba très jeune avec les Sangho Kamaguilé, Mamoutou Tolo, Amadou Bass, Issouf Pelé, Madou Tofo, il n’a pas trainé dans les catégories d’âge pour intégrer l’équipe senior. Ce qui jadis au Djoliba, relevait du miracle. En prenant comme point de mire les années 1970-1980, on relève qu’il n’était pas facile pour un jeunot d’émerger au Djoliba.

En plus de la qualité de l’effectif, le football djolibiste était surtout physique. De telle sorte que l’intégration des juniors n’était pas la priorité de l’entraîneur Karounga Kéita dit Kéké.

Le premier admis du centre de formation des Rouges fut le petit Moussa Koné. Celui-ci devra sa chance à l’équipe de l’AS BIAO, avec laquelle il a joué et brillé à la Coupe Corpo. Ensuite ce fut le tour des cadets cités plus haut. C’est à l’issue d’un match d’entraînement entre l’équipe A et les juniors que Kéké décida du transfert de Kassim Touré en équipe A, en plus de Mamoutou Tolo et d’Amadou Bass.

Durant la saison 1986-1987, il est abonné au banc de touche, avec des bouts de matches, des titularisations dans les rencontres sans enjeu. Kassim Touré saisira ces opportunités comme une perche, pas pour se sauver mais plutôt démontrer sa maturité. L’année suivante, il séduit dès l’ouverture de la saison et se crée une place de titulaire. En finale de la Coupe du Mali-1988, Kéké le jette d’emblée dans la bataille. Malheureusement, pour lui, le Stade malien s’imposera par 3 buts 1.

Pour sauver sa saison, il fallait deux victoires pour le Djoliba, contre le Stade malien et l’AS Réal de Bamako les semaines qui ont suivi sa débâcle en coupe du Mali. Au top de sa forme, Kassim a inscrit deux buts dans les rencontres et les Rouges devinrent champions du Mali pour la saison 1987-1988. Cette même année, il est sélectionné en équipe nationale séniore par l’entraîneur Kidian Diallo. De façon simultanée, il a évolué avec les deux formations nationales jusqu’à son départ pour la France.

Encore lors du match aller contre le Cameroun, juste après la Coupe du monde, il constituait un renfort en tant que joueur professionnel en compagnie d’Amadou Pathé Diallo, pour défier les Lions Indomptables à domicile. Il évoluait à l’époque à Châtres en France. Son départ pour une aventure française est consécutif aux éliminatoires de la Can des juniors contre l’Egypte à Bamako, victoire des Aiglons 2 buts à 0. C’est au cours de ce même match qu’il a été retenu par les dirigeants de Châteauroux.

Ceux-ci étaient à Bamako pour superviser un joueur égyptien. Les négociations sont allées très vite, et l’enfant d’Ouolofobougou Bolibana s’envolera pour la France la même année. C’est  de Châteauroux qu’il a rejoint ses camarades au Gabon, pour la finale-retour de la Can au Nigeria. Hélas, il ne jouera pas cette rencontre, à cause d’une déchirure musculaire. Kassim Touré retourne en France et signe quelques mois après à Châtres pour la saison 1989-1990.

Bourreau des juniors égyptiens

Titulaire à part entière, il convainc le monument d’Auxerre, Jean Marc Guilloux. Le technicien français  propose un test de quinze jours dans son club, avant de s’engager. A son deuxième tour à Châtres, il abandonne la décision du test, et commence directement les pourparlers avec les dirigeants du club et Kassim lui lui-même.

Un troisième rendez-vous est fixé pour conclure le contrat. Manque de pot : Kassim ne jouera pas à Auxerre !

En éliminatoire de la Coupe de France, il est victime d’une fracture du péroné du tibia et de ligament croisé au genou. Cette blessure mettra fin à sa carrière parce que le mal n’a pu être soigné pendant deux ans. Finalement, il tourne le dos au football, et entreprend autre chose en sa qualité d’aventurier. Il décroche un emploi d’agent commercial dans une société jusqu’en 1997. Date à laquelle Kassim Touré rejoint le bercail. La raison ? Sa mère, très âgée, réclamait sa présence à ses côtés. Voilà qu’une nouvelle vie va commencer pour l’ancien international du Djoliba. Il crée son entreprise de commerce général, « Touréla SARL ».

Aujourd’hui ses activités politiques ont pratiquement pris le dessus sur les business, surtout qu’il n’est pas aussi facile d’avoir un marché quand on n’a pas ses relations dans les rouages de l’administration malienne.

Notre confrère Mohamed Soumaré l’appelle l’Egyptien parce qu’il a refusé d’effectuer un voyage sur Le Caire. Pourquoi ?

En 1989, pour la rencontre retour des éliminatoires de la Can junior, contre l’Egypte, Kassim Touré n’a pas voulu effectuer le déplacement, malgré les assurances du ministre des Sports, Qu’est-ce qui s’est passé ? Au match-aller à Bamako, les Aiglons sont tombés sur une équipe forte égyptienne, à telle enseigne que pour la première fois dans la compétition, ils ont douté en un moment donné.

Finalement, ils se sont imposés par deux 2 à 0. Pour la petite histoire, de façon délibérée, Kassim Touré a contribué à fragiliser l’équipe arabe. Au niveau du rond-point central, il profita d’un duel aérien pour assommer le meneur adverse et joua au cinéma pour éviter le carton. Le joueur Hassan s’est levé, et finit par demander la sortie.

Quelques minutes après ce fut le tour du libéro, un colosse de 90 kg. Sur un corner Kassim lui a assené un coup de tête sur le nez, pour l’éliminer. Les Pharaons juniors sont handicapés par la sortie de deux éléments clés du système mis en place par leur entraineur.

A la fin du match, certains joueurs du banc de touche, ont brandi le Coran pour jurer qu’ils lui feront la peau au match retour. Face à cette menace il a fait part à l’encadrement technique de sa décision de ne pas effectuer le déplacement au péril de sa vie. Parce qu’en la matière les Arabes pour se venger sont sans état d’âme.

L’intervention du ministre des Sports ne changera pas sa décision. Heureusement que les Aiglons se sont qualifiés, malgré la défaite par trois buts à un.

Kassim Touré est marié et père de deux filles. Dans la vie, il aime le sport, la religion musulmane, et déteste le mensonge, l’égoïsme.

O. Roger

Tél (00223) 63 88 24 23

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