MISSION DE VERIFICATION DE LA GESTION DU CONSEIL DE CERCLE DE KAYES Plus de : 100 millions Fcfa d’irrégularités financières

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Afin de vérifier la gestion du Conseil de cercle de Kayes, le Vérificateur Général a initié une vérification intégrée (performance et conformité) de la collectivité cercle de Kayes au cours de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018. A l’issue de la mission de vérification, il ressort que plusieurs irrégularités ont été constatées pour un montant total de 106 919 165 Fcfa. Toutes ces irrégularités ont été dénoncées et transmises au président de la section des Comptes de la Cour suprême et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Kayes charge du Pôle économique et financier.

Le montant total des dépenses effectuées par la collectivité Cercle de Kayes sur la période sous revue s’élève à 3,358 milliards de Fcfa. Elle n’a pas encore fait l’objet de vérification du Bureau du Vérificateur Général. Au regard de ce qui précède, le Vérificateur Général a initié la présente vérification intégrée (Performance et Conformité) de la gestion de la collectivité Cercle de Kayes.

Selon le rapport, un des défis à prendre en compte est le faible niveau de formation d’une grande partie des élus. Par ailleurs, le personnel administratif des Collectivités territoriales n’est pas suffisamment outillé techniquement pour faire face aux tâches de gestion qui lui incombent. Ainsi, l’instabilité du personnel pose aussi un problème.

Il précisera que cette vérification a porté sur : la gestion de la bonne gouvernance ; les mesures de performance ; la gestion financière ; la gestion du personnel ; la gestion du patrimoine. Elle visait à s’assurer de la gestion de la Collectivité Cercle de Kayes au regard des critères d’économie, d’efficience et d’efficacité et en conformité avec les lois et règlements en vigueur.

Le moteur d’un véhicule réparé

 à 7 310 000 Fcfa et vendu au président du Conseil de cercle de Kayes à 1 000 000 Fcfa

Au sujet des irrégularités administratives, le rapport note que celles-ci relèvent de dysfonctionnement du contrôle interne, notamment la non-disponibilité de manuel de procédures administratives, comptables et financière, le non-respect des textes de création de la régie d’avances, la non fonctionnalité des commissions de travail, la non-évaluation des performances conformément à l’outil d’auto évaluation en vigueur.

Aussi, il ressort que le président du Conseil de cercle n’a pas utilisé de façon efficiente des ressources pour l’entretien d’un véhicule parce qu’il a ordonné l’achat d’un moteur au montant de 7 310 000 Fcfa pour le véhicule de marque Toyota Prado immatriculé AB 4452 M1 en août 2016. La mission a ensuite constaté que par délibération du Conseil de cercle du 6 Septembre 2017, ce véhicule a été mis à la reforme et acquis par le Président au prix de 1 000 000 Fcfa.

Ainsi, il en découle que les opérations d’achat du moteur et de la réforme ont été réalisées au détriment des finances du Conseil de cercle de Kayes. Bien plus, ces opérations ont personnellement profité au président du Conseil de cercle en sa qualité d’une part, d’ordonnateur de la dépense et d’autre part, de président de l’organe délibérant ayant engagé le processus de la réforme.

Quant à la gestion financière, les vérificateurs ont constaté que le bureau du Conseil de cercle de Kayes n’a pas respecté des procédures de mise en concurrence des fournisseurs parce qu’il n’établit pas de contrats simplifiés pour des achats dont les montants le requièrent. Et le non-respect de la concurrence entre les fournisseurs ne garantit pas la transparence des procédures de passation des marchés.

Au chapitre des irrégularités financières, la mission de vérification a analysé les factures, les bordereaux de livraison et procédé à un contrôle physique des biens achetés et s’est entretenue avec le comptable-matières. De ces travaux, il ressort que le comptable-matières a procédé à des réceptions fictives d’un montant de 3 347 247 Fcfa. En effet, il n’a pas pu fournir à la mission la preuve de l’existence physique du matériel informatique acheté suivant mandat n°457.

Des tickets de carburant d’un montant de 28 923 619 Fcfa

Dans la même veine, il a été constaté que le président du Conseil de cercle de Kayes a procédé à des achats fictifs de 200 tables-bancs suivant contrat n°003/EAD-CCK-2017 pour le compte du lycée Dougoukolo Konaré d’un montant de 14 584 800 Fcfa et de tickets de carburant d’un montant de 28 923 619 Fcfa.

Et de poursuivre que le président du Conseil de cercle a irrégulièrement autorisé le payement des dépenses d’installation d’un système de vidéo-surveillance d’un montant de 12 780 580 Fcfa effectué sur le chapitre 2343 « réseau et installation technique » pour le compte de la Trésorerie Régionale de Kayes.

Pour la mission, le Comptable-matières du Conseil de cercle de Kayes n’a pas justifié l’utilisation des tickets de carburant pour un montant de 58 784 919 Fcfa. Par ailleurs, la mission a constaté que les distributions de carburant au personnel, ainsi qu’à des partenaires du Conseil de cercle de Kayes ne sont soutenues par aucun acte administratif.

Pour la gestion du personnel, la mission note que la structure contrôlée ne dispose ni d’un cadre organique ni d’un organigramme. De plus, le guide de gestion du personnel des Collectivités territoriales élaboré par la Direction nationale des collectivités territoriales (Dnct) en mars 2005 précise qu’« une analyse correcte des besoins en personnel impose d’abord une identification des postes de travail du service et l’affectation à chaque poste en vue d’une bonne définition des tâches à accomplir ». Aussi, la non-disposition de cadre organique et d’organigramme ne favorise pas l’atteinte des missions avec économie, efficience et efficacité.

Par rapport à la gestion du patrimoine, la mission a retenu que le bureau du Conseil de cercle de Kayes ne tient pas une comptabilité-matières régulière. En effet, après la vérification des documents tenus par le service de la comptabilité-matières, elle a constaté que le Bureau du Conseil de cercle de Kayes ne tient pas tous les documents de base, de mouvement et de gestion de la comptabilité-matières que sont le livre-journal des matières, le grand livre des matières, les fiches casiers, les fiches détenteurs, le Bordereau de Mise en consommation des Matières, le Bordereau d’Affectation du Matériel, le Bordereau de Mutation du Matériel. « Les biens et matériels du CCK ne sont pas codifiés. De plus, le rapport d’inventaire du cercle n’est pas tenu. La non-tenue des documents de la comptabilité-matières constitue une entrave à la sécurisation, à la traçabilité et au suivi des biens du Bureau du Conseil de Cercle de Kayes », mentionne le rapport.

Des faits transmis au Procureur en charge du Pôle économique et financier de Kayes  

Pour la  transmission et dénonciation de faits par le Vérificateur général au président de la Section des comptes de la Cour suprême et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Kayes chargé du Pôle économique et financier, elles sont relatives à des dépenses fictives de matériels informatiques pour un montant de 3 347 247 Fcfa ; aux achats fictifs de tables-bancs pour le compte du Lycée Dougoukolo Konaré pour un montant de 14 584 800 Fcfa ; à l’installation indue de la vidéo surveillance pour le compte du Trésor pour un montant de 12 78 580 Fcfa ; aux achats fictifs de carburant d’un montant de 28 923 619 Fcfa ; à la non-justification de l’utilisation de carburant pour un montant de 58 784 919 Fcfa.

En conclusion, la mission souligne que les travaux de la mission de vérification ont permis de relever d’importantes insuffisances aussi bien dans le processus de contrôle interne que dans l’exécution des dépenses. Suite à ces insuffisances, la mission a identifié des constatations et formulé des recommandations visant à améliorer la gestion du Conseil de cercle.

Les principales constatations formulées portent sur le non-respect des dispositions des textes législatifs et règlementaires qui gouvernent les dépenses publiques, la méconnaissance, parfois, desdits textes par les responsables des organes de gestion.

Aussi des insuffisances ont été relevées dans le domaine de la performance, notamment l’utilisation non efficiente des ressources du Conseil de cercle. A l’orée de la mise en œuvre de la politique de décentralisation, tant prônée par les autorités du Mali que par l’ensemble des partenaires techniques et financiers du Mali, la mise en œuvre de ces recommandations est capitale, si l’on veut réussir cette décentralisation.

    Synthèse de Boubacar PAÏTAO

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