Que sont ils devenus…? Adama Fofana dit Agni : Le régulateur de l’attaque électronique de l’AS Réal

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A la fin des années 1970 et au début des années 1980, force est de reconnaitre que le Djoliba AC avait une ascendance morale sur le Stade malien de Bamako. Le constat révèle aussi que l’AS Réal lui causait beaucoup de difficultés. La génération des Scorpions à l’époque : Beïdy  Sidibé dit Baraka, Drissa Konaté dit Driballon, Amadou Samaké, Amadou Pathé Vieux Diallo, Antoine Sah, Ousmane Doumbia dit Man, Boubacar Sidibé dit Jardin, Benny, Boubacar Kanté, René Ondounoh Sah… affrontait les véloces des Rouges sans complexe, sans pression. Des titres du journal « Podium » pour magnifier certaines victoires du Réal sur le Djoliba ne plaisaient pas trop. L’un d’eux de notre professeur Mamadou Diarra « Quand le Réal renoue avec la tradition » a fait souffler un vent de mécontentement dans la famille rouge en son temps. Cette glissade dans un petit coin de l’histoire du football malien, nous sert de brèche pour annoncer notre héros de la semaine, Adama Fofana dit Agni, un maillon important de la Dream Team. Par ses débordements, ses dribbles et ses centres, il était l’animateur, sinon le régulateur de l’attaque électronique du Réal au début des années 1980.  Il avait déjà fait ses preuves au Débo Club de Mopti, et il était le seul joueur régional sélectionné en équipe nationale. C’est à la suite de cette sélection que le Djoliba, le Stade malien et l’AS Réal ont chacun nourri l’idée de l’enrôler. C’est finalement les Scorpions qui parviendront à le faire débarquer à Bamako. Coup de chance ou coïncidence ? Ce qui est sûr, c’est pratiquement à la même période que les dirigeants de la Société nationale des tabacs et allumettes du Mali (Sonatam) l’ont approché dans le cadre de la Coupe Corpo. En guise de réponse il posa comme condition, son recrutement par cette société. Ce qui n’a pas tardé. Il joua d’abord la Coupe Corpo, pour ensuite faire face à l’AS Réal. Une fois dans le nid des Scorpions, il ne mettra pas assez de temps pour se faire valoir. Mieux Agni était l’enfant chouchou de Salif Kéita dit Domingo. Le premier Ballon d’or africain pendant ses vacances à Bamako, demandait toujours à évoluer dans le même camp que le jeune Agni, lors  de ses passages aux séances d’entraînement du Réal. Qui est  réellement Adama Fofana dit Agni ? Pourquoi sa carrière s’est prématurément arrêtée ? Quelles ont été les conséquences de cette retraite anticipée ? Comment vit-il aujourd’hui ? L’enfant de Mopti a répondu à toutes ces questions, dans le cadre de la rubrique « Que sont-ils devenus ? »

Le nom Adama Fofana dit Agni rappelle aux aînés ce n°12 du Réal de teint clair, avec son style afro effectuant des dribbles éliminatoires sur le flanc droit, côté Point G, sa zone préférée. A ce niveau, il était insaisissable sur les ouvertures du rouquin Amadou Pathé Vieux Diallo. Amadou Samaké et Antoine Sah se plaisaient à voir Agni dans ses œuvres, ponctuées d’un joli centre qui tombait sur l’un d’eux, et généralement c’était le but. Voilà pourquoi les frères Drabo ou Mad Diarra avaient la belle plume dans le journal Podium pour donner plus d’éclat aux victoires de l’AS Réal.

Entraîneur joueur dans l’équipe de son quartier en 1976, Adama Fofana dit Agni est sollicité par son oncle pour qu’il s’entraîne avec le Douga de Mopti. A son oncle, il ne s’est pas gêné d’exprimer ses appréhensions relatives à son âge et à son gabarit face aux grands avec lesquels il devait jouer. Déterminé à avoir son neveu sous la main, l’oncle rassure le petit Agni  de sa présence. Seulement il devait juste démontrer qu’il sait jouer au ballon et éviter toute extravagance. Une attitude qui pourrait irriter ses co équipiers.

Le conseil ancré dans la tête, Adama dès les premiers jours d’entraînement se limite aux petits dribbles et passes décisives. Le week-end suivant, dans le cadre de la coupe régionale, le Douga FC devait effectuer un déplacement à Sofara. Agni après une première mi-temps d’indigestion, finit par faire plier le match en marquant trois buts en seconde période.

En demi-finale, il contribuera à battre Tibo (une équipe qui a joué sa première finale de Coupe du Mali en 1977 contre le Djoliba), pour ensuite remporter le trophée face au Bani. Avec ses différentes performances, Agni est devenu le jeunot le plus populaire de la région.

Une ascension fulgurante qui coïncide avec la création des équipes régionales. C’est dans ce contexte que les meilleurs dont Agni, du Douga et du Bani FC ont transféré au Débo Club de Mopti pour un seul objectif : le développement des activités sportives de la région.

La reconnaissance du bienfait

Agni avec ses camarades d’enfance et d’autres jeunes du quartier se sont fixés comme ambition l’entretien du nouveau bébé à tous les niveaux. Cela devait passer par la défiance des grands clubs de la capitale. L’AS Réal est la première équipe rencontrée à Bamako dans le cadre des matches aller des éliminatoires de la Coupe du Mali pendant la saison 1979-1980.

Après un match nul à Bamako, les Scorpions s’imposèrent à Mopti aux tirs au but. Le fait marquant de cette rencontre aura été l’attention toute particulière que l’encadrement et les dirigeants Réalistes accordèrent à Adama Fofana dit Agni à la lumière de ses qualités techniques. Depuis ce jour, ils se sont mis dans la logique de transférer le jeune Mopticien dans leur club. Ils réussiront ce pari.

Comment ? Et pourquoi Agni a accepté ? Explications : « D’abord pour parler de ce match retour, l’entraîneur du Réal feu Ousmane Traoré dit Ousmanebleny a bâti son système autour de moi. Parce que selon ce qui m’a été rapporté après, il a confié la tâche à Issa Kolon.

Lequel n’était pas très prêt pour m’affronter. C’est ainsi qu’il s’est rabattu sur Souleymane Diakité  Akran. Et la façon dont celui-ci m’a agressé avec une pointe, m’a convaincu que les Réalistes sont venus avec la ferme décision de me neutraliser. Après l’acte de mon adversaire, on a cherché l’arme blanche sans pouvoir la retrouver. Mais Akran a profité d’un duel aérien pour me mettre K O par un coup de tête. Cela a été un facteur qui a refroidi mes ardeurs et mon endurance, et finalement le Réal s’est imposé aux tirs au but.

J’ai opté pour ce club, parce que ce sont ses joueurs qui s’occupaient de moi à l’internat, lors de mes premières heures en équipe nationale en 1980. Je venais d’une équipe régionale, sans repère, donc l’adaptation n’était pas facile pour moi. Mais les joueurs réalistes m’ont beaucoup soutenu et il fallait que je sois reconnaissant ».

Contre mauvaise fortune bon cœur

Comme annoncé plus haut, Adama Fofana dit Agni a conduit l’attaque des Scorpions, dont il était le régulateur à travers ses accélérations et pénétrations. Il n’a pas eu la chance de remporter une Coupe du Mali, mais a à son actif trois titres de champion (1981, 1983, 1986).

Cependant faudrait-il rappeler que la carrière du joueur a connu un coup d’arrêt de façon prématurée. Oui il a été victime d’un mal de genou en 1986. De traitement en traitement il n’a pu encore jouer au ballon de façon convenable. Ce qui sonnera d’ailleurs sa retraite.

Pourtant au même moment il était en pourparlers avec une équipe belge. Comment informer les recruteurs qu’il souffre d’un mal ? Agni affirme sa franchise dans les négociations, parce que s’il avait caché le mal, en Europe les médecins allaient le détecter facilement. Dans ce cas il n’aurait eu aucune excuse, pour démontrer sa bonne  foi. En bon musulman, il s’est résigné et dans l’expectative que si le mal est guéri, rien ne l’empêcherait de décrocher un autre contrat plus intéressant. Hélas !

A défaut d’être opérationnel sur un terrain de football, il fallait au moins soigner le mal pour le restant de sa vie. C’est pourquoi il a subi une énième opération en 1992, qui n’a pas aussi été le succès escompté. Et c’est à cette occasion que le professeur Abdou Touré lui a conseillé la France pour un traitement définitif. Comment y faire face ? Certes il s’est soigné par ses propres moyens et le soutien de ses relations, mais la prise en charge d’une évacuation en France n’était pas à sa portée.

Très déçu, pour n’avoir pas été soutenu et assisté, durant tout le temps de traitement, Agni tournera le dos au milieu sportif, pour s’occuper de son emploi et de sa famille. Et ce jusqu’en 2003 où il a décidé de la création d’un centre de formation des jeunes dénommé « Centre Agni Foot ». Il affirme qu’un de ses amis, un opérateur économique, lui permet de joindre les deux bouts pour tenir en vie son centre. Il a fait valoir ses droits à la retraite à la Sonatam en 2013.

Comme bons  souvenirs il se rappelle de ce match de Coupe d’Afrique de clubs champions qui a opposé le Réal à l’Etoile du Congo en 1982, la finale de la Coupe du Mali contre le Djoliba en 1981, et sa blessure constitue son seul mauvais souvenir. 

Dans la vie il aime l’honnêteté, et déteste le mensonge. Adama Fofana est marié et père de cinq enfants, dont une fille.

O. Roger

Tél (00223) 63 88 24 23

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