Rebondissement dans l’affaire de la parcelle appartenant à Mamadou Keita dit Capi sise à Sotuba : Pour l’exécution d’une Grosse de la Cour Suprême, 46 familles menacées d’expulsion-démolition de leurs maisons
Les héritiers de l’ancien international et l’ex-entraîneur des Aigles du Mali, Mamadou Kéïta plus connu sous le sobriquet de Capi, disposent désormais de la première grosse délivrée par la Section administrative de la Cour Suprême, qui annule la Décision N°0054/MLAFU-DNDC du 23 mai 2013 concernant la parcelle objet du Titre Foncier N°17250 sise à Sotuba. Cette parcelle de 1,5 hectare appartenant à feu Capi (il fut Instructeur Fifa et Caf) a été pourtant morcelée et vendue à l’insu des héritiers. Après l’Arrêt en date du 21 juin 2018 et la grosse de la Cour Suprême du 7 mars 2019, place maintenant à l’exécution. En d’autres termes, 46 familles sont aujourd’hui menacées d’expulsion et démolition de leurs maisons. Cela, après les tentatives de négociations avec les héritiers. D’ores et déjà, chacune des familles a reçu ou recevra d’une sommation par un Huissier.
Cette affaire de la parcelle sise au quartier de Sotuba et appartenant à l’ex-entraîneur des Aigles du Mali, Mamadou Kéïta plus connu sous le sobriquet de Capi (Commandeur de l’Ordre national du Mali) continue de défrayer la chronique. Après l’Arrêt N°391 du 21 juin 2018 rendu par la Section Administrative de la Cour suprême, les héritiers de celui qui a tout donné au football malien disposent aujourd’hui de la première grosse délivrée, le 7 mars 2019, par la Cour Suprême.
Du coup, la décision N°0054/MLAFU-DNNC du 23 mai 2013 de la Direction des Domaines a été purement et simplement annulée par cette institution judiciaire pour excès de pouvoir. Ainsi, ce bien immobilier, objet du Titre Foncier N°17250 est désormais redevenu une propriété des héritiers de Feu Capi avec à leurs têtes Mme Doumbia Mariétou Kéïta dite Tatou. C’est d’ailleurs grâce à cette dame que ce dossier a connu un dénouement heureux aujourd’hui, après avoir tapé à toutes les portes.
Extrait de l’Arrêt de la Cour suprême : “En la forme, reçoit le recours. Au fond, annule la décision N°0054/MLAFU-DNDC du 23 mai 2013 du Directeur National des Domaines et du Cadastre. Ordonne la restitution de la consignation versée et met les dépens à la charge du Trésor Public. Au nom du peuple malien, la République du Mali mande et ordonne au ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
En foi de quoi le présent arrêt a été scellé, collationné et signé par Nous Mme Oularé Assanatou Sakiliba Greffier en Chef de la Cour Suprême du Mali pour servir de Première Grosse délivrée à Mme Doumbia Mariétou Kéïta ayant pour Conseil le Cabinet GOIT’AS, avocat à la Cour”. Voilà un peu le contenu de l’Arrêt de la Cour Suprême concernant ce dossier de litige foncier.
De quoi s’agit-il en fait ?
Dans une correspondance en datée le 11 juillet 2016, la fille aînée de Capi, Mme Doumbia Mariétou Kéïta dite Tatou, a sollicité le concours du Premier ministre d”alors, Modibo Kéïta, afin de trouver un dénouement heureux dans cette affaire qui a l’air d’une véritable spéculation foncière à ciel ouvert.
Ainsi expliquait-elle : “Quelques temps après le décès de mon père en 2008, j’ai découvert qu’il avait entrepris des démarches pour l’acquisition d’un terrain en vue d’y implanter une école de performance. Il s’agit d’un Centre de sport avec études. Ces démarches ont été matérialisées par une demande de parcelle TF186 zone maraîchère “convoitise” qu’il avait adressée au ministre des Finances et du Commerce S/C Monsieur le Ministre de la Jeunesse et des Sports, le 21 mars 1996.
Par correspondance N°0088/MJS-CAB, le ministre de la Jeunesse et des Sports a transmis ladite demande au ministre des Finances et du Commerce, qui a émis un avis favorable par correspondance N°0415/MFC/SG du 5 avril 1996. Ainsi, le directeur national des Impôts, par correspondance N°00517/DNI du 18 avril 1996, a transmis la demande au directeur national de l’Urbanisme et de la Construction pour étude et avis technique.
En retour de courrier, le directeur national de l’Urbanisme et de la construction transmet à la directrice nationale des Impôts, par correspondance N°0566 du 4 juin 1996, un extrait de plan de la parcelle d’une superficie de 2 hectares sise dans la réserve foncière de Sotuba aux bords du fleuve Niger” explique-t-elle dans la lettre adressée au Premier ministre Modibo Kéïta.
“Par correspondance N°868/RDET du 12 septembre 1996, le Receveur des Domaines, de l’Enregistrement et du Timbre a demandé au directeur national de la Cartographie et de la Topographie de bien vouloir autoriser Aliou Maguiraga à procéder à l’abornement de la parcelle proposée. C’est ainsi que le dossier a été finalisé par la Décision N°97-078/MFC-DNI du 28 mars 1997 du directeur national des Impôts portant autorisation de cession de la parcelle de terrain objet du Titre Foncier N°17250 à Mamadou Kéïta” précisera Tatou.
Après avoir découvert l’ensemble de ces documents, l’héritière de Capi a saisi le directeur régional des Domaines et du Cadastre, à travers une correspondance en date du 19 novembre 2011 afin d’avoir des éclaircissements dans cette affaire et de la finaliser. “Par correspondance N°1139/DDC-DB du 11 décembre 2012, le directeur des Domaines et du Cadastre m’a fait savoir que la Décision N°97-078/MFC-DNI du 28 mars 1997 du directeur national des Impôts sera rapportée et que le Titre Foncier N°17250 est toujours propriété de l’Etat” a-t-elle précisé.
Entre temps, l’actuel maire du district de Bamako, Adama Sangaré, est entré en jeu. Du coup, selon nos informations, il a procédé au morcèlement de la parcelle avant de la vendre. Pour ce faire, il s’est contenté de remettre une seule parcelle à chacun des cinq enfants de Mamadou Kéïta dit Capi.
“C’est à ma grande surprise que j’ai reçu une notification N°03/M-DB du 13 novembre 2012 du maire du district de Bamako, Adama Sangaré, qui m’attribue la parcelle FA/12 sur le Titre Foncier cédé à mon père feu Mamadou Kéïta dit Capi et dont la décharge n’émane pas de moi. Lorsque je me suis présentée à l’antenne Bsdc pour accomplir les formalités en vue de l’obtention du permis d’occuper, on m’a fait comprendre que la mairie du District a été saisie par la Direction des domaines qui lui a fait savoir que l’endroit en question n’appartient ni à la Mairie du District, ni à l’Etat du Mali, mais plutôt aux héritiers de feu Mamadou Kéïta dit Capi, en faisant accompagner leur courrier par ma correspondance du 19 novembre 2011 adressée au Directeur des Domaines et du Cadastre.
Les Domaines tentaient, par-là, d’écarter les héritiers de feu Mamadou Kéïta d’une part, par la lettre du 11 décembre 2012, et d’écarter aussi la Mairie d’autre part en produisant ma correspondance du 19 novembre 2011 au motif que les héritiers du défunt réclamaient ledit Titre Foncier par mon biais. Raison pour laquelle, la Direction des Domaines a décidé de mettre fin à tous les travaux de construction sur les lieux et n’avait pas approché, non plus, les héritiers de feu Mamadou Kéïta” explique la fille aînée de l’ex-entraîneur des Aigles du Mali.
Par lettre en date du 3 octobre 2013, Mme Doumbia Mariétou Kéïta a saisi le ministre du Logement et des Affaires foncières d’alors pour la cession du TF 17 250 créé à la demande de feu Capi. Lequel, malheureusement, n’a pas pu payer, faute de moyens, jusqu’à mort en 2008.
Voilà pourquoi, Mme Doumbia Mariétou Kéïta a décidé de saisir la Cour suprême afin de trouver une solution idoine à cette affaire qui a trop duré, par une requête enregistrée au greffe le 5 mars 2018. Pour ce faire, elle a sollicité le Cabinet“GOIT’AS” et c’est à la suite de cela que la Section administrative de la Cour suprême a prononcé l’annulation de la Décision N°0054/MLAFU-DNDC du 23 mai 2013 du directeur national des Domaines et du cadastre.
L’audience publique ordinaire s’est donc déroulée le 21 juin 2018. En la forme, la Cour précise : “Considérant que le présent recours en annulation introduit par le Cabinet GOIT’AS, satisfait aux exigences légales de délai, qualité à agir et paiement de consignation. Qu’il échet de le déclarer recevable en la forme”.
Au fond, la Cour précise : “Considérant ue le Cabinet GOIT’AS, conseil de la requérante, dans sa requête en date du 5 mars 2018 soutient que le point de départ du délai pour agir est le jour où l’acte a été porté officiellement à la connaissance de l’intéressé, c’est-à-dire le jour de sa publication pour les actes règlementaires, de sa notification pour les actes individuels. Que selon une jurisprudence constante, le juge administratif n’admet plus la théorie de la connaissance acquise d’une décision.
Qu’en l’absence de preuve, comme dans le cas d’espèces, d’une notification expresse qui serait rapportée par la défenderesse en l’occurrence la Direction nationale des domaines et du cadastre, il y a lieu de déclarer que la requérante a agi dans les délais du recours contentieux prescrits par la loi.
Que la décision de retrait N°0054/DNDC du 23 mai 2013 souffre d’une illégalité manifestement attentatoire aux droits de la requérante, lui faisant ainsi grief.
Que le caractère frauduleux de la décision susvisée est d’autant patent que la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre l’a prise en violation des formalités substantielles et préalables à tout acte administratif unilatéral de retrait.
Que ladite décision a été prise paradoxalement et en catimini, 26 longues années après la décision de cession accordée à feu Mamadou Kéïta.
Qu’une décision de retrait implique une notification individuelle et non une publication, qu’en pareille circonstance, l’Administration avait tout au plus deux 2 mois pour rapporter sa décision.
Qu’en effet, la Direction nationale des domaines et du cadastre a pêché en apportant un traitement d’une telle illégalité en ne procédant pas par les voies appropriées au retrait de la décision N°97-078/MFC-DNI du 28 mars 1997 portant cession du Titre Foncier N°17250 sis à Sotuba à Mamadou Kéïta.
Qu’en ne le faisant pas, la décision N°0054/DNDC du 23 mai 2013 encourt la censure de la Cour de céans” précise l’Arrêt N°391 de la Cour suprême. Avant de rappeler : “Qu’en rapportant cet acte après l’expiration du délai de recours contentieux, le directeur national des Domaines et du cadastre a commis un excès de pouvoir qui doit être censuré.
Que l’acte administratif de cession N°97-078/MFC-DNI du 28 mars 1997 du Titre Foncier N°17250 sis à Sotuba a créé des droits acquis au profit de Mamadou Kéïta dit Capi, par conséquent, ses héritiers ont un droit acquis sur ledit Titre Foncier.
Qu’aussi l’Etat perd la propriété du Titre Foncier N°17250 de Sotuba en ne prenant pas une décision de retrait, deux mois après la décision de cession du 28 mars 1997”.
Disposant d’une Grosse de la Cour Suprême depuis le 7 mars 2019, les héritiers ne voulaient pas aller à une confrontation. C’est pourquoi, Mme Doumbia Mariétou Kéïta dit Tatou a tenté en vain de régler cette affaire à l’aimable. Malgré tout, les familles qui occupent la parcelle ont tenté de la rouler dans la farine.
“Nous avons tout fait pour faire comprendre aux différentes familles que nous disposons aujourd’hui d’une Grosse de la Cour Suprême. Notre souhait est que nous nous asseyions pour discuter afin de trouver une solution à ce problème. Mais en vain. Finalement, nous sommes obligés de procéder à l’exécution de l’Arrêt de la Cour Suprême. Ce qui passe obligatoire à faire expulser les familles et de démolir les maisons. Malheureusement, il y a des personnes qui ont investi beaucoup d’argent pour construire leur maison. Par contre, il y a des gens qui continuent de construire, malgré que nous disposions d’une décision de justice pour l’arrêt des travaux. C’est pour vous dire que cette affaire est très compliquée. Mais nous sommes déterminés et engagés pour l’exécution de cette décision de la Cour Suprême puisque les familles concernées refusent de dialoguer”, nous a confié Mme Mariétou Kéïta dite Tatou, avec beaucoup d’amertume.
En tout cas, une sommation sera remise à chacune des familles par un Huissier de justice concernant l’expulsion et la démolition de leurs maisons.
El Hadj A.B. HAIDARA