PERFORMANCE DU SYSTEME DE MISE à DISPOSITION DES MéDICAMENTSAUX CLIENTS DE LA Pharmacie populaire du Mali (PPM) : 26 % des recommandations formulées par les vérificateurs entièrement mises en œuvre
Dans le cadre de ses missions de vérification, le Vérificateur général a initié une mission de suivi de la mise en œuvre des recommandations issues de la vérification de performance du système de mise à disposition des médicaments aux clients au cours des exercices 2015, 2016 et 2017, par la Pharmacie populaire du Mali (PPM). A l’issue de la vérification, seulement 26 % des recommandations ont été entièrement mises en œuvre.
Évoquant la pertinence de la mission, le rapport indique le Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP 2012-2017) du 28 décembre 2011 qui fait de la santé l’un de ses domaines de priorité dans l’objectif 11 : « Assurer à tous l’accès aux soins de santé de qualité ». Et d’ajouter que l’Objectif 3 du développement durable (ODD) vise à donner les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être à tous les âges.
Il s’agit, entre autres, de faire en sorte que chacun bénéficie d’une couverture sanitaire universelle, comprenant une protection contre les risques financiers et donnant accès à des services de santé essentiels de qualité et à des médicaments et vaccins essentiels sûrs, efficaces, de qualité et d’un coût abordable.
Et de poursuivre que la Pharmacie populaire du Mali (PPM) est cet outil privilégié de l’Etat qui a pour mission l’approvisionnement, le stockage et la distribution des médicaments essentiels sur l’ensemble du territoire à travers son objectif principal : « rendre accessible le médicament essentiel aux distributeurs (privés, prestataires, centres de santé communautaires, centres de santé de référence et établissements publics hospitaliers) à un prix compatible avec le pouvoir d’achat des populations ».
Ainsi, la PPM a réalisé un chiffre d’affaires de 14 006 164 724 F CFA HT en 2019 et 1 647 159 880 FCFA HT au 1er trimestre de 2020. Aussi, elle dispose de 15 magasins à Bamako, six magasins dans les régions et huit points de vente. La vérification initiale du système de mise à disposition des médicaments aux clients avait relevé beaucoup de faiblesses et de dysfonctionnements et des recommandations avaient été formulées pour corriger ces insuffisances.
Politique pharmaceutique, partie intégrante de la politique sectorielle de santé et de la population
A en croire le rapport, au Mali, la politique pharmaceutique est partie intégrante de la politique sectorielle de santé et de la population. Celle-ci s’articule autour de 4 axes ; à savoir : l’extension de la couverture sanitaire et l’amélioration de la qualité des prestations ; la disponibilité et l’accessibilité des médicaments essentiels ; la participation communautaire dans la gestion du système ; la mobilisation des ressources nécessaires au financement du système de santé y compris dans le recouvrement des coûts.
L’évolution du secteur pharmaceutique au Mali se caractérise par quatre périodes : 1960-1983, période durant laquelle l’Etat assurait la plupart des fonctions du secteur pharmaceutique, notamment l’importation et la vente publique à travers la PPM (société d’Etat) ; l’importation et la distribution aux établissements sanitaires publics à travers la Pharmacie d’approvisionnement (Pharmapro) et 2 officines privées ; la création de l’Office malien de pharmacie (OMP) regroupant les fonctions administratives de distribution, de production et de recherche.
Ensuite, la période (1983-1989), caractérisée par la suppression de la Pharmapro et de l’Office malien de pharmacie ; la création de l’Usine malienne de produits pharmaceutiques (UMPP) ; l’expérience d’importation des médicaments essentiels en dénomination commune internationale (DCI) dans le cadre du premier projet de développement sanitaire ; la privatisation des professions sanitaires qui s’est traduite par un développement du secteur pharmaceutique privé.
La période (1989-1994), caractérisée par la levée du monopole de la PPM et l’apparition de grossistes sur le marché ; la signature d’un contrat-plan entre l’Etat et la PPM, faisant d’elle l’outil privilégié en matière d’approvisionnement en médicaments essentiels.
La période de 1994 à aujourd’hui a été marquée par la relance de la politique des médicaments essentiels génériques ; la mise en place d’un système de distribution appelé schéma directeur d’approvisionnement et de distribution. En effet, la politique pharmaceutique, adoptée en 1998, fait suite à un rapport du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lors de la 28e assemblée générale de cette organisation qui a abouti à l’adoption du concept de médicaments essentiels sur la base de l’expérience de certains pays (comme Cuba, Tanzanie, Sri Lanka, Mozambique) sur la mise en place de médicaments fondamentaux ou essentiels.
14 recommandations pour la PPM
Selon le rapport, la vérification initiale avait été effectuée en 2018 et a concerné les exercices 2015, 2016 et 2017. Ainsi, 19 recommandations ont été formulées dont 14 pour la PPM, un pour le Laboratoire national de la santé (LNS), deux pour le ministère de l’Economie et des Finances, un pour le ministère de la Santé et des Affaires Sociales et un à la fois pour les deux départements ministériels sus cités.
En ce qui concerne l’état de mise en œuvre des recommandations, il ressort que le taux des recommandations entièrement mises en œuvre est de 26 %. En effet, sur les 19 recommandations, cinq ont été entièrement mises en œuvre notamment l’acquisition par la Pharmacie populaire du Mali (PPM) des produits pharmaceutiques conformément aux procédures de passation des marchés publics et sur la base des expressions de besoins ; l’archivage correct des certificats d’analyse ; la disponibilité de tous les bordereaux de livraison (BL) signés et retournés comme preuve de distribution des produits des partenaires.
En effet, la mission initiale avait recommandé à la PPM de s’assurer de la signature et du retour de tous les BL comme preuve de distribution des produits des partenaires. Car, la PPM ne justifie pas toutes les distributions des produits des partenaires par des BL signés et retournés. Il ressort que la PPM n’avait pas justifié par des bordereaux de livraison signés, la distribution de plus de 64 000 produits pharmaceutiques d’une valeur de 24,9 millions de F CFA.
Afin de s’assurer de la signature et du retour de tous les BL des partenaires, les vérificateurs ont choisi un échantillon de produits pharmaceutiques des partenaires d’une valeur de 213,6 millions de F CFA sur le fichier des distributions des années 2019 et 2020.
Pour les recommandations partiellement mises en œuvre, il ressort que le ministère des Finances et le ministère de la Santé et des Affaires sociales ne respectent pas leurs engagements du contrat plan (CP) ; la PPM n’a pas procédé à la mise en place effective du nouveau comité de suivi ; la PPM ne respecte pas entièrement ses engagements qui le lient à l’Etat ; la PPM n’a pas exigé de l’ensemble des fournisseurs le paiement de la redevance de régulation des marchés ; la PPM n’a pas reversé à l’Autorité de régulation des marchés publics la totalité de sa part des produits issus de la vente des dossiers d’appels d’offres (DAO).
Non-respect des procédures de stockage et les bonnes pratiques de distribution
En effet, pour l’année 2019, la PPM n’a pas versé les 3 800 000 F CFA représentant les 20 % du montant de 19 000 000 F CFA de produits de vente de DAO de cette année. Par contre, elle a fait le chèque BDM n°0640861 du 17 juillet 2020 d’un montant de 3 660 000 F CFA représentant les 20 % du produit de ventes des DAO sur les 18 300 000 F CFA de l’année 2020 au nom de l’Autorité de régulation des marchés publics et de délégation de service public (ARMDS) ; la PPM ne reverse pas totalement à la banque, la part des produits de vente des dossiers pour le compte de l’établissement ; la PPM n’a pas mis en place un mécanisme de recouvrement de ses créances ; le système de stockage de la PPM ne garantit pas totalement une bonne conservation.
La mission initiale avait recommandé à la PPM de respecter les procédures de stockage et les bonnes pratiques de distribution. Après avoir constaté que les conditions de stockage sur les différents sites de la PPM ne garantissent pas une bonne conservation des produits pharmaceutiques. Ainsi, les bonnes pratiques de stockage ne sont respectées dans aucun des magasins de la PPM visités au cours de la mission.
Pour s’assurer du respect des procédures internes de stockage de la PPM ainsi que de l’application des bonnes pratiques de gestion des produits pharmaceutiques internationalement reconnues, la mission s’est entretenue avec les responsables de la PPM et a ensuite visité sept magasins de stockage du district et le point de vente « Moussa Travélé » de Bamako qui avaient fait l’objet de recommandation lors de la mission initiale. Car, elle a constaté lors de ses visites que les conditions de stockage sur les différents sites s’étaient substantiellement améliorées pour une bonne conservation des produits pharmaceutiques. Cependant, des produits avariés non réceptionnés existent toujours dans l’entrepôt.
Au niveau du magasin de réception, la mission de suivi a constaté l’absence d’une zone de quarantaine pour les produits livrés mais non encore analysés par le LNS ainsi que des produits restés en stock après l’établissement du bordereau de transfert. Les extincteurs anti-incendie existent, mais ne sont pas entretenus depuis plus d’un an. Les thermomètres électroniques installés dans les magasins ne sont plus fonctionnels.
Le ministère des Finance ne paie pas l’intégralitédes subventions accordées à la PPM
Pour les recommandations non mises en œuvre, la mission a révélé que le ministère de l’Economie et des Finances ne respecte pas ses engagements financiers du contrat plan par le paiement intégral et régulier de la subvention à la PPM nécessaire à l’exécution du plan d’investissement et conformément au plan de financement. Aussi, la mission avait constaté que l’État n’a pas accordé l’intégralité de la subvention à la PPM conformément à ses engagements dans le cadre du CP.
Afin de s’assurer du respect des engagements financiers de l’Etat à l’égard de la PPM, la mission de suivi a examiné le contrat plan 2017-2019 et a rapproché les engagements de l’Etat de l’année 2019 aux montants payés sur la subvention accordée à la PPM pendant la même période. Elle a constaté que l’Etat n’a toujours pas payé l’intégralité de la subvention pour laquelle il s’était engagé dans le cadre du CP avec la PPM. En effet, en 2019, pour un engagement total de 59 435 000 F CFA, l’État a payé 45 171 000 F CFA.
Il en résulte également que la PPM n’établit pas de programme annuel d’approvisionnement permettant de maîtriser les approvisionnements, d’améliorer la disponibilité des médicaments essentiels dans les formations sanitaires et d’assurer une gestion adéquate des médicaments conformément aux recommandations de la mission initiale.
Selon le rapport de vérification, la PPM ne requiert pas le certificat d’analyse effectué par le Laboratoire national de santé (LNS). En effet, en 2016 et 2017, le LNS a procédé à des prélèvements pour lesquels aucun certificat d’analyse n’a été fourni. Afin de s’assurer que tous les produits distribués sont conformes aux normes, la mission de suivi a échangé avec les responsables de la PPM et leur a requis tous les certificats d’analyse de médicaments délivrés par le LNS pendant la période sous revue (2019 et 2020).
Elle a constaté que la PPM a continué de distribuer des produits pharmaceutiques durant la période sous revue en l’absence de certificats d’analyse ou de résultats provisoires sur les échantillons prélevés. Les responsables de la PPM ont évoqué l’urgence des besoins exprimés par les clients pour ne pas attendre les résultats des analyses qui accusent des retards importants.
Le LNS ne respecte pas le délai réglementair d’analyse des prélèvements de médicaments
Quant au Laboratoire national de santé (LNS), la vérification estime qu’il ne respecte pas le délai de délivrance des certificats d’analyse des échantillons de médicaments. Elle avait constaté que le LNS ne délivre pas de certificat d’analyse à la PPM dans le délai réglementaire. A titre illustratif, en 2017, le LNS a transmis à la PPM des certificats d’analyse dont le délai de traitement varie entre 17 et 308 jours. En 2016, ce délai a varié entre 14 et 472 jours. Afin de s’assurer du respect des délais réglementaires d’analyse des prélèvements de médicaments, la mission de suivi a rapproché les dates d’un échantillon de 20 prélèvements pour analyse de la période sous revue aux dates des certificats d’analyse et au délai fixé à 8 jours par l’article 10 de l’arrêté interministériel n°08-0345/MS-MF-MEICMEP-MA du 12 février 2008 fixant les modalités pratiques et tarification des opérations de contrôle de qualité des médicaments, aliments, eaux et boissons. Elle a constaté que le LNS ne parvient toujours pas à respecter ce délai réglementaire. En effet pour un échantillon de 20 prélèvements, elle a constaté que les délais de livraison du certificat d’analyse varient entre 20 à 160 jours pendant la période sous-revue.
Pour les Vérificateurs, le ministère de la Santé et des Affaires sociales (MSAS) ne prend pas les mesures nécessaires pour rembourser la totalité des impayés. Elle avait constaté que le département de tutelle doit à la PPM à la date de février 2018 un montant de 3,17 milliards de FCFA (dernier pointage effectué par la commission bipartite ministère-PPM, sur la base des BL et des factures).
Afin de s’assurer de la mise en œuvre de cette recommandation, la mission de suivi s’est entretenue avec les responsables du ministère de la Santé et des Affaires sociales. La mission de suivi a constaté que le ministère de la Santé et des Affaires Sociales n’a pris aucune mesure visant à rembourser les impayés.
Pour finir, la mission de vérification a constaté que la PPM ne respecte pas aussi les délais de livraison.
Synthèse de Boubacar Païtao