IBK parti, les auteurs du coup d’état sont désormais face à leurs responsabilités historiques pour démarrer un chantier titanesque de reconstruction nationale. Une chose est sure : l’euphorie des populations suite au départ du président IBK ressenti comme un soulagement va bientôt laisser la place au réalisme, à travers lequel les Maliens vont commencer à réclamer des comptes aux nouveaux dirigeants du Mali réunis au sein du Comité national de salut du peuple (Cnsp).
Après leurs premières déclarations, les auteurs du coup d’état annoncent la couleur. Il faut lutter contre la corruption qui gangrène l’Etat et annihile tout effort de développement. Surtout lorsque cette corruption atteint l’Armée et menace de saper le moral des troupes, si elle n’a pas commencé à le faire.
Il nous revient donc que l’audit des comptes publics sera effectué et la gestion de chaque responsable de l’Etat, où qu’il soit, sera scruté et gare aux voleurs à col blanc qui se sont enrichis sur le dos de l’Etat.
Il s’agit donc d’une véritable opération mains propres par laquelle les marchés afférents aux équipements militaires seront passés au peigne fin, ainsi que toutes les dépenses prétendument effectuées au nom des forces de défense et de sécurité.
A coup sûr, des découvertes inédites seront effectuées à travers les marchés publics scandaleux de fournitures de matériel et équipements militaires attribués à des revendeurs en détail de pièces détaches et matériels électroniques, transformés en peu de temps en des milliardaires pour avoir servi de prête-noms. Cependant, des mesures conservatoires doivent être prises pour éviter que les intéressés, devenus archi-riches pour avoir acheté des villas un peu partout à l’extérieur du Mali, ne prennent la poudre d’escampette.
Evidemment, la lutte contre la corruption est indissociable d’une distribution efficace de la justice pour désormais abolir l’impunité, ce terreau fertile de la corruption et la délinquance financière.
A ce niveau aussi, la junte est très attendue parce que beaucoup de dossiers, ouverts en son temps par le procureur en charge du Pôle économique et financier de Bamako, Kassogué, n’ont pas connu de suite à cause d’une certaine résistance du pouvoir d’IBK qui craignait de voir beaucoup de ses dignitaires tomber sous la coupe de Dame justice. Il ne faudrait donc pas que la lutte contre l’opération mains propres annoncée se résume à la condamnation de deux ou trois lampistes. Disons que le menu fretin ne doit pas payer à la place des gros poissons si la justice fonctionne comme souhaitée par la population.
Mais l’urgence du moment, c’est la question sécuritaire. Il serait impardonnable à des officiers supérieurs de ne pouvoir résoudre cette question qui est l’un des mobiles apparents du coup d’état contre IBK. Et les Maliens ruminent encore les mauvais souvenirs de 2012 où c’est avec la gestion du pays par la junte du capitaine Amadou Haya Sanogo que le Mali a failli disparaître en tant que nation. Tout le monde se rappelle encore que n’eût été l’action menée par la France à travers l’opération serval, peut-être que nous serions en ce moment tous barbus et en train de couper nos pantalons selon le modèle taliban, comme l’exigeaient les narco-djihadistes aux populations du nord du Mali, lors de la période sombre de l’occupation des obscurantistes.
L’Accord dit pour la paix, signé entre le régime IBK et les groupes armés du nord, devra être relu. Il ne sert à rien de s’entêter à s’accrocher à un texte inapplicable. Si réellement la communauté internationale qui dit vouloir aider le Mali est sincère dans ses déclarations d’intention, elle doit user de son influence pour ramener tout le monde à la table de négociation, en tenant compte des blocages et aberrations contenus dans le texte pour l’aménager dans l’intérêt de toutes les parties.
Que dire aussi de l’école malienne, de la santé, de l’économie ! Sans oublier le sport dont le football qui peine à se libérer de l’emprise d’une prise en otage à cause d’intérêts purement personnels. Même l’assurance-maladie obligatoire doit être passée au crible parce qu’un audit de la Canam ne serait pas une mauvaise décision du Cnsp.
Le foncier ? N’en parlons pas car c’est une bombe sociale à retardement. Une mafia adossée à de hauts placés du défunt régime ne faisait qu’exproprier des Maliens de leurs terres qu’ils occupaient ou exploitaient depuis parfois plus de 50 ans. La question foncière est l’une des grandes sources de frustration de la population.
En clair, tout est à revoir au Mali saccagé sous le régime IBK par des prédateurs boulimiques. Mais il faudrait, pour réussir la reconstruction du Mali, mettre en place des institutions solides, légales et légitimes. Ce qui passe par des réformes institutionnelles à faire adopter par une assemblée constituante, laquelle devra être mise en place de façon consensuelle, pour espérer assurer la représentativité de toutes les couches de la population du Mali et de toutes les parties du territoire.
En un mot comme en mille, c’est un vaste chantier qui se présente devant le Cnsp qui doit obligatoirement se faire accompagner par le monde politique, la société civile, les milieux d’affaires, les secteurs culturels et artistiques, le monde de l’éducation et les cercles religieux pour poser les bons actes attendus.
Amadou Bamba NIANG