BAMA’ART : Les raisons de l’arrêt des festivités

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Bama’Art est une activité culturelle qui se tient une fois par mois sur la place du Cinquantenaire, dans la juridiction de la Commune III du district de Bamako. Depuis peu, cet événement, qui a timidement vu le jour en septembre 2018, a pris de l’ampleur et mobilise des acteurs culturels, artistiques, touristiques et économiques. Dans un point presse, la semaine dernière, Abou Djittèye, promoteur de Africa Scène de Bama’Art, a expliqué sa version des faits, la mairie justifie sa position sur les péripéties d’annulation de la festivité qui était prévue du 12 au 14 mai dernier.

Si l’on s’en tient aux propos d’Abou Djittèye, ce n’est pas une question d’argent qui a fait défaut mais plutôt la procédure adoptée par les autorités administratives de la Commune III. Elles exigent une augmentation « drastique » des taxes d’autorisation de spectacles et de divertissements occasionnels. Ce changement brusque est, selon lui, un moyen pour la mairie de saboter leur activité. Au début, Africa Scène faisait gratuitement ses activités sur la place du Cinquantenaire. Vu  l’envergure qu’a eu, le festival, grâce à l’afflux des sponsors, la mairie a décidé de taxer ce projet culturel. « De l’autorisation gratuite, nous sommes passés à 50 000 FCFA, puis à 150 000 FCFA, ensuite à 300 000 FCFA et à la vielle de la fête, sans notification écrite et sans préavis de la part de la mairie, le tarif est passé à 900 000 FCFA (vendredi, samedi et dimanche) avec de nouvelles lois votées par une commission de la mairie (non par le conseil communal) que nous paierons dorénavant les jours d’installation à raison de 300 000 FCFA par jour. Vu que nous nous déployons du lundi au dimanche, on se retrouvera à payer 2,1 millions de FCFA »,  note l’organisateur sur sa page Facebook en date du 12 mai à 19 h.

Des pertes

La confirmation d’annuler le festival a été donnée dans l’après-midi du jour de l’événement alors que les travaux d’installation étaient presque finis. Les pertes, en croire M. Djittèye, sont énormes. « J’avais déjà payé les cachets d’artiste. On avait commencé à vendre les tickets. Sans tenir compte des  investissements dans l’organisation. C’est en quelque sorte l’image du Mali qui est en jeu… »,  déplore-t-il.

Les pertes sont également conséquentes pour les vendeurs et les restaurateurs. « On avait déjà payé nos stands et fait nos commandes quand la police  est venue nous déguerpir du lieu le jour du festival », témoigne Ibrahim Maiga, promoteur de Dounkafa Events. 

Lueur d’espoir

Selon Abdoul Diabaté, conseiller municipal de la Commune III, président de la commission de gestion de la place du Cinquantenaire, c’est l’application de la loi n°96-058 du 16 octobre 1996 déterminant les ressources fiscales du district de Bamako et de ses communes qui n’a pas plu à Africa Scène. M. Djittèye dit n’avoir jamais entendu l’existence de cette loi durant ses 25 ans d’expérience.

Au chapitre II de cette loi, les autorisations de spectacles et divertissements occasionnels  sont taxées au maximum de 10 % des recettes brutes de l’événement. « Nous n’avons aucune volonté de saboter Bama’Art, comme ils veulent le faire croire aux gens, nous voulons juste que les choses se fassent dans les normes », souhaite M. Diabaté.

Malgré les accusations, les réactions des deux camps et une plainte déposée contre la mairie par Africa Scène pour abus d’autorité, sabotage et chantage, une lueur d’espoir renait grâce à l’intervention du Réseau des organisations culturelles du Mali (Réseau Kya), de l’Union des associations des artistes, producteurs et éditeurs du Mali (UAAPREM) et de la Fédération des artistes du Mali (Fédama).

En attendant que les férus du festival prennent leur mal en patience. Ils ne souhaitent en aucun cas son arrêt, car Bama’Art, au fil du temps, est devenu un véritable cadre d’échange et de promotion du talent artistique africain. « La place adéquate pour ce genre de spectacle c’est la place du Cinquantenaire c’est au centre ville et ça arrange tout le monde. Il faut mettre balle à terre. Il faut démarcher la mairie, c’est mieux », conseille un fan du festival.

Au-delà des concerts, plusieurs activités sont liées à cet événement culturel, comme les compétitions sportives. Pour l’artiste malien Soumaïla Kanouté, c’est un moyen de lutter contre la précarité à laquelle les artistes maliens font face en cette période de Covid-19. Pour le rappeur sénégalais Didier Awadi, Bama’Art va au-delà du Mali, c’est panafricain.

Autant de raisons qui justifient la tenue du festival. Mais Africa Scène et la mairie de la Commune III trouveront-ils un terrain d’entente vu que le prochain Bama’Art, puisse avoir lieu du 4 au 6 juin sur la pelouse de l’annexe du 26-Mars selon les organisateurs. Par conséquent, « il est possible qu’on s’asseye pour discuter et je ne suis pas contre la discussion », conclut l’initiateur de Bama’Art.                                                     

Chaka Kéita

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